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Nowrouz, « les jours nouveaux » ou le Nouvel An iranien
17.03.2006

Nowrooz est la plus ancienne des traditions iraniennes (perses), cette fête rappelle les temps de l’Iran de la mythologie, l’Iran d’Ahura Mazda, l’Iran du Dieu Lumière, du Dieu Soleil, du Dieu du Feu.



Le mot Nowrooz est lui-même composé de deux très anciens mots persans, Now qui signifie nouveau ou maintenant (les anglophones apprécieront) et Rouz qui signifie jour. Les jours nouveaux sont donc la nouvelle année qui commence le premier jour du Printemps, généralement le 21 Mars ou 1° Farvardine du calendrier iranien.

Nowrouz, malgré ses origines spirituelles mazdéennes et zoroastriennes, est fêté par les Iraniens de toutes les confessions et toutes les ethnies et suit un rituel bien précis qui se pratique encore aujourd’hui et depuis 7000 ans (respecté quasiment à la lettre, en tous les cas l’esprit en reste le même). Nowrouz est un pivot commun : une des racines culturelles des multiples ethnies d’Iran. Une sérieuse concurrence pour l’Islam et les mollahs s’en prennent régulièrement à cette fête, la qualifiant de païenne.

Nowrouz se prépare longuement, c'est-à-dire bien à l’avance et les cérémonies s’étalent sur presque 1 mois.

Tout d’abord dès le début du mois de Mars, on fait germer des graines de lentille ou du blé dans une assiette, qui une fois levés, formeront un petit tapis haut d’une dizaine de centimètre et que l’on ceinturera d’un ruban de couleur. Pour se faire on prend les graines que l’on dépose dans une assiette puis que l’on couvre avec un chiffon ou du coton et que l’on conserve dans un endroit relativement abrité à l’intérieur. Quand les graines ont germé, on les découvre et on les coupera au ciseau pour obtenir une hauteur à peu près uniforme en permanence. Cette verdure se nomme Sabzi et représente à elle seule tout le renouveau de la nature, du printemps. C’est le symbole le plus important du Nowrouz, c’est un peu le sapin de Noël de Nowrouz. Sabzi dont le nom commence par un S, c’est important et nous le verrons plus loin.

Vient ensuite dans le même ordre d’idée le Khaneh Takani, littéralement le « secouage » de la maison, c’est le nettoyage de printemps, le nettoyage de la maison à fond, les tapis sont sortis, lavés etc… On pense que cela remonte aux origines pastorales et nomades du peuple des plateaux iraniens qui à la sortie de l’hiver et dans la perspective de la reprise des transhumances faisait le nettoyage des tentes enfumées par les feux de l’hiver, feux souvent alimentés par des bouses de vaches. On pense que c’était à cause des odeurs et la tradition a perduré.

Dans cette période comprise entre début Mars et le jour du printemps se déroule aussi les cérémonies des achats du Nowrouz, achats qui doivent se faire en famille, et qui concernent avant tout des habits neufs, spécialement pour les plus jeunes. Mais ces achats concernent aussi des produits et ingrédients qui vont servir pour le jour même de Nowrouz.

Et c’est ainsi que nous arrivons au dernier mercredi de l’année, le Tchahar-Chanbeh-Souri. Ce dernier mercredi qui précède le passage au Printemps est l’occasion d’une cérémonie toujours aussi populaire depuis des milliers d’années qui une fois de plus nous rapproche du culte du feu et de la lumière. La cérémonie se déroule en fait dans la nuit du mardi au mercredi d’ailleurs et c’est encore une de ces fameuses cérémonies que l’islam tente -sans succès fort heureusement- d’interdire.

7 petits bûchers sont installés ça et là, fait de bois secs, sarments et autres petits buissons du désert. Il en faut au moins un par foyer, le feu y est mis et alors chaque personne doit sauter au moins une fois par-dessus en criant :

Sorkhi é to az man, zardi é man az to

Ce qui signifie littéralement ton rouge pour moi et mon jaune à toi. Si la formulation paraît étrange, elle a pourtant un sens qui mérite une explication. On demande au feu (divin) et symbole du soleil qui va à nouveau briller tout le temps jusqu’à l’hiver prochain de donner à celui qui saute sa rougeur, sa vivacité, sa pétulance et dans l’autre sens de reprendre le jaune symbole des maladies, des fatigues et des peines.

