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Iran : La médiation du Guide, une manœuvre factice, mais vitale
29.07.2011

Le Guide suprême de la révolution a nommé l’ayatollah Shahroudi comme médiateur pour résoudre la querelle existante entre le Parlement, présidé par Larijani et le Gouvernement, présidé par Ahmadinejad. Or, personne n’avait signalé un désaccord entre les deux. Par ailleurs, les médias occidentaux ont repris le commentaire officiel accompagnant la nomination en parlant d’un camouflet pour le Conseil de Discernement et pour son président, Rafsandjani, qui sont chargés de cet arbitrage… alors que, le médiateur désigné appartient au Conseil de Discernement et fait partie du clan Rafsandjani. Comme d’habitude, le régime ment et embrouille ses interlocuteurs. Il se cache pour cacher ses problèmes. Décodages.



Le fond du problème : Washington sanctionne la république islamique depuis des années pour l’affaiblir : il veut forcer ses dirigeants à céder leurs pouvoirs à ses pions afin de contrôler le régime islamique et l’utiliser pour déstabiliser l’Asie Centrale chinoise. Washington leur propose régulièrement le dialogue pour tester leur disponibilité pour un rapprochement bilatéral permettant le retour en Iran de ses pions en vue de prendre le pouvoir via une révolution de couleur.

Mais les mollahs, de même que leurs associés affairistes (issus des clans au pouvoir), perdraient alors immédiatement leur mainmise sur les richesses du pays avant de passer en jugement pour leurs méfaits. C’est pourquoi ils ont toujours fait bloc pour dire non et la direction générale du régime, le Conseil de Discernement dirigé par Rafsandjani, a été mis en demeure de chercher des solutions pour neutraliser les sanctions.

Le premier choix de Rafsandjani, le maître d’œuvre du terrorisme du régime, a été de menacer régulièrement Washington d’une guerre régionale et pétrolière pour le contraindre à reculer. Washington a utilisé les menaces terroristes de Rafsandjani pour adopter de nouvelles sanctions pétrolières en 1996. Il a même accusé Rafsandjani de l’assassinat d’opposants kurdes pour l’intimider.

Cette opération qui devait contraindre Rafsandjani à composer avec Washington a en fait remis en cause sa capacité à diriger le régime. Il pouvait être destitué par ses pairs ou même extradé par une coalition de ses rivaux dans l’optique de contraindre Washington à abandonner ses sanctions.

Rafsandjani a alors été contraint d’ouvrir Conseil de Discernement à ses ennemis notamment Ali Larijani et ses proches. Rafsandjani a néanmoins fait entrer des amis pour rester le courant majoritaire du Conseil afin de bloquer d’éventuelles décisions le concernant. Il a également nommé son ami Shahroudi (le médiateur de cette semaine) à la tête du pouvoir judiciaire pour éviter qu’une coalition d’ennemis puisse le livrer aux Américains.

Rafsandjani a ainsi pu sauver sa mainmise sur l’Etat islamique. Mais en intégrant ses ennemis, il n’avait plus les mains libres : il devait leur rendre des comptes et pouvait même être contraint de leur céder la direction en cas d’un nouvel échec.

Rafsandjani s’est ainsi retrouvé contraint à réussir à battre Washington avec les félicitations de ses pairs pour ne pas être éjecté de son poste et être remplacé par Ali Larijani. Ce devoir d’excellence l’a amené à faire des choix risqués. Il a ainsi inventé « un courant modéré ouvert au dialogue » (incarné par Khatami) pour encourager Washington à cesser ses sanctions. Ce plan a poussé Washington à assouplir ses sanctions. Rafsandjani a alors mis en avant l’hostilité d’un « Parlement très conservateur vis-à-vis du modéré Khatami » pour ne rien concéder en échange de l’assouplissement décidé par Washington. Ce dernier s’est fâché en évoquant la menace nucléaire du régime pour introduire de nouvelles sanctions. Rafsandjani allait être critiqué pour sa gestion, il pouvait perdre la direction du régime : son pion Khatami a accepté un compromis sur le nucléaire pour éviter ces sanctions. Il a ainsi engagé le régime dans le processus de rapprochement bilatéral qu’il devait éviter.

