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Iran : Gare au Gorille (Russe)!
13.06.2006

Le régime des mollahs navigue à vue dans les eaux troubles des compromis et des attentes. On dirait la scène d’arrivée de l’embarcation qui doit se rendre sur une île inconnue, ne figurant sur aucune carte, pour y cueillir King Kong dans la production hollywoodienne du même nom. Il fait nuit, le golfe est rocailleux et l’embarcation peut sombrer à tous moments mais l’appât du gain et l’envie de la renommée donnent du courage aux aventuriers.



Tel est exactement l’état d’esprit de l’équipage hétéroclite engagé à trouver le bon compromis entre découverte scientifique et opération gros sous. Nos mollahs et nos pasdarans, les Russes de M. Poutine et le matelot El Baradei sont à bord de la même coquille et chahutés par la peur de couler. Chacun multiplie les déclarations qui varient parfois de 180°, le matin, les mollahs trouvent l’offre européenne inacceptable et l’après-midi ils disent l’apprécier. Chacun observe les autres joueurs et fait des déclarations pour voir une réaction sur la base de laquelle, il pourrait réajuster le tir.

Ainsi on avance vers l’île où sommeille la bête. Nous n’en saurons rien jusqu’au départ de Ahmadinejad en Chine, pour le sommet de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Il y rencontrera les Chinois et les Russes qui ne manqueront pas de lui rappeler leurs priorités, même si l’organisateur chinois nous assure que le problème nucléaire iranien ne fera pas l’objet d’un débat spécial du sommet. Les Russes et les Chinois préfèrent que l’affaire se termine pacifiquement sans qu’ils perdent pour autant leurs marchés en Iran. Peut-être préfèrent-ils que les mollahs acceptent finalement la proposition Russe d’un enrichissement délocalisé. Ils sont aussi choqués par les incessants efforts des mollahs pour séduire les Etats-Unis en demandant des négociations bilatérales d’où seront exclus ces deux fidèles partenaires des mollahs depuis des décennies. Les choses sont en état de statu quo. Le Rendez-vous de Pékin est très important et peut-être nous verrons d’autres changements après le sommet qui se tiendra le 15 juin.

En attendant, El Baradei a calmé le jeu. Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est sûr que le problème nucléaire iranien peut être réglé au moyen du dialogue et du compromis. Ce n’est pas le Nobel de la Paix qu’il fallait lui remettre, mais le Nobel Du Compromis. Cependant, son attitude ne dérange personne désormais Vienne est hors-jeu, c’est à Pékin que le régime des mollahs doit rendre des comptes à ses alliés qui se demandent s’ils le sont toujours et s’ils le resteront encore. Avant le départ de Ahmadinejad, le régime, qui a montré d’importants signes de compromissions avec le grand Satan (la livraison de Zarqawi, le Sermon de vendredi de Jannati, le lobbying du Brookings Institute et les demandes indirectes [1]), a réajusté le tir par des déclarations hostiles à un compromis facile, mais ouvert à une solution négociée, afin de rassurer les Chinois sans alerter les européens ni alarmer les USA.

C’est pourquoi, on peut dire sans se tromper que les mollahs naviguent à vue dans une épaisse couche de brouillard délibérément entretenue par les américains. Le jeu de cache-cache des mollahs peut avoir des conséquences lourdes car il exaspère l’ensemble des participants qui ne connaissent plus les vraies intentions des mollahs. Ces derniers ignorent eux-mêmes l’issue de ce cache-cache et ne peuvent trop s’approcher des Américains sans encourager l’hostilité des Russes.

En plus Bush s’est impatienté vendredi 9, soulignant que Téhéran aurait plusieurs semaines mais pas plusieurs mois pour accepter l’offre des Six. A la différence des navigateurs à la recherche de King Kong, le régime des mollahs doit non seulement éviter de heurter les rochers Russes ou Chinois qui peuvent l’envoyer par les grands fonds, mais il a les aiguilles du temps qui sont à ses trousses. Certes, il gagne du temps pour passer à une autre étape dans l’enrichissement nucléaire, mais il perd ses amis en leur faisant perdre leur temps. En attendant une réponse des mollahs, l’état russe s’est vu infliger une amende par les américains : la chambre des représentants du congrès américain a adopté vendredi un projet de loi réduisant le concours américain à la Russie à cause de sa coopération avec l’Iran dans le domaine nucléaire. La disposition sur cette réduction fait partie du projet de loi budgétaire 2007 et il a été voté par 373 voix pour et 34 contre.

Au début de l’année, les USA avaient fait d’importantes offres de coopération à la Russie notamment dans le domaine nucléaire et à présent plus de 90% des élus américains votent pour réduire les relations avec ce pays. Gare au Gorille (Russe) !

L’Iran doit vite trouver une solution ou voir un changement d’attitude de ses alliés d’Asie. Ces alliés Européens lui resteront fidèles comme à Saddam, mais les Russes et les Chinois avaient alors laissé faire.

[1Les pays amis des USA comme l’Arabie Saoudite, l’Irak, l’Egypte, la Turquie, le Pakistan ou encore la Jordanie ont recommandé la modération et la tenue des négociations bilatérales entre l’Iran et les USA !