Cette cérémonie et le sens des paroles expliquent ainsi pourquoi les mollahs veulent à tout prix que cette coutume culturelle cesse. Mais les iraniens, même au XXI° siècle, restent très farouchement attachés à cette tradition malgré leur religion.

Il y a longtemps les cendres du feu étaient récupérées puis enterrées dans chaque maison, mais cette coutume a disparu. Une fois les feux éteints, des veillées avaient lieu où les anciens racontaient des histoires mythologiques jusqu’à l’aube.

Lors de cette soirée il y aussi une coutume qui va peut être étonner ceux qui fête Halloween, c’est le Ghahshogh-zani ou frappage de cuillères. Les jeunes enfants vont de maison en maison en frappant des cuillères entre elles comme des castagnettes pour quémander des bonbons et fruits secs qui font partie de ces choses achetées durant la cérémonie des achats du Nowrouz.

Les filles (teenagers) et les femmes non mariées font aussi le soir du Tchahar-Chanbeh-Souri, le Fâl é Goush ou divination de l’oreille. Elles sortent dans les rues et se mettent discrètement à un coin de rue en attendant que des passants passent en discutant entre eux, elles écoutent ce que les gens se disent et de la première phrase entendue elle peuvent espérer savoir ce que l’année leur réserve et surtout si elles trouveront un prétendant. De quoi affoler tous les mollahs du monde partisans du mariage arrangé et des femmes docilement à l’intérieur.

C’est à partir de là que dans le cadre de l’accueil de Nowrouz un personnage haut en couleur va faire son entrée. C’est un peu l’équivalent du père Noël. Aujourd’hui connu sous le nom plus ou moins islamo arabisé de Hadji Firouz, il se nommait dans le passé Khajah Pirouz (Gentilhomme Victorieux) .

Du temps du mazdéisme, le maire du village se faisait remplacer, le temps des fêtes, par la personne la plus victorieuse ou la plus méritante d’où le nom. Hadji Firouz est un personnage généralement vêtu de rouge et d’un haut chapeau, muni d’un tambourin et en plus il est noir (il se noircit le visage)… Aujourd’hui il ne s’agit que d’un musicien de rue en général, mais qui est très symbolique du Nowrouz. Il passe en chantant :

Hadji Firouzé Saali yek rouzé (c’est Hadji Firouz, il ne passe qu’une fois par an)

Arrivait alors l’ultime jour de l’année, « Spandegan » (Esfand). Ce dernier jour de l’année, on devait célébrer « Sepandarmaz », la Protectrice de la terre, une journée de la femme avant l’heure.

Et nous voilà enfin au jour du Nowrouz proprement dit, à l’équinoxe du Printemps. Une des particularités de cette fête, c’est l’importance donnée à l’instant du changement d’année, cet instant n’est pas reconductible à heure fixe d’année en année, mais correspond au moment précis où le Soleil entre dans le signe du Bélier. Cette année, le Nouvel An est le 20 mars à 19h20.

La veille ou l’avant-veille, dans chaque maison, on dresse un Haft Sîn, sur une nappe posée à même le sol ou étendue sur une table. 7 (Haft) éléments naturels et comestibles dont les noms se doivent être d’origine persane et doivent commencer par un S (Sîn) garniront cette nappe.

Le Haft Sîn qui veut dire les sept S, est reconnu comme étant une référence pour les Ameshas-Spentas mazdéens [1]. En effet du temps du mazdéisme, les Iraniens glorifiaient sept divinités dont Ahura Mazda, c’était les Sept Sepahntas (ou Spanda/Spenta) et les populations utilisaient par respect, afin de ne pas les nommer, le terme des « 7 S ». Les 7 éléments de Nowrouz se rapportent à ce que symbolisait chacune de ces divinités. Les 7 Ameshas-Spentas sont Ahura Mazda, Mithra (soleil, taureau), Varuna ou Asha (feu), Indra ou Xshafra (métal), Sarasvati ou Aramati (terre), Nâsaty ou Haurvatât ou Anahita (eau), Ameretât (plantes).