Rafsandjani a corrigé cette erreur en remplaçant Khatami par un autre de ses pions, l’agitateur Ahmadinejad (un compagnon des années terroristes) pour neutraliser l’accord signé par Khatami et aussi pour revenir à la politique des menaces et des provocations pour intimider Washington du moins neutraliser tout apaisement.

Washington a de nouveau profité de l’occasion pour accentuer ses sanctions limitant les revenus en devises du régime donc ses importations notamment de blé et de carburant avant d’adopter une politique d’esquive pour éviter toute réaction fatale au régime et pouvoir l’épuiser doucement mais sûrement et l’amener à négocier sa reddition. Le régime allait au devant des pénuries difficiles à gérer : en attendant de trouver une solution, il a arrêté la distribution gratuite d’aliments pour ménager ses stocks : il sacrifiait les pauvres : il a perdu leur soutien ainsi que le soutien de leurs enfants engagés dans la milice anti-émeutes du Bassidj.

Rafsandjani avait encore affaibli le régime au lieu de le sauver : pour ne pas perdre sa place, il a pris un autre risque. Il a imaginé le Mouvement Vert, une opposition officielle dirigée par Moussavi, un ultra-islamiste pro nucléaire par ailleurs membre de son clan, pour simuler une fausse révolution de couleur afin de légitimer la poursuite du programme nucléaire ainsi que le refus de tout dialogue et aussi obliger Washington, qui est officiellement respectueux des révolutions de couleur, à cesser ses sanctions.

Ce projet ingénieux a lamentablement échoué car les gens du régime ne l’ont pas cautionné et en l’absence des bassidjis, le peuple a pu profiter de l’occasion pour se soulever contre le régime entre les 15 et 25 juin 2009. Il y avait alors une union implicite entre le peuple et les forces de l’ordre regroupées sous l’égide des Pasdaran.

Le 20 juin 2009, le régime a même vacillé, mais il n’est pas tombé car Washington qui a besoin d’un régime islamiste n’a pas soutenu le peuple. L’Europe a aussi tourné le dos aux Iraniens pour préserver ses contrats. En l’absence d’un soutien international, Rafsandjani a pu réparer son erreur en matant le soulèvement avec l’aide de ses amis des services secrets.

Rafsandjani a pu restaurer l’ordre, mais il avait commis trop d’erreurs. Pour ne pas sauter, il a démis son ami Shahroudi de la présidence du pouvoir judiciaire et offert cette place essentielle au frère cadet d’Ali Larijani, Sadegh Larijani. Il a même accordé un siège du Conseil de Discernement à ce dernier, mais il a équilibré la donne en accordant un siège à son fidèle ami Shahroudi, victime de ses marchandages politiques. Après ces réajustements, il est resté le président du Conseil de Discernement, mais il n’a pas changé de ligne : il s’est lancé dans de nouvelles provocations ou encore la promotion de sa fausse révolution interne, mais celle-ci n’a jamais pu réunir plus de 50 personnes dans sa seconde année d’existence.

Le 20 juin 2010, au moment du 1er anniversaire du soulèvement du peuple, Rafsandjani n’a pas participé à une rencontre officielle en tant que président du Conseil de Discernement, il a été remplacé non pas par Rezaï le n°2 du Conseil, mais par Ali Larijani. Le patron historique du régime venait d’être discrètement limogé par ses pairs et remplacé de facto par son rival Ali Larijani. Ce changement n’a pas été accompagné par un changement de cap, mais un changement de style dans les efforts anti-dialogue.

Ce changement superficiel a prouvé que la direction du régime ne pouvait accepter aucun compromis et qu’elle allait anéantir le pays pour sauver ses intérêts.

Les Pasdaran ont rompu plus radicalement avec le régime en boycottant à l’unanimité la célébration de la révolution islamique, puis en laissant le peuple manifester le 15 mars, la date anniversaire de Reza Shah, l’initiateur de la laïcité en Iran.

