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Iran : Les sanctions annoncent un cycle infernal
02.07.2010

Après une année d’apaisement pour parvenir à une entente, le président américain Barack Obama a ratifié hier une nouvelle série de sanctions contre l’Iran.



Tout au long de l’année 2009, Washington a promis de renforcer ses sanctions, mais il les a officiellement sans cesse retardées pour donner une chance à une solution basée sur le dialogue et la réconciliation. L’opinion américaine ne cesse de critiquer Obama, mais il ne faut pas le confondre avec Davy Crockett qui voulait chasser le grizzli avec le sourire et un couteau. Washington agit par pur intérêt : il a besoin des mollahs agitateurs pour contrôler l’Asie Centrale et les chiites et par conséquent doit dans la mesure du possible éviter un renforcement des sanctions dans sa guerre d’usure économique, afin d’éviter des mesures fatales contre le seul allié capable de l’aider à chasser les Russes et les Chinois de l’Asie Centrale.

C’est en 2009 que les Russes et les Chinois ont réalisé que pendant des années, ils avaient aidé Washington en s’opposant à de nouvelles sanctions. Cette erreur de jugement ne s’est pas avérée fatale car les mollahs (et les Pasdaran) ont une peur bleue de tout apaisement avec les Etats-Unis. Cela les priverait du soutien de la rue arabe. Ils perdraient le Hamas et Hezbollah, leur outil de dissuasion ! Une réconciliation leur imposerait également le droit de retour au pays d’Islamistes iraniens pro-américains, ce qui les exposerait à une révolution de couleur… Ils se retrouveraient alors sous les ordres de Washington dans le rôle peu enviable d’alliés jetables après ses projets de conquêtes régionales. C’est pourquoi, ils ont toujours refusé. Parallèlement, ils ont sans cesse cherché à engager l’Etat américain dans une escalade guerrière afin que le risque du blocage du détroit d’Ormuz ne pousse ses alliés européens à le lâcher.

Ce refus de dialogue et les provocations guerrières ont mis à mal l’administration Obama. Après trois mois d’apaisement et des dizaines de tentatives ratées de dialogue, elle ne savait pas comment expliquer le maintien de sa politique d’apaisement qui est la seule possible pour éviter des sanctions fatales et maintenir une guerre d’usure longue. Washington a alors eu l’idée de proposer l’échange du stock iranien d’uranium contre du combustible occidental pour le réacteur médical de l’université de Téhéran.

Téhéran était coincé. Pour éviter le dialogue qui déplairait à la rue arabe, il a eu l’idée d’une révolution de couleur (interne au régime et à la couleur de l’islam), le Mouvement Vert, qui prône le retour aux principes fondateurs de la révolution islamique, c’est-à-dire le refus de tout compromis avec les Etats-Unis, pour donner une légitimité populaire à son refus de dialogue. Ce projet a été un fiasco car le peuple a boycotté ce mouvement islamiste, puis il a profité de l’autorisation de manifester pour contester le régime. Le régime ne désespère pas de pouvoir attirer les Iraniens dans les rues sous la bannière verte pour n’importe quelle excuse, mais rien n’y fait.

Face à cette ruse des mollahs, Washington a renoncé à une approche privée pour confier ce projet à l’AIEA afin d’attirer les mollahs à une table de négociations et ainsi les contraindre à la réconciliation. Le projet d’échange est alors devenu la dernière offre de la dernière chance d’un apaisement avec les mollahs. Sans la refuser explicitement, en octobre 2009, les mollahs ont remis en cause les quantités à échanger, le pays fournisseurs (notamment la France) et les délais.

L’opinion américaine demandait des mesures : Obama a promis des sanctions en 2010 alors qu’il tentait d’obtenir l’approbation des mollahs en leur proposant d’importants investissements via la Turquie. Puis à l’approche de la date fatidique, il a évoqué l’opposition de la Turquie à toute nouvelle opposition. Puis il a introduit le Brésil qui est l’un de ces plus importants partenaires commerciaux dans le monde dans le jeu comme un nouvel opposant aux sanctions, mais aussi comme un intermédiaire pour proposer des investissements. Cela n’a pas convaincu l’opinion américaine, mais la Russie et les autres Etats victimes d’une éventuelle entente stratégico-pétrolière entre les Etats-Unis et les mollahs ont compris qu’il ne servait à rien de s’opposer aux sanctions contre les mollahs : ils ont annoncé d’importantes baisses de relations commerciales par respect pour les sanctions américaines pour engager Washington dans la voie des sanctions au lieu de l’apaisement.

La Grande-Bretagne, actuelle n°1 du marché pétrolier qui risque de perdre cette place en cas d’entente, a été la plus virulente en cessant ses livraisons d’essence aux mollahs les privant de 75% du carburant en vente sur le marché iranien. La Grande-Bretagne avait alors annoncé que Téhéran avait 6 mois de réserves (fin juin).