Sabzi (blé en herbe) symbole de renouveau et de la bonne fortune

Samanou (sirop de blé) symbole de fertilité et d’abondance

Senjed (les amoureux s'embrassent sous le jujubier) symbole de l’amour

Sib (pommes) symbole de la beauté naturelle

Sir (ail) symbole de Sagesse d’Ahura Mazda, préserve de Ahriman

Somagh (sumac) symbole du Soleil naissant

Serkeh (vinaigre) symbole de sagesse et patience

A ces 7 Sîn, on ne manque jamais d’ajouter un miroir, une ou plusieurs chandelles [2], des oeufs peints, de la « rue sauvage » (ou Esfand dont l’étymologie renvoie encore une fois au mot Spenta), un bocal avec un poisson rouge vivant, et nombre de sucreries et de douceurs que l’on renouvelle constamment, car, hormis le 13e jour, pendant toutes les festivités, les amis et parents se rendent visite (ce sont toujours les plus jeunes qui visitent les aînés) et on en offre aux invités.

Le 13ème jour des festivités, on démonte le Haft Sîn. Le poisson est remis dans le bassin, et l’herbe que l’on a fait germer dans une assiette doit être jetée dans la nature. Ce jour-là tout le monde doit passer la journée en dehors de la maison. Cette journée de communion avec la nature s’appelle le Sizdeh Bédar.

Par ailleurs, toujours sur cette même table ou nappe, on retrouve un recueil de Hafez, poète mystique iranien et secrètement zoroastrien dont les poèmes célèbrent les mystères de l’amour, de la beauté, de la sagesse, le principe d’in vino veritas, le mystère suprême de la création et l’ignorance des bigots.

Le Divân (oeuvres rassemblées) de Hafez est utilisé comme aide à la divination populaire. Les iraniens posent une questions concernant leur futur à Hafez, puis ouvrent leur Divân au hasard, le poème étant sur la page ouverte peut alors être interprété pour connaître la réponse à la question. Nous avons demandé à notre maître Hafez de nous dire où nos efforts nous conduiront... Les poèmes de Hafez sont à la fois simples et complexes. Les lire et les interprêter sont deux plaisirs intellectuels intenses, et la réponse qu’il offre à son admirateur est une récompense méritée. Goethe admirait Hafez et il lui a consacré un livre, nous reprenons à notre compte, cette phrase du poète allemand : « J’aime celui qui rêve l’impossible ». Hafez a rêvé et écrit cet impossible et celui qui lit Hafez partage cette immensité.

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à l'aube d'une nouvelle matinée, ils m'ont sauvé de mes soucis

au cour de cette sombre nuit, ils m'ont donné l'eau de la vie

ils m'ont ébloui par ma lumière innée en moi enfouie

ils ont tiré le vin de la coupe de mon âme exquis

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On doit observer que le principe abstrait des êtres ne paraît presque jamais dans les Livres Saints de l'Iran. on n'offre aucun sacrifice à Ahura Mazda, on ne lui adresse aucune prière.

Ahura Mazda est le premier être issu du principe éternel, et, par conséquent, n'est pas l'être absolu lui-même. Il n'est pas non plus le feu ni le soleil, comme on l'a dit, et c'est une erreur de regarder les anciens Perses comme des adorateurs du Feu. Ahura Mazda est le premier des Amschaspand (Amscha-Spanda, Saints immortels), le seigneur de la science, le principe actif de tout bien et l'origine de la vie; s'il a pu être pris pour le Soleil, c'est qu'en effet cet astre est son emblème, puisque de lui émanent la lumière qui donne la connaissance des objets et la chaleur qui nourrit les êtres vivants. Aussi Ahura Mazda est-il appelé le seigneur de la lumière, et dit-il de lui-même qu'il était avant que le ciel fût, avant le feu, l'eau, la terre, les arbres et les troupeaux, avant l'humain, avant les esprits purs et les esprits impurs. Cet agent suprême de la création est véritablement le principe de tout le bien qui s'y trouve, bien physique et bien moral; non seulement il est l'auteur de la lumière et de la vie, mais il est le foyer d'où émanent, avec la science, la bonté et la sagesse, la loi, la pureté, le bonheur et la vie éternelle.

