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Tolérance zéro, le miracle new-yorkais
05.11.2005 [Le Figaro]

Tolérance zéro ! Dans l’opinion, la formule fait mouche. Elle évoque la fermeté sans exclure l’humanité, car le mot « tolérance » persiste, même si le mot « zéro » l’atténue.



Appliquée aux violences urbaines, la tolérance zéro ne signifie pas l’éradication de toute forme de criminalité. La tolérance zéro ne pourra jamais se traduire par une « délinquance zéro ». Même les régimes les plus autoritaires n’ont jamais pu extirper toute forme de violence. La tolérance zéro est une nouvelle approche du crime et de la violence. Elle ne prétend pas tout résoudre du jour au lendemain. Elle fait appel au bon sens.

Elle est une attitude claire de la société face au délinquant d’habitude, qui consiste à lui demander d’assumer ses actes en lui appliquant très tôt la sanction qu’il mérite, sans hypothéquer ses chances de réinsertion.

La Tolérance zéro veut aussi marquer une rupture avec trente ans de tolérance sans bornes qui nous ont conduits à une impasse. Elle veut en finir avec les avertissements à répétition et toujours sans frais, les expériences éducatives excluant toute forme de contrainte, les sommes colossales englouties sans résultat dans les politiques de la ville, les peines non exécutées. Prôner la tolérance zéro, c’est considérer que tout signe de faiblesse de l’Etat revient à encourager toute une popu lation juvénile aguerrie au calcul du risque. Le rapport « coût/avantage » pour le fauteur de troubles doit tourner à son désavantage. Finie, donc, l’école de l’excuse, de la déresponsabilisation et de l’angélisme face à la criminalité.

Fini le clan du « tout éducatif » qui a lui-même contribué à façonner cette France aux dérives communautaristes, peuplée de cités interdites. Sans négliger de se pencher sur les causes du crime, il faut aussi s’intéresser davantage au criminel lui-même, le considérer comme un individu capable de faire des libres choix, y compris celui de sombrer dans la délinquance sauvage, mais en contrepartie d’en supporter toutes les conséquences.

C’est en lui permettant d’assumer ses actes, et en faisant preuve d’un peu moins de compassion, qu’on restituera au jeune criminel les chances de sortir d’une spirale infernale. Du même coup, on protégera les premières victimes de cette autodestruction collective que sont précisément les plus démunis, ceux qui n’ont pas les moyens ou l’âge de fuir les cités aux rues jonchées de voitures calcinées, d’Abribus saccagés, de commerces désertés.

Les pouvoirs publics doivent sans plus attendre se réapproprier ces territoires depuis trop longtemps abandonnés à la criminalité souterraine. C’est ce qu’avaient compris, dans les années 80, les chercheurs J. Wilson et G. Kelling, auteurs de Fenêtres brisées. Cette doctrine mise en pratique dix ans plus tard par le maire de New York, Rudolf Giuliani, est fondée sur le principe que « dans le cas où une vitre brisée n’est pas aussitôt remplacée, les autres vitres connaîtront bientôt le même sort ».

Le fait de laisser sans réparation et sans réponse une dégradation apparente d’un bien public ou d’un acte de délinquance, aussi bénin soit-il, est perçu comme le signe d’un abandon par l’autorité publique de ses responsabilités. Pour les jeunes les plus exposés à la délinquance, le laxisme apparaît comme un encouragement à passer à l’acte avec le sentiment de l’impunité. Et de fait, les résultats new-yorkais ont été spectaculaires. De 1990 à 1999, le nombre de faits délictueux a chuté de 700 000 par an à 300 000, tandis que le nombre de meurtres est passé de 2 200 à 667. Il n’y a plus de zones de non-droit. Harlem n’est plus le territoire de ces bandes rivales qui entretenaient un véritable climat de guerre civile.

En France, le miracle new-yorkais est aussi possible. Il ne peut y avoir de fatalisme des cités sans loi. L’impuissance politique serait pire que tout. Les solutions existent.

Le temps est venu pour notre démocratie, avec les armes et la force du droit, et sans renier nos propres valeurs, de déclarer la guerre à la désintégration du corps social en s’inspirant de la harangue de William Bratton, le chef de la police new-yorkaise : « Nous combattrons pour chaque rue, chaque pâté de maisons, nous reprendrons la ville, maison par maison, et nous triompherons ! »

Pour le succès d’une telle entreprise, les pouvoirs publics français doivent prendre le même virage avec une volonté sans faille en s’appuyant sur une police, une justice et des élus responsables, dans le strict respect d’un Etat de droit.


Par Georges Fenech, Député du Rhône, ancien magistrat, auteur de Tolérance zéro, en finir avec la criminalité, Grasset, 2001.