Washington a censuré les nouvelles de ces actions incompatibles avec son scénario basé sur l’opposition de ses alliés arabes, la Turquie et le Brésil et il a autorisé ces deux derniers à jouer les négociateurs libres avec les mollahs d’une part pour continuer un dialogue indirect avec les mollahs et d’autre part pour démontrer que l’apaisement pouvait donner des résultats. Le résultat a été la signature de l’accord de Téhéran pour un échange selon les conditions des mollahs. Téhéran a crié victoire et Washington a salué cet accord bidon. La Russie et la Grande-Bretagne, qui voulaient éloigner Washington de l’apaisement sans pour autant précipiter la chute du régime, sont alors allés au-delà de leurs prérogatives en se disant en faveur des nouvelles sanctions plus radicales que les sanctions américaines. Washington ne pouvait plus reculer. Il a donné son consentement à la résolution 1929 qui ne comportait pas de nouvelles sanctions, mais confirmait le recours aux sanctions en réponse à l’échec de la solution de dernière chance axée sur un échange du stock iranien d’uranium contre du combustible franco-russe. La Russie et la Grande-Bretagne étaient satisfaites car Washington avait été forcé de cesser son approche mièvre et le dossier avait pu être retiré des mains des turco-brésiliens pour revenir entre les mains des Six dont elles font partie. C’est pourquoi, les deux Etats ont cessé d’exiger des sanctions très radicales.

En revanche cela n’a pas enchanté Washington car il s’est alors retrouvé dans l’obligation d’adopter des sanctions unilatérales plus fortes : il a alors annoncé cet embargo partiel de carburant qui est déjà un fait grâce aux Britanniques ! Il avait auparavant autorisé la Turquie à livrer l’équivalent de 3 mois d’essence à l’Iran… Il échappe ainsi à des sanctions plus fortes tout en sauvant la face et aussi les mollahs, mais la prochaine fois, il devra aller plus loin, ce qu’il ne voudrait pas.

Washington n’a pas été seul dans son malheur. Le second perdant de l’affaire a été le régime des mollahs. Il s’est retrouvé dans un processus qui cautionnait la guerre d’usure économique américaine l’exposant à de futures sanctions très préjudiciables à sa survie. Il a réagi rapidement par ses deux seules réponses : d’une part, en cherchant à mobiliser si possible les Iraniens sous la bannière du Mouvement Vert, solution qui a sa préférence, et à défaut par une avalanche de provocations pour une escalade rapide afin de court-circuiter la guerre d’usure dont la clef de la réussite est la durée. La résolution ayant été votée le 9 juin, trois jours avant la date anniversaire de la création du Mouvement Vert, il a donné la priorité à cette solution, avant de revenir le 16 juin à des bêtes provocations devant l’incapacité du Mouvement Vert à mobiliser les Iraniens. D’un commun accord, les Six qui ne souhaitent pas d’escalade ont censuré les propos provocateurs.

À ce moment, Washington a repris ses habitudes en laissant la Turquie et le Brésil de côté pour le Pakistan et en incitant ce pays ami à proposer un très grand investissement gazier aux mollahs à condition de l’ouverture du dialogue. Il a ainsi pris une légère avance sur l’approche commune via les Six.

La Russie n’a pas aimé car dans le même temps, Washington qui finance des islamistes pro-américains a mis en avant via ces pions divers scenarii d’évolution du régime avec plus au moins de pions américains. Il y a même une solution avec des pions britanniques. La Russie s’est sentie isolée et condamnée à être dépossédé. Elle a menacé de quitter les Six, c’est-à-dire se mettre en position de mettre son veto à la prochaine résolution nécessaire pour de nouvelles sanctions fortes contre Téhéran.

Nous avions alors parlé d’une réaction déplacée susceptible d’isoler la Russie et cela a été confirmé par un changement d’attitude russe quand cette semaine, Téhéran, qui est de plus en plus affaibli et ne compte plus sur le Mouvement Vert, a rejeté tout dialogue avec les Six. Au moment où l’administration Obama a seulement censuré les propos pour éviter une escalade nuisible à sa stratégie, Moscou a censuré les mollahs, mais en prenant l’initiative inédite de leur proposer le dialogue au nom des Six. En parallèle, il a proposé un important investissement russe dans le domaine pétrolier iranien, pour imiter et concurrencer l’approche américaine. Téhéran n’a pas répondu. Moscou a apporté son soutien au Hamas pour laisser entrevoir une entente bis sans les mauvais côtés de l’entente proposée par Washington.

Obama a ratifié les propositions du Congrès pour dépasser l’offre de Moscou.

Conclusion | Il y a deux jours, au moment où Téhéran était face à la demande de dialogue des Six, nous avions pronostiqué une reculade tactique, évoquant une éventuelle nouvelle provocation comme étant le résultat d’une débâcle économique imminente. Nous devrons cependant attendre quelques jours car Téhéran espère enfin une mobilisation en faveur du Mouvement Vert pour le 9 juillet. En cas d’échec, on l’entendra alors des menaces provocatrices.

Le même raisonnement est valable dans le cas des réactions attendues de la part de la Russie et de la Grande-Bretagne à cette annonce d’Obama. Dans le contexte d’un extrême affaiblissement des mollahs et le risque d’une entente contraire à leurs intérêts, ces deux pays doivent s’y opposer ou surenchérir. Les deux réactions sont positives pour les partisans d’un changement de régime car si elles s’y opposent après l’affaire BP pour les Britanniques et l’affaire des espions pour les Russes, Obama serait obligé d’aller encore plus loin et si elles surenchérissent, Washington devrait agir de même. Les mollahs sont au début d’un cycle éprouvant.

Face à cette situation inédite, le régime a changé de directeur exécutif en remplaçant Rafsandjani, l’architecte du Mouvement Vert, par Larijani qui est son ennemi dans le régime. Le nouveau directeur exécutif du régime sait qu’il doit trouver une autre solution, mais sans savoir laquelle. Les mollahs sont au début d’un cycle infernal.


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Pour en savoir + sur le sujet :
- Exclusif - Iran : Washington contourne ses propres sanctions
- (25 mai 2010)

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| Mots Clefs | Enjeux : Apaisement |

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