Cette rupture des Pasdaran a réduit le régime à ses dirigeants et leurs associés économiques et semé la panique parmi ces derniers : ils se sont mis à vendre leurs actions pour acheter de l’or ou des dollars afin de préparer leur fuite. Le régime était confronté à la menace d’un effondrement financier. Les frères Larijani ont d’abord menacé les acheteurs paniqués avant de diriger la menace vers les Pasdaran. Mais les Larijani ne sont pas parvenus à calmer la crise. Ils ont alors évoqué un projet de coup d’Etat des Pasdaran en faveur du très vilain Ahmadinejad pour ternir auprès du peuple, l’image des miliciens désormais dissidents, avant de changer d’avis et parler de la fidélité de la majorité des Pasdaran pour renforcer l’image de l’Etat. Les Pasdaran ont continué à boycotter les manifestations officielles. Chaque boycott provoquait une nouvelle crise financière.

Les Larijani étaient incapables de redresser la situation. Ils pouvaient perdre le pouvoir ou le céder à leurs rivaux du clan Rafsandjani. Ils ont alors commencé à attaquer les pions du clan Rafsandjani, notamment Ahmadinejad, la pièce maîtresse de ce clan pour la politique de provocation guerrière ou pour la promotion de Moussavi comme un idéal. Cette guerre interne pour le pouvoir (à un moment où il fallait penser au système) a amplifié les inquiétudes des associés du régime : ils ont intensifié les transactions provoquant un premier effondrement de la bourse de Téhéran. Les Larijani ont dû cesser leur guerre contre le clan Rafsandjani et même simuler une réconciliation souriante pour calmer les esprits. Cette réconciliation n’apportait pas en soi une solution au problème initial qui est la nécessité de neutraliser la guerre d’usure économiques des sanctions américaines.

Pour rassurer les associés paniqués et freiner leur envie de fuir, le régime a alors tiré des missiles et tenu des propos inquiétants pour revenir à la première tactique de Rafsandjani : la menace d’une guerre régionale et pétrolière. Washington a naturellement esquivé pour éviter l’escalade et demeurer dans sa guerre d’usure économique si efficace.

Le régime a intensifié la teneur de ses menaces en évoquant une menace balistique très précise capable de couper le transit vital des pétroliers vers l’Amérique puis sa capacité de détruire le parapluie anti-missile américain fourni à Israël. Ces propos susceptibles de provoquer une attaque militaire fatale au régime ou un renforcement des sanctions bancaires (au moment où les associés pensent à déplacer leurs dollars) ont entraîné une plus grande panique au sein des associés : la bourse s’est totalement effondrée au lendemain de l’annonce.

Le régime a paniqué : il a fait état de son ouverture au dialogue, c’est-à-dire, la seconde politique de Rafsandjani.

Les médias du régime précisaient cependant que la proposition était une initiative personnelle de Rafsandjani pour pouvoir ouvrir le dialogue afin de rassurer les associés paniqués sans souffrir des effets d’un possible rejet américain. Le régime semblait sacrifier Rafsandjani. Ce dernier qui jadis jouait le rôle de meneur de jeu était utilisé comme un pion par ses pairs. Les divers clans étaient enfin unis pour sauver le système !

Washington y a vu une évolution favorable : il a accepté l’offre de dialogue en envoyant le président pakistanais en Iran avec un contrat-cadeau d’achat de gaz d’une valeur d’1 milliard de dollars. Mais il s’est aperçu que les mollahs voulaient poser des conditions au dialogue pour mener le jeu et rassurer leurs partisans, mais n’avaient pas l’intention d’accepter ce qu’il veut : il a écourté la tentative et même puni le régime en faisant dire à son émissaire qu’il n’utiliserait « plus le dollar pour payer ses achats, mais le rial iranien » (qui ne vaut rien), privant les mollahs d’une de leurs dernières sources de devises. Le régime allait manquer de dollars, il allait vers la pénurie et le risque des émeutes forcément fatales en l’absence de soutien des Pasdaran.

