Frontières maritimes du Golfe Persique 06.07.2005 Le cas des îles de la Grande et Petite Tumb et d’Abou Moussa En janvier 1968 le gouvernement britannique mit fin à la Pax Britanica dans le Golfe Persique et instaura un état d’urgence qui ouvrait une nouvelle ère nécessitant une plus grande coopération entre les états de cette région. Au fur et à mesure que l’exploitation pétrolière se développait dans la région, il devint primordial de définir avec précision les frontières et les territoires.
Le Golfe Persique se dessine dans la continuité de la bordure naturelle du continent asiatique. Il a une profondeur moyenne de 50m et sa forme de rectangle incurvé place face à face les états arabes sur la rive sud avec l’Iran sur la rive nord. En 1965, L’Iran avait obtenu des britanniques la reconnaissance de la ligne médiane des rives opposées comme la frontière entre le domaine maritime iranien et ceux de ses voisins arabes. Il était prévisible que les emplacements des nappes pétrolières souterraines dans le périmètre du Golfe Persique ne coïncideraient pas nécessairement avec les tracés des frontières maritimes qui ne concernent que les eaux : les structures d’exploitation du pétrole peuvent chevaucher les frontières, d’où conflit !
C’est pourquoi l’Iran a décidé de proposer à ses voisins une mesure préventive pour éviter les conflits de cette nature. Il s’agissait en fait d’une mesure générique existant dans toute réglementation maritime continentale. La proposition iranienne prévoyait qu’aucun puits de forage ne puisse être exploité sans un accord entre voisins dans un couloir de 125 m large placé sur la frontière médiane défine en 1965. Mis à part les frontières internes des Emirats Arabes Unis, huit états avaient accès au Golfe Persique et il a été nécessaire de définir pas moins de 16 frontières entre ces états. Sept pays ont accepté de prendre part à ces négociations pour l’établissement des frontières dont quatre d’entre eux avaient des frontières avec l’Iran. Deux des négociations furent extrêmement complexes : celle avec l’Arabie Saoudite et celle de 1971 avec l’émirat de Sharjah à propos de l’île d’Abou Moussa. D’autres négociations ont abouti à l’établissement de frontières continentales : En tout, à deux endroits, les frontières maritimes iraniennes n’ont pas été établies : la zone nord-ouest entre l’Iran, le Koweit et l’Irak, et aussi la zone entre l’Iran et les Emirats Arabes Unis autour de trois îles : La Grande et la Petite Tumb et l’Abou Moussa.
La Question des deux îles Tumb et d’Abou Moussa A la même époque, en 1888, une carte militaire britannique livrée à Téhéran, au Shah de la dynastie Qajar, attribuait la propriété de ces îles à l’Iran. Ce fait a été réaffirmé à la publication en 1892 du livre « La Perse et les problèmes Persans » de Lord Curzon, secrétaire d’État britannique aux Affaires Etrangères (Foreign Office), livre dans lequel les cartes représentaient les îles comme faisant partie intégrante du territoire iranien. Au début du XXeme siècle, la présence russe dans le Golfe Persique se faisait pressante, l’inquiétude britannique s’intensifia. En 1902, une rencontre secrète à la Foreign Office déboucha sur le lancement d’un plan d’occupation de ces îles stratégiques qui dominaient l’embouchure du Détroit d’Ormuz. Cette décision a été communiquée aux administrateurs politiques des Indes et du Golfe Persique dans un mémorandum daté du 14 Juillet 1902. Un an plus tard, l’occupation des deux îles de Tumb et celle d’Abou Moussa a été approuvée par le gouvernement Indien au nom du Sheikh de Sharjah. Cet événement survint alors que l’Iran était au bord de la guerre civile et que l’autorité du pouvoir central y était à son plus bas niveau. Il se passa plus d’un an avant que les iraniens réalisent ce qui s’était passé dans le Golfe. En avril 1904, durant sa tournée dans les ports et les îles du sud, le Directeur des Douanes de l’Iran découvrit que le drapeau iranien avait été remplacé par celui du Sheikh de Sharjah sur les deux îles de Tumb et sur l’île d’Abou Moussa. Il ordonna d’abaisser le drapeau étranger et de hisser le drapeau iranien. Il plaça aussi deux gardes armés sur l’île d’Abou Moussa. Hélas, le drapeau iranien fut à nouveau retiré après son départ par les forces d’occupation. Par la suite, les deux parties décidèrent de maintenir un statu quo, en vue de futures négociations. Cependant, l’Iran continua quelques actions afin de recouvrir ses droits sur ces îles. Constatant la présence de contrebandiers sur ces territoires, les services douaniers iraniens ont adressé en 1927 une lettre au gouvernement central de leur pays exigeant la présence de postes d’observations