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Pourquoi les Français sont si prévenants vis-à-vis du Hezbollah ? 01.08.2006 | Weekly Standard | Weekly Standard | The French Connection | Olivier Guitta, consultant en politique étrangère et contre-terrorisme à Washington La France a une longue histoire au Liban, un pays qu’elle a administré en vertu d’un mandat de la Société des Nations entre 1920 et 1943. L’élite libanaise est d’ailleurs parfaitement bilingue français et arabe. La France a aussi une longue histoire avec le Hezbollah, qui remonte aux origines du groupe il y a plus de 20 ans. Pour comprendre pourquoi le président français Jacques Chirac est si peu empressé à désarmer le Hezbollah dans la crise actuelle, il convient de regarder le passé. Les 241 soldats US morts dans l’explosion du 23-10-83 ne furent pas les seuls occidentaux à mourir au Liban sous les mains des islamistes. Pour débuter, remontons à 1978, lorsque la France a contribué à l’instauration de la FINUL, une force de l’ONU créée pour surveiller la frontière israélo-libanaise. Après un nombre important de violations des frontières par les palestiniens ayant tué des israéliens, l’armée israélienne avait pénétré au Liban pour repousser l’OLP au Nord du fleuve Litani. La FINUL avait pour mission de maintenir la paix mais celle ci n’a pas duré. En 82, après une autre incursion israélienne, 800 soldats français rejoints par autant de US Marines et 400 italiens débarquèrent au Liban pour veiller à l’évacuation de l’OLP et servir encore une fois de force de maintien de la paix. La même année naissait officiellement le Hezbollah du Liban. A peine créée par l’Iran, cette nouvelle force chiite prit les forces françaises au Liban pour cible. D’abord par une attaque à la roquette en Avril 1983, puis en Août par le détournement d’un avion d’Air France à Téhéran. Les pirates de l’air qui étaient membre d’un groupe terroriste lié à l’Iran, le Amal Islamique, demandèrent le retrait de la France du Liban et la fin de l’aide militaire française à l’Irak (alors en guerre contre l’Iran) ainsi que la libération de tous les prisonniers libanais des prisons françaises. Le cerveau de cette opération était Hussein Moussawi, qui s’attaqua ensuite aux baraquements américains et français de Beyrouth, faisant 241 morts parmi les Marines et 58 dans les rangs de l’armée française [1] . Deux semaines plus tard, la DGSE apprenait que l’ambassade iranienne à Beyrouth avait ordonné l’exécution de Gilles Vidal, le n°2 de l’ambassade française. La DGSE décida d’une opération préventive : elle remplit de 500 kilos une jeep militaire française frappée de la croix rouge et la gara au pied de l’ambassade iranienne. La mise à feu ne se fit pas et les agents français tentèrent alors de la faire exploser au bazooka mais sans plus de résultats. Les iraniens découvrirent la jeep et avec elle la preuve de la responsabilité française. Le lendemain Téhéran pointa du doigt la France, un membre influent du parlement iranien, l’hodjatoleslam Mohamed Ali Mohavedi Kermani s’exclama alors et en public : «les français sont si trouillards qu'ils ne sont pas foutus de trouver quelqu'un parmi eux prêt à être martyr et se faire exploser avec cette jeep devant notre ambassade de Beyrouth. Seuls les agents du Hezbollah sont capables d'en avoir le cran». C’était la guerre. En représailles la France bombarda l’Amal Islamique et un camp du Hezbollah à Baalbek. On discute encore au sujet du succès de l’opération. Alors que certains prétendent que pas un seul terroriste ne fut tué, un rapport secret adressé à François Mitterrand établissait qu’il y avait eu 20 militants chiites tués (39 selon l’armée libanaise) ainsi que 12 formateurs iraniens. l’ayatollah Khomeiny dénonça la France comme un «état terroriste». La vengeance de l’Iran ne fut pas longue à venir. Le Hezbollah bombarda l’ambassade française au Koweït le 12 Décembre puis tua 10 soldats français au Liban. Le 21 Décembre, après une attaque sanglante au camion piégé contre les positions françaises, le Jihad Islamique (un autre nom du