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Crise Iranienne : de la Théorie Arc de Crise de Bernard Lewis à la Révolution Islamique... (Les apprentis sorciers de Washington - texte remis à jour le 05.05.06-)
05.05.2006 [publié le 25 Avril 2006]

Les Etats-Unis ont rejeté la demande de l’Europe pour le développement de négociations directes avec l’Iran sur le problème nucléaire. Selon le journal « Financial Times », Philip Zelikow, un des conseillers supérieurs de l’administration Bush a repoussé des appels européens à des pourparlers directs avec l’Iran sur le programme nucléaire de Téhéran.



Zelikow a sans doute sauvé l’Europe d’une de ses plus grandes erreurs stratégiques. [Décodage].

De nombreuses personnalités américaines avaient aussi suggéré que les Etats-Unis négocient directement avec le régime des mollahs. Certains faisaient partie des lobbies américains pour la normalisation des relations entre les mollahs et les Américains et d’autres cherchaient à se faire de la publicité électorale [1].

Parmi ces derniers, nous avions détecté le cas d’Evan Bayh, candidat aux futures présidentielles américaines. Son discours a inspiré un autre possible candidat du parti « Democrat », le général sénateur Wesley Clark. Bayh avait auparavant soutenu des sanctions contre l’Iran avant de retourner sa veste et demander des négociations directes. Idem pour Clark qui avait dit en 2003 que les Etats-Unis devaient d’abord attaquer l’Iran avec l’Irak et aujourd’hui revient à des positions diamétralement opposées pour rester conforme à la ligne électorale du Parti « Democrat ». Ce furent les Democrats sous la présidence de Carter qui ont apporté un soutien logistique à Khomeiny pour renverser le Shah et mettre en marche la doctrine de Zbigniew Brzezinski, conseiller de Jimmy Carter.

de la Théorie Arc de Crise de Bernard Lewis à la Révolution Islamique...

[ Crescent of Crisis ou Arc de Crise ] Brzezinski s’est inspiré de la théorie « ARC DE CRISE » du britannique Bernard Lewis (qui devint son conseiller au Département d’Etat à partir de 1977) [2]. Ensemble, ils ont imaginé la stratégie de « Ceinture Verte » (attribuée à Brzezinski). La théorie ARC DE CRISE [3] proposait de «Balkaniser» » [4] le Moyen-Orient musulman pour créer des mini états pétroliers plus faciles à contrôler que les états souverains à forte identité.

Les principaux objectifs de la théorie ARC DE CRISE étaient de détruire l’Iran et l’Irak, les deux pays fondateurs de l’OPEP, et ainsi casser la politique pétrolière commune de l’OPEP, créer une zone instable et promouvoir des républiques bananières comme on en connaît hélas de nombreux exemples en Afrique. Brzezinski, Lewis et Huntington ont travaillé ensemble dans les années 70 sur la modélisation des théories complémentaires chacun ayant ses propres centres d’intérêts.

Brzezinski, qui rêvait de détruire l’URSS [5], a transformé la théorie ondes de choc et a imaginé sa phase suivante pour écrire sa propre théorie de « Ceinture Verte » : un chapelet de pays islamiques au sud de l’URSS afin d’opposer l'Islamisme au Bolchévisme.

Brzezinski en est d’ailleurs très fier et continue de réclamer la paternité de ce projet. Il a donné aux Russes leur Vietnam en Afghanistan et ébranlé leur empire. Malgré la disparition de l’URSS par une offensive chrétienne depuis la Pologne, Brzezinski reste fidèle à sa Ceinture Verte et continue de recommander la normalisation des relations entre les Etats-Unis et le régime des mollahs (son bébé). Apparemment, les figures de proue de son parti politique ne voient pas le danger de cette « balkanisation des pays musulmans » qui a eu des effets indésirables comme le Hamas ou le Hezbollah.

Récemment, Brzezinski a même déclaré qu’attaquer l’Iran (comme les Européens, il évite de parler des sanctions) sera la fin de la puissance militaire américaine dans le monde. Brzezinski est assurément la clef de voûte du lobbying en faveur du régime des mollahs aux Etas-Unis. Il a aidé les fameux dissidents du régime à prendre pied à Washington. Ces dissidents ne veulent pas la fin de la république islamique, mais cherchent à le rendre fréquentable tout « en préservant sa dimension islamique ».