sur les trois îles. De petits bâtiments de la marine iranienne ont été dépêchés pour recouvrer les Tumbs et l’Abou Moussa et mettre fin à ces problèmes. Les Négociations Anglo-Iraniennes en 1928 Le Retour du Sheikh de Ras al-Kheimah sur l’île de Tumb Evolutions ultérieures Les revendications et les actions iraniennes pour le recouvrement de ces îles continuèrent jusqu’au moment où les britanniques décidèrent de se retirer de cette région. La question n’a cependant cessé d’être débattue jusqu’en 1971. Les britanniques défendaient les intérêts de leurs protectorats. Les négociations s’achevèrent en 1971 mettant fin à 68 ans de protestations et de demandes iraniennes pour recouvrer notre souveraineté territoriale. Cette souveraineté a été conquise grâce aux négociations menées avec les britanniques et non par la force comme le prétendent les Emirats Arabes Unis. Dans le cas contraire, les britanniques auraient protesté par voie officielle contre cet accord (angl.Memorandum of Understanding) entre l’Iran et L’Emir de Sharjah (concernant l’Abou Moussa, tout aussi bien qu’ils auraient protesté s’il y avait eu une occupation iranienne des deux Tumbs sans leur accord). Reprise des revendications sur les îles Le 24 août, les autorités iraniennes ont consigné dans leur rapport qu’une centaine d’individus de différentes nationalités avaient été refoulés alors que ces derniers tentaient de pénétrer sur l’île. Selon une source iranienne la raison de ce refus a été la preuve visuelle de la présence sur la partie arabe d’Abou Moussa d’individus armés d’origines diverses (y compris des européens) impliqués dans des activités qualifiées de suspectes. La tension retomba durant le dernier trimestre de 92. Mais fin décembre, le Conseil de la Coopération du Golfe Persique, dans sa déclaration de clôture du 13ème Sommet des Pays Arabes qui se tenait à Abu Dhabi, somma l’Iran de mettre fin à « l’Occupation » des deux Tumbs.
Liste non-exhaustive des Arguments de EAU Les principaux arguments avancés par les EAU et les réponses faites par l’Iran 1- Priorité d’occupation B - Ras-al-Kheimah a fait son apparition au début du XXeme et Sharjah n’était pas à l’époque un émirat d’une taille à revendiquer des territoires insulaires. Le sheikh de Sharjah n’était alors qu’un chef de tribu sous protectorat britannique : son autorité était d’ordre tribale et non d’ordre territoriale. Par ailleurs, il ne faut pas ignorer que les britanniques ne reconnaissaient aucune autorité politique ou territoriale à ces chefs tribaux. Les britanniques avaient investi les pouvoirs dans le Golfe Persique en parti afin de neutraliser les actes de pirateries perpétués par ces mêmes chefs de tribus le long de ces côtes qualifiées d’ailleurs par les historiens de « Côte des Pirates ». C - Au cours du XIXeme siècle l’Iran a passé un accord avec l’Oman par lequel d’abord Fath Ali Shah (d’Iran) en 1811 et plus tard Nasser Eddin Shah en 1856 garantissaient un bail d’usage au Sultan d’Oman sur un territoire qui englobait les ports du Bandar Abbas et du Minab et s’étirait le long des côtes du sud jusqu’au Bahrein. Les îles d’Abou Moussa et les deux Tumbs se trouvent au centre de ce périmètre appartenant à l’Iran. Il est de ce fait inimaginable qu’on puisse les soustraire à la souveraineté iranienne. D - La souveraineté iranienne et sa propriété sur ces îles et autres territoires insulaires ainsi que sur le continent ont été établis « traditionnellement » et sans déploiement de drapeau (iranien). « La coutume a force de loi ». Le fait d’occuper ou de s’approprier un territoire en y hissant son drapeau est une façon d’agir importée par les puissances européennes. E - Dès 1887, pour se conformer à cette nouvelle règle, l’Iran a hissé son drapeau sur les îles de Sirri et d’Abou Moussa pour signifier sa propriété sur ces deux îles après avoir mis fin au mandat de « Gouverneur-Délégué » accordé au Tribu Qassemi dans la région du port de Bandar Lengueh. F - Des documents géographiques des historiens arabes ou musulmans spécialistes de la période post-islamique mettent en évidence que l’ensemble des îles du Golfe Persique appartenait à l’Iran. G - Le premier ministre iranien Haji Mirza Aghassi a proclamé la propriété de l’Iran sur l’ensemble des îles du Golfe Persique en 1840. Cette annonce n’a été mise en cause par aucun des états du Golfe, ni à cette époque ni par la suite. H - Suite à l’établissement d’une branche de la Tribu Qassemi dans la région de Lengueh, un document officiel des britanniques fait mention de « l’occupation des îles iraniennes par les Qassemi, durant la trouble période après la disparition de Nader Shah ». Ce récit apporte une nouvelle preuve de la propriété de l’Iran sur les Tumbs, l’Abou Moussa et la Sirri et aussi le fait que les îles ont été illégalement occupées pendant une vacance de pouvoir en Iran. I - Plus de 25 cartes officielles ou semi-officielles établies par les britanniques entre le XVIIIeme et XIXeme et découvertes par nos soins réaffirment la propriété de l’Iran sur ces îles. J - Sir E. Beckett, un expert nommé par Le ministères des Affaires Etrangères du Gouvernement Britannique et qui assiégea par la suite à la Cour internationale de Justice, décreta en 1932 que les iraniens avaient la souveraineté sur les Tumbs et l’Abou Moussa en 1887-88. 