Avec l’échec de cette initiative commune de Rafsandjani et de Larijani, les associés du régime ont perdu tout espoir : ils ont acheté près de 30 milliards de dollars de lingots d’or. Ils ont ainsi fait leur valise pour être prêt à quitter le navire en perdition.

On n’a plus entendu Rafsandjani ou Larijani qui avaient cessé de susciter la confiance. La direction est devenue confuse et anonyme. Mais on a entendu parler d’une nouvelle génération de centrifugeuses pour rester dans le registre de provocation modérée. Washington a ignoré l’annonce des mollahs.

Le régime a perdu les pédales : il a parlé de l’interception d’un drone américain pour forcer Washington à riposter. Washington a ignoré la provocation : il est devenu clair que le régime ne pourrait pas provoquer une escalade. Le régime était donc perdu.

On a alors eu droit à une sortie des membres de l’assemblée des Experts qui dominent l’économie intérieure pour appeler les associés issus de leurs clans à se calmer. L’appel n’a rien donné.

Le régime a encore évoqué son ouverture au dialogue. Washington n’a pas répondu. Le Guide suprême, en tant que chef spirituel (responsable du Jihad), est le commandant des forces armées, a pratiquement déclaré la guerre aux Américains en parlant de la force militaire du régime le long des rives du Golfe Persique ! Washington n’a pas répondu ! Le plouf du guide l’a ridiculisé.

Le régime s’est mis à bombarder le Kurdistan irakien rempli de soldats américains pour provoquer l’escalade, Washington a gardé le silence ! Ses pions irakiens ont à peine réagi en invitant les mollahs à se calmer pour ne pas remettre en cause les bonnes relations entre les deux pays !

Le régime s’est retrouvé en pénurie de provocations et en manque d’hommes pour incarner une nouvelle politique salvatrice.

Dans ces conditions, il vient de parler d’un retour du coup d’Etat rampant d’Ahmadinejad via la prise en main du ministère du pétrole par un Pasdaran déviant, la colère du Parlement et son président Larijani et la nomination d’un médiateur.

Sur le fond, ces récits sont bidons car d’un point de vue constitutionnel, le ministère du pétrole est chargé de gérer la production ou le raffinage et non la vente. Par ailleurs, la signature des contrats est supervisée par les membres du Conseil de Discernement comme Larijani. Ce dernier n’a donc pas de raison de s’inquiéter. Les récits sont également bidons du point de vue pragmatique car avec les sanctions en vigueur, le régime ne signe plus aucun contrat depuis 1995 et par ailleurs, les Pasdaran ne peuvent pas avoir accès aux transactions bancaires pour encaisser l’argent !

Il reste le point de vue du régime et le message qu’il veut faire transiter via ce récit. Il y a d’un côté, Ahmadinejad dans le rôle du super méchant avide de pouvoir et de l’autre côté, Larijani dans le rôle du champion de la modération et entre les deux, nous avons Khamenei et Shahroudi, deux pions de Rafsandjani, pour contenir le premier (également issu du clan Rafsandjani) et rassurer le second qui est l’ennemi de Rafsandjani.

De prime abord, cette médiation est un charmant tableau insinuant la possibilité d’une réconciliation entre les deux clans et les personnages en vue pour travailler ensemble !

Or, le régime avait déjà joué cette carte au moment de la guerre déclenchée par les Larijani et la réconciliation affichée n’avait pas su restaurer la confiance de ses associés paniqués. C’est pourquoi le régime avait dû revenir à la politique de la menace en tirant des missiles.

Mais après une semaine de tirs nourris sur le Kurdistan irakien, le régime n’a plus d’option de rechange sauf une déclaration de guerre ou un attentat qui la provoquerait. Il ne lui reste qu’une solution extrémiste ou des moignons d’options rassurantes.

La médiation n’étant pas une bombe, elle n’est qu’un moignon d’options rassurantes, une manœuvre pour simuler une vie politique, des efforts de sauvetage pour entretenir le doute sur des possibilités et retenir ses derniers partisans alors que tout est perdu.


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