Hezbollah) annonça qu’il en était l’auteur et donnait dix jours à la France pour quitter le Liban ou subir d’autres représailles. Le 23, Paris expulsait 6 diplomates iraniens suspectés d’activités terroristes. Le 31 Décembre, tenant sa promesse, le Djihad Islamique fit exploser simultanément la gare de Marseille et le TGV Paris Marseille, faisant 4 morts parmi la population française. En 1984, à la grande satisfaction du Hezbollah, la France quitta le Liban définitivement. Mais une fois encore l’Iran ordonna au Hezbollah de viser la France à cause de son soutien à Saddam Hussein. Entre Mars 1985 et Janvier 1987, le Hezbollah prit 16 français en otage au Liban, pour la plupart des journalistes ou des diplomates. Certains restèrent captifs durant trois longues années et l’un d’eux fut assassiné. Se vantant du soutien de l’Iran dans ses activités, le «guide spirituel» du Hezbollah, le cheikh Fadlallah, cité par le journal Libération annonça : «La France est devant une chambre forte. Il y a trois clefs, la plus petite est libanaise, donc si je tenais vos compatriotes je ne pourrais pas les libérer, ma petite clef ne suffit pas. La clef syrienne est plus grande mais n'est pas suffisante non plus. Il vous faut aussi la troisième clef, celle de l'Iran». En plus des kidnappings, l’Iran via le Hezbollah orchestra aussi une campagne de terreur au sein des villes françaises entre Décembre 85 et Septembre 86 qui fit 13 morts et blessa des centaines de personnes. Alain Marsaud, responsable du contre-terrorisme français, résume ainsi cette campagne : «L'Iran est le commanditaire des attaques et se sert du réseau du Hezbollah basé au Liban et d'une cellule logistique de maghrébins pour convaincre la France de changer sa politique étrangère». Et dans les faits, le cerveau tunisien des attaques de 1986, Fouad Ali Saleh, était très proche de certains dirigeants du Hezbollah. Il avait passé trois années à étudier à Qom (Iran) sous l’ayatollah Khomeiny. Après son arrestation, Saleh déclara : «La forteresse de l'islam est l'Iran. Votre pays, en aidant l'Irak combat l'Iran, et est donc un ennemi... notre principal objectif est de ramener la France à la raison par des actions violentes». La DST dans un rapport final au premier ministre Jacques Chirac écrivit : «Rien n'a été décidé sans la bénédiction de président du parlement iranien Rafsandjani [2] ou de l'ayatollah Montazéri [3] «». Par comparaison les années 90 furent plutôt calmes. Mais en Février 2000, le premier ministre Lionel Jospin décrivit le Hezbollah comme un groupe terroriste lors d’une conférence de presse en Israël. Son ministre des affaires étrangères qui voyageait avec lui, Hubert Védrine [4], lui chuchota tout de suite qu’il était allé trop loin dans ses paroles. A la suite de quoi le président Jacques Chirac, en colère, lui rappela que c’était le président qui décidait de la politique étrangère de la France et non pas le premier ministre. De toute évidence, Chirac se souvenait des attentats et kidnappings des années 80 et ne voulait pas provoquer le Hezbollah. Ce qui explique pourquoi et en dépit du passé sanglant d’Hassan Nasrallah, Chirac l’invita en tant que secrétaire général du groupe à s’occuper du sommet de la francophonie de Beyrouth en Octobre 2002. Mais le 17 Décembre 2003, les relations à moitié chaleureuses de Chirac avec le Hezbollah s’effondrèrent. En soutenant l’interdiction du voile que portaient des femmes islamistes dans les écoles françaises, Chirac déclencha la colère du cheikh Fadlallah. Dans une lettre à Chirac, Fadlallah le menaça de «probables ennuis» si l’interdiction était légalisée, ce qui advint en 2004. Dans les dernières années, il y a eu quelques ambiguïtés dans la politique française vis à vis du Hezbollah. Ainsi en Mai 2004, Jean Daniel Levitte, ambassadeur de France aux USA, a décrit le Hezbollah comme une organisation essentiellement sociale. En outre il a ajouté qu’il ne voyait aucune raison à mettre le Hezbollah sur la liste des terroristes de l’Union Européenne. Néanmoins en Août 2004, la France et les USA soutinrent conjointement