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Khomeiny, la révolution islamique et Al-Qaïda
13.07.2005

9.12.2004 : Le philosophe iranien Dariush Shayegan évoque, sur France culture, l’influence de la révolution iranienne sur le terrorisme contemporain (propos recueillis par Luc Chatel de Témoignage Chrétien)



Exilé de Téhéran en 1979, suite à la révolution islamique, vous vivez à nouveau en Iran depuis douze ans. Quelle influence exerce les religieux sur les Iraniens ?

Dariush Shayegan. Il y a, chez les jeunes, une désaffection totale pour la religion comme phénomène littéraliste, comme système global. Mais ils ne sont pas devenus antireligieux, à l'exception de quelques-uns, agnostiques. Une expression a été créée pour désigner ces derniers : ceux qui ont fui la religion.

Peuvent-ils exprimer publiquement leurs convictions ?

Non, ils risquent la peine capitale. L'Iran est une société complètement schizophrène. D'un côté, 75 % de la population qui a moins de 25 ans est fascinée par l'Amérique, symbole de l'Occident et la modernité. Ils expriment un besoin de changement, de réformes. De l'autre côté, il y a un régime non réformable. Cela ne peut que déboucher sur une crise. La seule issue pourrait venir de l'extérieur. Les Européens et les Américains ont trop longtemps oublié l'Iran. Ils n'ont pas réalisé que la révolution islamique a servi de modèle aux mouvements terroristes actuels.

Quel point commun entre Al-Qaïda et les ayatollahs iraniens ?

La révolution iranienne est un événement fondamental de la fin du xxe siècle. Elle a changé la face du monde, notamment en inventant les formes, les instruments du terrorisme contemporain. Elle a fait de la religion une idéologie de combat. L'Iran est un grand pays. Il est devenu un exemple pour les pays musulmans, comme Moscou autrefois pour les pays de l'Est. Il n'y avait jamais eu de gouvernement islamique avant cette révolution.

Cette idéologisation de la religion, comment s’est-elle construite ?

Les islamistes iraniens ont récupéré les terminologies marxistes. Ils se définissaient comme des combattants anti-occidentaux et anti-impérialistes. Des tribunaux révolutionnaires ont vu le jour. L'un des premiers slogans de la révolution disait : « On va jeter le royaume monarchique dans les poubelles de l'histoire ». C'était une phrase de Lénine. Le régime évoquait aussi une lutte des classes entre les laissés-pour-compte et les orgueilleux, ce qui revenait au conflit entre bourgeois et prolétaires. Le régime se présentait comme une troisième voie. Un slogan disait : « ni l'Est, ni l'Ouest : une république islamiste ». Cette troisième voie était tellement attirante que beaucoup de gens se sont trompés. Même Michel Foucault avait cru y voir une sorte de nouvelle spiritualité politique.

Aujourd’hui, quelle est l’idéologie de mouvements terroristes comme Al-Qaïda ?

Ce n'est pas un phénomène islamique. Ces gens-là ressemblent davantage aux personnages de Dostoïevski dans Les Démons qu'aux terroristes ismaéliens du xiie siècle, dont les actions meurtrières avaient des objectifs très ciblés. Leur terrorisme n'était pas aveugle. Les membres d'Al-Qaïda veulent faire sauter toute la baraque. Ce sont des nihilistes modernes. Ils rejettent l'autre, et, à travers lui, les valeurs modernes, occidentales.

Ce rejet de l’autre ne risque-t-il pas de nous atteindre à notre tour, par réaction ?

Ce que je vois en Inde m'inquiète beaucoup. Il n'y a jamais eu, dans l'histoire de ce pays, de fondamentalisme hindou. L'Inde a toujours été un pays très accueillant, et l'hindouisme un immense éventail qui intégrait toutes sortes de croyances. Le fondamentalisme hindou que l'on voit naître aujourd'hui s'est créé en réponse au fondamentalisme musulman. Ce type de réactions dessine un monde très dangereux.

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