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Le N°2 de la diplomatie Américaine prône le dialogue avec les mollahs !
22.07.2006

Burns, un proche de Mlle Rice, est à l’heure actuelle le principal architecte et la cheville ouvrière de la politique extérieure américain : Il est partisan de « faire confiance » à ceux qui dialoguent avec Téhéran. Burns est surtout le principal contact des époux Ledeen à la Maison-Blanche [1] [2] [3].



Il s’appelle Nicholas (“Nick”) Burns. Il est lisse et lustré jusqu’au bout de ses ongles manucurés, en costume trois-pièces et cheveux brillantinés. Il s’exprime de façon policée et mesurée. Sous-secrétaire d’Etat, il est le « numéro trois » du Département d’Etat, le ministère des Affaires Etrangères américain ; il a été choisi par Mlle Condoleezza Rice, patronne du ministère. Officiellement, le numéro deux est Philip Zoellick (il a démissioné récemment - ndlr), mais celui-ci s’intéresse plutôt aux affaires économiques. Burns, un proche de Mlle Rice, est à l’heure actuelle le principal architecte et la cheville ouvrière de la politique extérieure américaine.

Mon premier aperçu de ce qui se passe dans la tête de M. Burns eut lieu à Berlin, il y a trois ans, je crois. Nous partagions avec quelques autres le podium du forum « Défense et Société » du grand hebdomadaire de la chaîne des journaux Springer, le Welt am Sonntag (le Monde du dimanche. Ndlr). On s’en souviendra : c’était l’époque où Jacques Chirac et son poudroyant ministre des Affaires Etrangères Villepin pourfendaient l’Américain, s’acharnaient à bouter l’Anglo-Saxon hors d’Irak et du Moyen-Orient, et à réduire à quia l’« hyperpuissance » honnie. Burns, à l’époque ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’OTAN, leur fit un discours dont il ressortait que la diplomatie américaine aimait la France et qu’elle avait besoin d’elle.

L’élite politico-militaire allemande réunie pour l’occasion en resta bouche bée : quel était donc ce martien qui feignait d’ignorer la haine anti-américaine professée par les dirigeants de ce que les Allemands, quand Paris les agace vraiment, appellent, avec un sourire condescendant et ironique, « la Grande Nation » (en français dans le texte original) ? Cet ahuri un peu précieux venait de réussir à estomaquer son auditoire, qui attendait un discours plus musclé. C’est qu’il représentait alors Colin Powell, l’opposant principal à la politique moyen-orientale de Bush. Au fait, M. Burns est Démocrate.

Comment peut-il se faire que Mlle Rice ait nommé un opposant à ce poste si important ? La chose est d’autant plus inquiétante que les autres centres de pouvoir washingtoniens en matière de politique étrangère sont affaiblis : à la Défense, Rumsfeld est miné par plusieurs années de guerre apparemment (ou médiatiquement) difficiles en Irak, et par ses propres erreurs ; le vice-président Cheney a dû se séparer de son Chief of Staff, l’excellent « Scooter » Libby, poursuivi avec acharnement et pour des vétilles par un procureur spécial, en mal de gloire, dans une affaire montée de toutes pièces par l’autre ennemi principal de Bush dans la capitale fédérale, la centrale de renseignement (CIA), en insurrection ouverte contre le gouvernement qu’elle est censée servir. Cheney est diminué, ce qui sert les desseins des autres : sa capacité à peser sur les grands dossiers est amoindrie.

Trois dossiers urgents en portent la trace : face à la Corée du Nord et son chantage nucléaire, Washington a abdiqué toute initiative, et suit gentiment les méandres de la politique chinoise, laquelle se sert de l’épouvantail nord-coréen pour se rendre indispensable, et se faire payer des services inexistants.

En ce qui concerne Israël et les Palestiniens, Washington a fait pression sur l’Etat hébreu (en dépit des belles paroles prodiguées publiquement) pour que Jérusalem retourne à une « Carte routière » plus que moribonde, et donc à l’acceptation d’un rôle pour l’Union Européenne, sorte d’Eurabia hamassophile, et pour la Russie, retournée à ses tropismes tiersmondo-fascistes. La visite dans la capitale fédérale du nouveau premier ministre israélien a été l’occasion d’une imposante manifestation d’israéolophilie de la part des deux chambres du Congrès ; bravo, mais l’exécutif, en de mauvaises mains ou dans une mauvaise passe, ne suit que mollement.

Le dossier le plus brûlant, cependant, c’est sans conteste celui de la politique américaine vis-à-vis de l’Iran nucléophile des ayatollahs jihadistes. Alors qu’un consensus était en voie de constitution entre Washington, Berlin, et même Paris et Londres, sur le thème : il n’y a plus rien à négocier avec les extrémistes au pouvoir à Téhéran (que l’on se souvienne d’un Chirac évoquant, au printemps, l’usage par la France de ses armes nucléaires contre « tout » pays qui s’attaquerait à elle par la terreur, et que l’on se réfère au limogeage de Jack Straw, ministre des Affaires Etrangères de Tony Blair, et meilleur ami des ayatollahs dans les chancelleries occidentales), Burns a réussi à faire pivoter Washington. On est donc revenu aux négociations stériles avec des diplomates iraniens menteurs et on est promené comme autant de carottes devant les ânes occidentaux par les vrais maîtres du pouvoir en Iran. On continue de faire comme si l’unique objectif des ayatollahs n’était pas la possession d’armes nucléaires et de leurs vecteurs balistiques, dans le but de se rendre intouchables et de pouvoir mener avec impunité, derrière un « mur » nucléaire dissuasif, leur politique de terreur.

