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Nucléaire : le bras de fer iranien
06.11.2005 [Fig Mag - François d’Orcival]

C’est au sens propre, et pas seulement au figuré, que la déclaration du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, a fait l’effet d’une bombe : « Israël doit être rayé de la carte », a-t-il dit le 27 octobre en public. Une déclaration confirmée trois jours plus tard alors même que les Nations unies se saisissaient d’une résolution décidant qu’une journée commémorerait désormais chaque année la Shoah et la libération des camps de la mort. On imagine ce que serait la portée d’un tel discours hystérique si Téhéran disposait effectivement d’une arme atomique...



C’est tout l’enjeu de l’épreuve de force à l’issue incertaine qui se joue actuellement entre l’Occident, Europe et Amérique réunies, et l’Iran radical.

49 ans, ancien chef des « gardiens de la révolution », formé par l’islamisme religieux, maire de Téhéran, Mahmoud Ahmadinejad a été massivement élu à la présidence le 24 juin dernier. L’un des hommes forts du régime, chargé de la politique de sécurité, l’ultraradical Ali Laridjani, commentait ainsi son élection à la télévision : « Les Iraniens ont la ferme volonté de poursuivre leurs recherches nucléaires. La technologie nucléaire est une ambition nationale. » Pour le confirmer, l’Iran rompait peu après tacitement l’accord du 15 novembre 2004 conclu à Paris avec les Européens en refusant de coopérer avec l’Agence internationale de contrôle de l’énergie atomique tout en reprenant l’enrichissement de l’uranium suspendu quelques mois plus tôt. « Si les Européens veulent nous affronter sur cette question, lançait le même Laridjani, ils disparaîtront du Moyen-Orient. » Sur quoi ces gesticulations peuvent-elles donc déboucher ?

Plus l’Iran se radicalise, moins il obtient de débouchés, plus ses emprunts extérieurs lui coûtent cher ; malgré le doublement des prix du pétrole, son économie est en panne, la Bourse plonge et la colère monte. Le président iranien, dont l’élévation du niveau de vie était le principal argument de campagne, détourne l’attention, fait d’Israël un bouc émissaire idéal, décide de transformer ce 4 novembre, date anniversaire de la prise en otage de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979, en un « grand moment », et menace d’attaquer par terroristes interposés, ses « divisions de kamikazes », les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en Irak. Il espère ainsi pouvoir se placer dans un meilleur rapport de forces pour négocier sa technologie nucléaire.

Américains et Européens ne sont pas décidés à se laisser faire. Ils transmettront le dossier iranien au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais ensuite ? S’ils veulent obtenir le vote d’un embargo dur pour l’Iran, Paris, Washington et Londres devront écarter au préalable tout veto russe ou chinois. Or si les Russes ont condamné la déclaration d’Ahmadinejad (« inacceptable »), les Chinois, eux, sont restés silencieux. Le veto chinois reste possible. L’avenir de la bombe iranienne se négocie donc à Pékin. Rumsfeld, le patron du Pentagone, y était le mois dernier.


Figaro Magazine
François d’Orcival