L’actuel diagnostic de Brzezinski est que le monde glisse vers l’Est (la Chine) et il pense que l’Amérique doit reconquérir le cœur des musulmans et l’amitié des états islamistes pour créer un front puissant face à la Chine et dans son voisinage immédiat. Dans ce contexte de projection politique et stratégique à très long terme, la bombe nucléaire de l’Iran devient une nécessité et plus cyniquement, l’islamisation de l’Inde et la conquête du pouvoir par des amis des mollahs au Pakistan et en Afghanistan.

Le bouleversement de la carte mondiale au lendemain de la chute du Shah en Iran n’est rien à côté de ce que nous prépare cette théorie d’Endiguement contre la Chine dessinée par Brzezinski. Nous sommes en présence d’une théorie cynique qui défend une nouvelle guerre froide et une alliance monstrueuse avec un empire islamiste à la fois nucléaire et pétrolier. Les Européens ont aidé l’administration Carter à évincer le Shah et en échange, ils règnent aujourd’hui sur le pétrole iranien en ayant recours au procédé du Buy-Back pour exploiter directement le pétrole iranien et neutraliser la nationalisation de ce produit.

Les Européens ont évincé un allié pro-occidental en lutte contre l’islamisme radical pour le pétrole et les Américains du Parti « Democrat » menés par Brzezinski et Carter (autre prix Nobel de la paix) ont évincé le Shah pour redessiner le monde à leur avantage. Aujourd’hui, les Européens qui ont de fortes communautés de musulmans radicaux sur leurs sols soutiennent Brzezinski et ses idées plutôt que l’idée d’un changement de régime en Iran pour créer à nouveau un pays avec une identité forte et un ancrage laïque. Qui sème le vent récoltera une tempête atomique islamique ou une tempête sociale islamique en Europe.

Les négociations directes sont un des éléments centraux du plan Brzezinski. Ce dernier veut normaliser les relations avec les mollahs, reconquérir l’islamisme (il a créé les Afghans islamistes) et inclure l’islamisme dans la stratégie asiatique des Etats-Unis contre la Chine.

Comme pendant la guerre froide contre les Soviétiques, au cours de laquelle de nombreux pays de l’Europe de l’Est et les Pays Baltes ont été sacrifiés par Churchill, cette fois Brzezinski essaie de faire avancer sa doctrine, et il sacrifiera tout le Moyen-Orient pour promouvoir son Front Islamique pour contenir la Chine. Et cette fois, les Européens seront aussi éliminés de la course et Brzezinski fera d’une pierre 2 coups, et ironie du sort avec l’aide de ses victimes. L’Europe s’oppose à l’administration Bush et cherche des alternatives sans mesurer les ondes du choc.

La reprise des négociations avec les mollahs est la première étape de la réalisation du plan Brzezinski. La reprise des négociations permettra une nouvelle phase de chassés-croisés qui donneront aux mollahs l’opportunité de parachever leurs efforts nucléaires militaires. A l’annonce de leur maîtrise de la fabrication d’une bombe, l’Amérique doit réagir, bombarder l’Iran ou « normaliser les relations » pour faire un allié de cet état contre nature. Brzezinski est un tacticien et il compte sur un retour des « Democrats » au pouvoir. L’Europe et particulièrement la France applaudissent ce retour ignorant qu’elles sont des idiots utiles de Brzezinski.

La réponse négative de Philip Zelikow, conseiller au département d’état des Etats-Unis à la demande de négociations directes est certainement une des nouvelles les plus réjouissantes de ces dernières semaines avant la fin de l’ultimatum adressé au régime des mollahs.