La même folie qui mena Bush à écouter les salades serinées par Powell : « il faut chercher à l’ONU la légitimité internationale qui revêtira notre entreprise contre l’Irak des bénédictions diplomatiques » – ce qui donna 7 à 8 mois à l’opposition internationale pour s’organiser, aux opinions pour être chauffées à blanc par des media déchaînés, et surtout, aux préparatifs de guérilla insurrectionnelle en Irak pour être mis en route – le conduit aujourd’hui à « faire confiance » à ceux qui dialoguent avec Téhéran, avec les résultats plus que nuls que l’on sait. En 2002-2003, Bush avait laissé Powell courir le guilledou diplomatique, tout en lançant les préparatifs de guerre. Il en est de même aujourd’hui, alors que le président est très affaibli par rapport à sa cote de popularité et à sa marge de manœuvre d’antan.

A exécutif amoindri, bureaucratie renforcée : ce sont les hauts fonctionnaires, comme Burns, qui tiennent le sommet du pavé et prétendent imposer leurs choix – qui vont encore et toujours dans le sens de toutes les compromissions et de toutes les capitulations – aux représentants du peuple. Quand Reagan présidait, son secrétaire d’Etat George Shultz avait pris une habitude : chaque fois qu’un nouvel ambassadeur américain était nommé dans tel ou tel pays, Shultz le convoquait à son bureau. Assis autour d’un globe terrestre, le ministre demandait au diplomate : « Montrez-moi votre pays sur le globe ». Invariablement, le diplomate désignait du doigt le pays où on l’envoyait. Immanquablement, Shultz le reprenait : « Non. Votre pays, c’est les Etats-Unis ! ». L’exercice a malheureusement cessé d’être répété.

Certes, avec l’élimination de Zarkaoui, la constitution d’un gouvernement irakien au grand complet, et quelques développements intérieurs (la mise hors de cause du conseiller politique numéro un du président, Karl Rove, et une élection partielle très remarquée, qui a vu la victoire inattendue d’un Républicain), le gouvernement Bush a trouvé une nouvelle « fenêtre d’opportunité » qui devrait lui permettre de procéder à une relance. Mais le président est prisonnier des choix qu’il a lui-même faits en matière de personnel : comme j’ai souvent eu l’occasion de le dire dans ces colonnes, même Mlle Rice, assurément loyale envers le président, est, intellectuellement, bien plus une « réaliste » géopolitique façon papa Bush, qu’une lutteuse révolutionnaire dans le moule reaganien. C’est bien pourquoi elle a choisi Burns pour la seconder, alors que le reaganien John Bolton, nommé aux Nations-Unies, y mène incontestablement une féroce et courageuse bataille pour nettoyer ces écuries d’Augias, mais se trouve de fait éloigné des décisions. Comme ses amis. Paul Wolfowitz, qui œuvre désormais à la Banque mondiale, et Libby, dorénavant simple citoyen, qui doit se défendre contre l’implacable machine judiciaire, ne sont plus présents dans les conseils où est décidée la politique des Etats-Unis, les contrepoids ont cessé d’exister : la politique américaine est déséquilibrée.

Un autre exemple en a été donné avec les récents remue-ménage à la direction de la CIA. Nommé il y a moins de deux ans pour nettoyer cet antre d’incompétence et d’usurpation politique, le congressman (et ancien agent de la centrale) Porter Goss avait procédé à un certain dégraissage, insuffisant, mais réel. Il s’était heurté à la puissante bureaucratie du renseignement, arrogante, manipulatrice, renfermée sur elle-même. Il avait limogé, ou forcé au retrait, plusieurs insurgés anti-Bush. Il avait fini par se heurter au super-bureaucrate nommé à la tête de la méga-bureaucratie qui coiffe la totalité de la sécurité nationale et du renseignement civils, le director of national intelligence John Negroponte.

Goss en sortit vaincu et démissionna. Son successeur, l’adjoint de Negroponte, le général Hayden, s’empressa de rappeler les démissionnaires insurrectionnels : Bush a totalement perdu le contrôle politique de la bureaucratie du renseignement. Comme, par ailleurs, le successeur de Mlle Rice au Conseil national de sécurité, Stephen Hadley, est un bureaucrate pâlichon qui ne saurait lui faire de l’ombre, le tableau est hélas complet : Bush a créé autour de lui l’entourage institutionnel le mieux à même d’entraver, sinon de torpiller, sa propre politique.

En novembre prochain auront lieu les élections du mi-mandat, où les Républicains risquent fort de perdre la majorité à la Chambre. Bush se muerait alors en Lame Duck President (président canard boiteux. Ndlr), en président déplumé et paralytique. Sa capacité d’initiative serait dévaluée et rognée, alors même que les dossiers brûlants se mettraient à brûler. Une hyperpuissance étêtée est dangereuse par sa passivité. C’est un risque grave à considérer pour les deux ans à venir.

Pour en savoir + sur l'auteur :
- Le Figaro : Iran, l’urgence d’une stratégie coercitive
- (03.02.2006)

Source de l'article : Metula News Agency