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Iran - USA : Incompréhension et mauvais calculs
08.04.2007

L’affaire des otages britanniques a été dès le début mal interprétée et de nombreux experts ont commencé à appliquer des grilles de lectures inappropriées pour décoder la situation. La raison principale de cette interprétation erronée se trouve dans l’interprétation erronée des enjeux du bras de fer nucléaire entre l’Iran et les Etats-Unis.



Contrairement aux flots de ce qui est publié (livre, article ou chat), l’objet de ce bras de fer est une négociation pour la survie du régime qui exige des garanties de sécurité régionale : le régime veut rester en place en entier en préservant ses liens privilégiés avec les milices islamistes comme le Hamas et le Hezbollah.

Mais l’Amérique refuse cette solution et prévoit une autre forme de normalisation des relations. Pour les Etats-Unis, il s’agit de donner un aspect politiquement correct au régime des mollahs et de transformer le Hamas et le Hezbollah en partis politiques. L’islamisation politique de la région reste la priorité des Etats-Unis, mais ce pays veut restreindre la capacité de nuisance des mollahs : qu’ils demeurent une source de disputes au sein du monde musulman mais qu’ils ne puissent devenir une menace militaire en réussissant à fédérer les forces d’Al Qaeda et du Hezbollah.

Le bras de fer nucléaire est une crise de substitution dans laquelle il est sans cesse question de Garanties de Sécurité. Les capacités nucléaires des mollahs sont réellement minimales, nous en avons parlé précédemment et n’allons pas re-développer nos points de vue, on peut néanmoins ajouter que selon les expertises américaines, le programme nucléaire iranien était issu de celui des Nord Coréens et ce sont les américains qui ont très récemment avoué s’être trompés sur les capacités nucléaires de la Corée du Nord. Mais les mollahs et les Américains prétendent que l’Iran est proche de la maîtrise du savoir-faire nucléaire militaire afin de justifier la poursuite des négociations ou d’un consensus. Ce consensus aura un volet de « Garanties Régionales de Sécurité », même Rice en parle souvent, alors que cet élément est tout à fait étranger au sujet. Cependant, les américains sont prêts à accorder des Garanties aux mollahs mais pas sur le Hezbollah tel qu’il est aujourd’hui.

Afin de contraindre les mollahs à accepter cette solution, les Américains ont mis en place un étau de boycott économique qui commence à étouffer le régime des mollahs. Cependant ces derniers refusent de se soumettre et intensifient leur soutien aux terroristes irakiens et aux Talibans afin de leur côté de contraindre les Etats-Unis d’accepter une normalisation selon les normes définies par Téhéran (le régime + le Hezbollah). Les relations entre les deux pays sont faites de harcèlements et d’envie de dialogue.

L’affaire des otages britanniques a été dès le début mal interprétée car les experts occidentaux n’y ont pas inclus cette volonté d’entamer un dialogue. Dès le lendemain de la libération, le régime a fait appel à ses lobbyistes, surtout à ceux basés aux Etats-Unis, afin qu’ils expliquent cette fin heureuse. Le chef de file des lobbyistes universitaires iraniens aux States, un dénommé Abbas Milani, s’est rendu à la chaîne FOX News pour délivrer la version de l’interprétation officielle défendue par la république islamique.

Milani a déclaré que la libération express des otages montrait la réaffirmation des valeurs de la diplomatie sur les options militaires et la nécessité de négocier ! D’autres ont fait des articles (comme Olivier Roy) pour redire les mêmes choses. Mais les décideurs occidentaux restent sourds à ces appels du pied et continuent leur propre interprétation d’un événement qui avait qu’un seul objectif. Et même s’il en avait eu d’autres, l’objectif qui est aujourd’hui privilégié par le régime islamique iranien est le rappel de l’efficacité de la négociation et sa supériorité sur des solutions de confrontation (guerre ou sanctions).

Dès lors que ce message ne passe pas ou pas entièrement, on peut parler d’incompréhensions et de mauvais calculs. La version officielle de la mauvaise interprétation occidentale a été restituée à la perfection par Natalie Nougayrède, spécialiste de la réinterprétation occidentale des actions iraniennes.

Selon elle, l’affaire des otages est l’œuvre des Pasdaran et elle affirme que « l’un des objectifs poursuivis par les Occidentaux, en sanctionnant les pasdarans, a été d’exercer des pressions sur l’aile la plus radicale du pouvoir en Iran, afin d’inciter le courant plus « pragmatique » à prendre la main sur le dossier nucléaire. Certains diplomates font l’analyse qu’en annonçant la libération des marins britanniques, le président Ahmadinejad a été contraint de reculer, dans le cadre d’une lutte interne au sein du pouvoir à Téhéran ».

La décision de libérer les otages, qui devait faire comprendre la volonté de négocier du régime, a été interprétée comme un recul d’Ahmadinejad ! Ceci serait vrai dans un vrai régime présidentiel, mais selon la constitution de la république islamique d’Iran, le président n’a aucun pouvoir d’aucune sorte.

En réalité, on voit bien que les occidentaux n’ont pas saisi le message de Téhéran et continuent de déchiffrer des faits qui n’existent pas. Et le fait majeur qui n’existe pas, mais qui continue d’occuper les analystes occidentaux, est la fameuse lutte interne du régime. Cette incompréhension et la poursuite des fausses interprétations sont suivies de mauvais calculs comme la décision américaine de mettre sous pression les Pasdaran.

Les mêmes erreurs ont été faites par l’administration Bush durant l’été 2001 avec les Talibans (normalisation des relations en échange de la restitution de Ben Laden). Et une mauvaise interprétation et les mauvais calculs de l’administration Bush ont convaincu les Talibans de ne pas de restituer Ben Laden et plutôt de mettre à exécution, le 11 septembre 2001, leur plan d’attaque des centres nerveux des Etats-Unis. Certes les mollahs sont bien différents des Talibans, mais ils ont beaucoup plus à perdre et ne se sépareront jamais ni des Pasdaran ni du Hezbollah.

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