C’est en connaissant les dessous de l’approche de Brzezinski que le refus de Zelikow et le choix de ses mots prennent sens. Dans une entrevue au Financial Times, Philip Zelikow a dit que « l’engagement de l’administration Bush à la démocratisation au Moyen-Orient n’était pas diminué, en dépit de la récente victoire du Hamas, le groupe islamiste militant, aux élections législatives palestiniennes. »

« La position des Etats-Unis est que nous ne voyons aucune valeur dans des négociations directes avec les Iraniens, notamment sur le problème nucléaire ». Philip Zelikow a également rejeté les suggestions européennes sur un arrangement à long terme avec Téhéran qui pourrait impliquer, comme contrepartie des Etats-Unis, l’engagement de ne pas attaquer l’Iran. Pour Zelikow, « malheureusement, nous sommes engagés dans un processus avec un régime qui est autoritaire dans ses pratiques et révolutionnaire dans ses objectifs, avec un objectif de déstabilisation du Moyen-Orient. »

Toutefois, Philip Zelikow a minimisé la perspective d’une action militaire de l’administration Bush contre l’Iran pour le développement de son programme nucléaire malgré la pression internationale, même si le président Bush a déclaré que toutes les options étaient sur la table. « Quand nous disons toutes les options sont sur la table, cela inclut également les options diplomatiques (sanctions, ndlr)… Essayons d’abord la voie de la diplomatie. Donnons-lui une chance. Et alors nous pourrons juger si cela est efficace. », a précisé Zelikow.

[1Le Lobby des mollahs aux Etats-Unis, lire : Les dessous du lobbying des mollahs au pays de l’Oncle Sam La demande d’ouverture d’un dialogue direct entre les Etats-Unis et l’Iran avait été lancé par l’ancien premier sous-secrétaire d’Etat de l’administration Bush, Richard Armitage. Cette demande d’ouverture d’un dialogue a également été soutenu par le sénateur démocrate Christopher Dodd et l’ancien directeur chargé de la politique et de la planification au département d’Etat, Richard Haas.

[2Dans la première publication de ce texte, nous avions donné le nom de ONDE de Choc à la Théorie de B. Lewis. Cette erreur a été corrigée le 5 mai 2006. La Théorie s’appelle : Crescent of Crisis ou Arc de Crise. The senior British Arabist, Dr. Bernard Lewis set up shop in Princeton, New Jersey, USA and became the principal foreign policy and national security adviser "to the Zbigniew Brzezinski government, when it came into power in 1977... Lewis developed a policy that came to be known, in the late 1970s, as the Bernard Lewis Plan, which was otherwise memorialized on the cover of Time magazine in January 1979, as the Crescent of Crisis.

What Bernard Lewis basically said, is that we are going to destabilize the entire Muslim world, the entire Persian Gulf region, because it borders along the south of the Soviet Union [by extension now Russia]. We are going to create an Islamic mess, a chaos, insurgency of wars, along the southern tier of the Soviet Union [now Russia] ; and this is how we’re going to destroy the Soviet Union [and by extension now Russia and her allies]".

[3Thèse imaginée par l’Orientaliste Bernard Lewis, L’ARC DE CRISE allait à l’époque de la Turquie à l’Afghanistan (en passant par l’Iran), et son objectif était la déstabilisation de l’Union Soviétique et de l’Iran...


[4Arc de Crise, version 2005 du projet de Balkanisation du Moyen-Orient
- Fédéralisme : L’Iran et l’Irak au bord du gouffre

[5Le Nouvel Observateur. L’ancien directeur de la CIA Robert Gates l’affirme dans ses Mémoires : les services secrets américains ont commencé à aider les moudjahidine afghans six mois avant l’intervention soviétique. À l’époque, vous étiez le conseiller du président Carter : vous avez donc joué un rôle clé dans cette affaire. Vous confirmez ?


Zbigniew Brzezinski. Oui. Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidine a dbuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan le 24 décembre 1979. Mais la réalité, gardée secrète jusqu’à présent, est tout autre : c’est en effet le 3 juillet 1979. que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis, cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques. (...) Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent.


N.O. Lorsque les Soviétiques ont justifié leur intervention en affirmant qu’ils entendaient lutter contre une ingérence secrète des États-Unis, personne ne les a crus. Pourtant, il y avait un fond de vérité. Vous ne regrettez rien aujourd’hui ?


Z. Brz. Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège afghan et vous voulez que je le regrette ? Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam ».


N.O. Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes et des conseils à de futurs terroristes ?


Z. Brz. Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la Guerre froide ? »

Pour en savoir + sur Brzezinski et Khomeiny :
- [Prière du Vendredi] : Pourquoi Khamenei prêche des convaincus ?
(01.11.2005)