la résolution 1559 des Nations Unies appelant au retrait des troupes syriennes du Liban et au désarmement des milices y compris le Hezbollah ; même si les français sur ce second point se protégèrent en faisant préciser que le Hezbollah ne pouvait être désarmé que par les autorités libanaises. Et à l’intérieur, la France prendra quelques mesures unilatérales contre le Hezbollah. Notamment en Décembre 2004 où la France interdira Al-Manar, la chaîne de télévision de propagande du Hezbollah violemment antisémite, mesure prise uniquement sous la pression de politiciens français et du public outrés par les propos de la chaîne. Les discours de haine de Al-Manar ne pouvaient être plus longtemps ignorées par les lois françaises strictes sur l’antisémitisme. Le point de rupture dans la politique française sera l’assassinat du premier ministre Rafik Hariri le 14 Février 2005 et surtout ami intime de Jacques Chirac. La France a alors réagi en adoptant une position plus ferme face au Hezbollah. Le 29 Août, s’adressant aux ambassadeurs français, Chirac a insisté sur le fait que tous les aspects de la résolution 1559 devaient être mis en application. Le ministre des Affaires Étrangères français, Douste-Blazy le répéta quelques jours plus tard dans une interview au quotidien Asharq Al Awsat. Catherine Colonna, Ministre des Affaires Européennes, alla dans le même sens en condamnant les actions illégales et violentes du Hezbollah à l’encontre d’Israël. Mais pour ce qui est d’inscrire le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l’Union Européenne, la France traîne des pieds. Le Hezbollah est un parti politique dit la France et le déclarer comme organisation terroriste risque de déstabiliser le Liban. Encore aujourd’hui la France hésite à lier le mot terrorisme au Hezbollah. Gérard Araud, ambassadeur de France en Israël, a déclaré le 27 Septembre que la France veut donner au Hezbollah «une place dans le processus démocratique et lui faire comprendre que dans ce processus démocratique il n'y a pas de place pour les armes et le terrorisme». Il a continué en disant que placer le Hezbollah sur la liste des terroristes ne changerait rien mais serait une occasion pour le monde arabe d’y voir «un complot américano-sioniste». La France «ne veut pas leur donner ce plaisir» [5] . Enfin, l’année dernière l’Iran a menacé de réactiver son mortel employé, le Hezbollah, si la France devait prendre une position plus dure à son égard au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ceci peut expliquer pourquoi le 19 Janvier 2006, le président Chirac dans une déclaration sur le terrorisme a déclaré qu’en cas d’attaque terroriste contre les alliés français (les monarchies du Golfe Persique essentiellement) et/ou les intérêts nationaux (dont les équipements pétroliers) la France pouvait avoir recours à un usage du nucléaire. Le message était clairement adressé à l’Iran et au Hezbollah. Depuis le début du conflit au Liban le 12 Juillet, après que le Hezbollah ait tué 8 soldats israéliens et en enlevé 2 autres, les réactions de la France ont été diverses et variées. Alors que Chirac a critiqué Israël pour un usage de la force disproportionné, il a aussi dit qu’il n’y avait pas de solution à long terme sans désarmer le Hezbollah le plus rapidement possible. Alors qu’il visitait Haïfa, Douste-Blazy le ministre des affaires étrangères a été obligé de s’abriter suite à une attaque de roquettes lancées par le Hezbollah, un événement qui a peut être renforcé les résolutions françaises. Douste-Blazy a dit alors «la première des conditions pour un cessez-le-feu est bien sûr le désarmement du Hezbollah». Il ne reste plus qu’à attendre de voir ce que va faire la France !
[1] L’attentat contre les soldats français au Liban : le 23 octobre 1983 à 06h24...
[2] En savoir + sur Rafsandjani :
[3] Sur Montazéri : Montazéri, l’ayatollah dissident et l’Afghan chrétien ! (- mini bio) | [4] En savoir + sur Vedrine : Le nucléaire iranien et le lobby euro-catho pro-mollahs | [5] En savoir + sur Gérard Araud : La France fait les yeux doux au Hezbollah | |