Ahriman, né en même temps qu’Ahura Mazda, est son plus puissant ennemi, mais non son égal. A ce dernier trait, on reconnaît une doctrine qui n'est pas absolument dualiste, puisque la lutte des deux principes n'est ni égale, ni éternelle. Ahriman symbolise la cause active de l'ignorance et de l'erreur, de la malice et du mensonge, du vice et du crime; il est l'auteur de tout ce qui souille, attaque ou détruit, les humains, de leurs souffrances et de leurs malheurs.

Au-dessous d'Ahura Mazda sont les six autres Amscha-spands (1+6 S), dont il est à la fois l'auteur et le chef. Ces esprits célestes le secondent dans l'oeuvre du bien et dans la lutte contre le mal. Le créateur a partagé entre eux la terre et le temps; ils protègent la terre, et président aux différentes parties de la durée, comme aussi aux organes du temps, qui sont les astres; par eux arrivent aux êtres d'ici-bas. Les Amscha-spands dirigent les grandes révolutions périodiques du ciel, les mouvements du Soleil, de la Lune et des planètes , la distribution de la chaleur et de la lumière dans l'espace, les jours, les mois, les années. Ils symbolisent entre autre les saisons et durant Nowrouz, chacun des 7 éléments commençant par un S, célèbre une saison ou un élément fondateur du mazdéisme.

Les zoroastriens considéraient que la terre était divisée en 7 parties

Le tombeau de Cyrus le Grand a 7 marches

La lumière du soleil se divisait en 7 couleurs

L'enfance durait 7 ans

Il y a 7 atash-gahs sont les lieux où le feu issu du soleil brûle en permanence et il en existe encore une en activité en Iran dont le feu ne s'est jamais éteint depuis plus de 2000 ans!

Il y a 7 étapes pour accéder au zoroastrisme (corbeau, invité,soldat, lion, parsi, soleil, père, ...dont le lion et le soleil sont devenus le drapeau de l'Iran)

Le sabzi du Nowrouz se fait réellement avec 7 variétés de végétaux
Il y a 7 sepanthah (anges) dont 6 sont des anges-nuages et le 7eme est Ahourah Mazada. Les noms de ces 7 sont ceux de 7 des mois de l’année iranienne : Farvardine, Khordad, Amordad, Sharivar, Bahman, Esfand

Les produits sur une table de Haft Sîn répondent a des caractéristiques précises :
- Le nom doit être persan,
- Commencer par un S,
- Avoir une origine végétale,
- Etre comestible,
- Etre un nom simple (pas un nom composé)

On peut rajouter d'autres produits en s comme le samovar et des choses dont le nom ne débute pas par s mais qui sont symbolique (poisson par ex.) mais il est impératif que les sept S de base soient présent.

C'est aussi le chiffre 7 qui revient dans les écrits de l'Avesta, mais on retrouve plus tard dans les écrits saints, le chiffre 7 de façon régulière :

La Bible parle de 7 esprits, 7 soleils, 7 lumières, 7 moutons, 7 cornes, 7 têtes, 7 anges...

Les évangiles reprennent aussi le chiffre 7, les 7 péchés, les 7 vengeances...

Pour le judaïsme et le christianisme, il y a encore les 7 jours de la création, les 7 patriarches, les 7 candélabres...

Pour les musulmans, il y a 7 cieux, 7 terres, 7 enfers, 7 portes au paradis, 7 tours de la Kabaa, 7 rinçages etc...

Pour l'hindouisme, il y a 7 délices, 7 flammes d'Ani, 7 rayons, …

Etc...

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| Mots Clefs | Resistance : Identité Iranienne |

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[1Origines des Haft Sîn : Henri MASSE, croyances et coutumes persanes, Maisonneuve, Paris, 1938, p.156

[2Les bougies, signes de bonté et chaleur sont censées éloigner les mauvaises actions. Normalement il devrait y avoir autant de bougies que d’habitants dans la maison. Parfois un œuf décoré accompagne chaque bougie. Et la bougie allumée doit s’éteindre d’elle-même, il ne faut jamais l’éteindre soi-même