2- Correspondances du XIXeme siècle Lorsque en 1929, le Roi Abdul Aziz d’Arabie Saoudite écrivit au Sheikh de Bahrein pour se plaindre des mauvais traitements faits à ses sujets, ce dernier lui répondit par une lettre dans laquelle est écrit « Le Bahrein, le Qatif, l’Hasa et le Nejd vous appartiennent unanimement, Votre Majesté ! ». L’inclusion de son propre état dans cette liste ne surprend personne car il s’agissait d’un pur compliment et a été perçu comme tel par le Roi Saoudien. Réactions Internationales Mis à part les déclarations routinières de la Ligue Arabe et des pays arabes du Golfe Persique réaffirmant leur soutien aux EAU, les pays arabes ont su garder leur impartialité et présentaient confidentiellement des excuses aux autorités iraniennes, prétexant qu’ils y avaient été contraints. Cette duplicité est le signe d’un scepticisme des pays arabes du Golfe quant au bien fondé de ces revendications et plus particulièrement en raison de l’importance qu’accordent les arabes du Golfe et les iraniens à la coopération politique. Aucun des grands pouvoirs occidentaux ne s’est aventuré à prendre position dans cette dispute. Parfois, certains hommes politiques ont fait des déclarations de soutien à l’Abu Dhabi mais la neutralité de leur gouvernement les a fait se rétracter. Il fut le cas avec la parution de la dernière édition de « Golfe 2000 : Sécurité dans le Golfe Persique » (Ed. Université de Columbia sous la direction de Gary Sick assisté par Dr. Lawrence Potter). Gary Sick a été un des conseiller de Jimmy Carter, et il est réputé comme le plus actif lobbyiste de Khatami aux Etats-Unis. L’ouvrage penche ouvertement en faveur des revendications des EAU. Les points de vue sensés être en faveur des iraniens émanent exclusivement des « non-spécialistes » et sont selectionnés afin de ne pas pouvoir faire le poids face aux arguments développés par l’expert des Emirats AU, Dr. Al-Alkim. Ce dernier a ainsi la voie libre pour se lancer avec la zèle qu’on lui connaît dans la défense les thèses qui lui tiennent au coeur au service des revendications d’Abou Dhabi... Les allégations des auteurs ont jeté le discrédit et le doute sur l’ouvrage de Gary sick et ont contribué à isolé les EAU et finalement, elles ont contraint l’Abu Dhabi à abandonner sa politique d’hostilité envers l’Iran en 2002. L’ouvrage contreversé et maladroit de Sick-Potter a qualifié la situation d’une « Affaire en Cours, remettant en doute la légitimité de l’accord anglo-iranien ! Evidemment, les britanniques ont agi selon les règles internationales et par leur mandat de Protecteur légal des Emirats, ils avaient pleinement le droit de mener des négociations qui ont conduit aux accords statuant sur les deux Tumbs (définitivement restituées à l’Iran) et sur l’Abou Moussa (partagée entre l’Iran et le Sharjah). Seule, la Grande Bretagne était habilitée à contester les accords ou à protester officielement contre l’Etat Iranien. Dans sa déclaration officielle de 1971, l’envoyé permanent de la Grande Bretagne à l’ONU a mis en évidence la qualité indéniable des négociations et de l’accord final. Cette déclaration contredit sans aucune ambiguïté ce surprenant point de vue de Gary Sick. Conclusions sur une Affaire Conclue Bien de ceux qui ignorent la réalité historique se laissent avoir par ce jeu et y laissent leur énergie et leur temps. Sans une connaissance historique de cette région, il est fort probable d’être victime de ces habiles manipulations. Ce manque d’information va de pair avec une désinformation intentionnelle permanente qui prépare les esprits et encourage les attitudes hostiles envers l’Iran et les iraniens qui sont dans leur droit. Les négociations de 1971 à 1973 ont conduit les britanniques à abandonner les réclamations. Leur envoyé à l’ONU a reconnu publiquement et à l’adresse de la communauté internationale, la valeur et la qualité de ces négociations. Les anglais ont par cet acte mis un terme officiel à toute revendication et rendu caduque toute réclamation qui aurait été faite en leur nom. . . |