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L'Iran amnésique (ou Ganji ne sera pas notre Kundera)
21.03.2006

Comme prévu Delphine Minoui a été au rendez-vous pour raconter la libération de Ganji, le journaliste dissident. [Le Figaro | Delphine Minoui | 20 mars 2006 | Rubrique International]




Le texte concocté par Minoui brosse
un portrait flatteur de Ganji qui oublie de souligner les liens entre le héros et Ahmadinejad, les deux ont servi dans les mêmes services, ceux des Renseignements des Corps des Gardiens de Révolution, dans les mêmes régions, appartiennent à la même classe d’âge : des détails troublants qui laissent froids tous les journalistes français en poste en Iran. Par ailleurs Minoui évite toute allusion à Rafsandjani : Ganji était connu pour l’avoir dénoncé comme assassin et ripoux or Minoui a écrit son éloge, il y a à peine trois semaine. Mais le problème n’est pas uniquement posé à Minoui et nous y reviendront à la fin.

Le point essentiel de l’article de Delphine Minoui est situé à la fin de son papier quand elle cite un des amis de Ganji qui déclare : « Ce qui est important, c’est qu’il soit libéré. Il reste environ 50 prisonniers politiques derrière les barreaux. On espère qu’ils connaîtront le même dénouement heureux ».

Il est vrai qu’une femme compte pour le moitié d’un homme sous le régime des mollahs, mais rien que la semaine dernière plus d’une centaine de femmes ont été arrêtées lors de la journée du 8 Mars. Delphine Minoui n’a consacré aucun papier à cette manifestation interdite par les mollahs. Elle n’a pas cru nécessaire de se rendre à leur manifestation, à se montrer solidaire, à empêcher qu’on les matraque en utilisant sa notoriété. Le lendemain, elle n’a écrit aucun article pour relater cet événement, de ce fait elle ignore que des dizaines de femmes, voir une centaine ont été arrêtées pour un motif politique. Et même en les comptant à moitié, depuis le 8 mars, l’Iran a certainement plus de prisonniers politiques que le laisse entendre le mollah Kadivar, ami de Ganji.

Plus proche de nous, le 14 Mars, les Iraniens jeunes et vieux ont défié le régime des mollahs et le chiffre officiel des arrestations était de 957 personnes. Cette fête interdite avait un caractère politique. Ce soir là aussi Delphine est restée chez elle et elle n’a pas écrit d’article à propos des affrontements qui ont fait 9 morts et 157 blessés parmi les bassidjis et certainement autant parmi les civils.

Delphine Minoui n’écrit pas quand il y a des événements contre le régime, elle écrit quand le régime autorise des manifestations (contre les caricatures, pour la commémoration de la révolution ou manif. Pro nucléaire). Elle ne vous rend pas compte de ce qui passe en Iran mais de ce que le régime a envie de montrer. Le show Ganji est un événement qui ne remet pas en cause la survie du régime. Il faut croire que la fête interdite du 14 Mars et la petite manif du 8 mars avaient un caractère nettement plus subversif. Les mollahs ont interdit et Delphine a suivi.

Ce qui n’est pas le cas de tous les journalistes en poste en Iran. Ceux d’Associated Press ou du New York Times ont passé outre et ils ont fait leur travail. Tous les journalistes français présents en Iran suivent les consignes et tous sont briefés par Delphine Minoui qui passe pour le vétéran.

Éviter de parler de Rafsandjani : L’ensemble du personnel du régime est devant ce problème. Car rappelons-le, nous pensons que Ganji est un faux dissident. Il n’a jamais cessé d’être un pion dans un jeu plus vaste qui est celui de la survie du régime. Un jeu voulu et mis en place par Rafsandjani lui-même qui est le véritable maître de l’Iran depuis la mort de son demi-frère Khomeiny. Son idée : Le régime doit fabriquer ses propres dissidents. Ces derniers doivent dénoncer les plus ripoux (Rafsandjani lui-même), sont jetés en prison, et une fois libérés, ils accèdent au statut d’opposant. Ce sont « les choix des cibles » qui importent et non le résultat de ces dénonciations car au final, aucun ripoux n’est interné…

Il y a eu de nombreux cas ces dernières années : Kadivar, Aghajari, Sazgara, Tabarzadi et une demi-douzaine de faux étudiants dissidents. Le grand défaut de ces mises en scène est le côté artificiel des « combats personnels » de ces opposants et le cas de Ganji l’illustre à la perfection. La politique générale de l’Iran a changé et Rafsandjani ne peut plus être remis en cause !

Le refus gêné de Ganji lui-même de rattacher son combat à la poursuite de ses dénonciations de Rafsandjani en dit long [1]. Désormais, il évite de se dire journaliste et se proclame écrivain pour clore cet épisode aujourd’hui gênant. Et tous les afficiandos du régime lui emboîtent le pas et font comme si les articles sur Rafsandjani n’avaient jamais existé. C’est la grande amnésie.

Amnésie pour le passé tortionnaire de Ganji, amnésie pour ses liens avec d’autres Pasdaran dont Ahmadinejad, amnésie pour ses articles, amnésie pour Rafsandjani ... amnésie générale pour une amanistie générale des pasdarans, des mollahs et des bassidjis…

Ceci nous rappelle un titre de Kundera, Le Livre du Rire et de l’Oubli…

Quand on aura tout oublié, on pourra rire de tout.

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Bonne lecture et à très bientôt.

[1Ganji est l’auteur du livre Le Donjon des fantômes, dans lequel il accuse l’ancien Rafsanjani, et d’autres personnalités conservatrices en vue, d’avoir été impliqués dans le meurtre de cinq auteurs et intellectuels en 1998. Ce livre aurait joué un rôle décisif dans la défaite des conservateurs aux élections parlementaires de février 2000 (source World Association of Newspapers).