C'est un régime d'exception pour un pays exceptionnellement riche ... Un traitement complaisant du gouvernement français concernant le violation permanente des droits de l’homme en Iran qui permet à la république Islamique de cour-circuiter toute protestation populaire et de récupérer les mouvements contestataires comme autant de preuves flagrantes d’une « certaine » libéralisation du régime et autant de « signes non trompeurs » d’une « évolution naturelle des choses » sous l’impulsion positive du « Dialogue Critique » ou « Dialogue Constructif ».

Nous autres iraniens ainsi que les musulmans en général sommes invités à nous contenter des pseudo-démocraties, et ce afin de ménager la fragile architecture du « Dialogue Critique » ou « Dialogue Constructif » mais aussi du « Dialogue entre les Civilisations », concepts intellectuels séduisants qui protègent la gigantesque manne financière du marché iranien.

Evidemment, la participation massive des iraniens pour élire par deux fois Khatami corroborait la thèse du rôle positif joué par la France dans l’émergence en Iran, d’une Démocratie « Spirituelle » : le concept de la « Démocratie Islamique » est le résultat du « Dialogue Critique ». En prime, cette politique permet à la diplomatie française de reconnaître factuellement la « cohabitation heureuse entre la démocratie et l’Islam ».

La « cohabitation heureuse entre la démocratie et l'Islam » ouvre une voie royale au commerce extérieur français avec les états autoritaires du monde musulman. Malheureusement elle permet aussi aux partisans d’un Islam politique en France de bénéficier du label démocratique sans les contraindre aux règles et réserves exigés par le respect de la laïcité.

Les enjeux économiques de cette politique sont très importants et en expension. La réussite de la politique de la « cohabitation heureuse... » repose le succès du « Dialogue Critique », c’est-à-dire le succès des Réformateurs Iraniens (le modèle iranien des réformes ). La France a capitalisé sur ce succès et la diplomatie française reste sourde aux appels lancés par les opposants iraniens.

Ce succès escompté semble terni depuis le 28 Février 2003, quand à l’appel de l’opposition laïque iranienne, les iraniens ont boycotté à plus de 93% les dernières pseudo-élections de la République Islamique.

Il faut savoir que le show des élections en Iran est la vitrine du processus de la « démocratisation » du régime, le fleuron du « Modèle Iranien des Réformes » mais le régime de Khatami n'est pas une véritable république et les institutions tels que l'assemblée islamique ou les ministères n'ont pas de véritable autonomie (voir le glossaire sur ce site). Pour attester de la continuité de l'évolution du régime tyrannique des mollahs vers une démocratie de mollahs, le régime a besoin d'une participation massives des populations à ses initiatives institutionnelles.

L’idée du Boycott fait front à cette convoitise vitale de la République Islamique. C’est ainsi que naquit le Mouvement de l’Insubordination Civique, afin de donner aux iraniens les moyens de dénoncer le régime sans se mettre en danger : puisque que le régime feint des élections et qu’il insiste sur leur importance et que seul compte le taux de la participation, nous agirons en véritables démocrates et démontrons par notre abstention à l’opinion mondiale que nous voulons des vrais changements en Iran, un réferendum pour clore l’épisode noir de la République Islamique. Il y a là une richesse exemplaire dans ce Moyen-Orient où la violence prédomine, où pour s’extasier de la chute d’un Tyran, on sort tirer à l’arme automatique en l’air, où l’intifada est devenue un exemple de résistance. Les jeunes iraniens d’aujourd’hui, ces Enfants de la Révolution, ceux que nous appelons la Troisième Force n’ont rien connu d’autre que la violence, des exécutions sommaires sur des places publiques, des purges sanglantes et une justice qui flagelle, qui tranche des mains et des pieds au nom de Dieu, qui arrache au bistouri les yeux d’un condamné ou lapide des femmes parce qu’elles ont aimé.

Un quart de siècle d'oppressions et de guerre a façonné la société iranienne et plus particulièrement sa jeunesse. Elle vomit tout ce qui représente ce régime. Elle refuse son éthique qui justifie la violence. Elle condamne toute forme de terrorisme. Elle a choisi une voie pacifique et le jugement sans appel de l’abstention afin de dénoncer l’absence de légitimité du système politique islamique et pouvoir solliciter le soutien des citoyens Européens.

La répression qui sévit en Iran est aussi bien l'œuvre des conservateurs que des réformateurs. Ces derniers refusent d'accorder le statut de « prisonnier politique » aux jeunes iraniens arrêtés pendant les manifestations hostiles au régime.

Mes jeunes compatriotes comprennent mal le soutien que l’opinion française accorde à l’état et le gouvernement qui les oppriment et ils jugent avec sévérité la diplomatie française. Cette lettre est un plaidoyer pour attirer votre attention afin que vous, citoyens d’un pays libre, accordiez votre soutien à des êtres comme vous et non à des supposés défenseurs du peuple iranien (dont les idées sur la laïcité sont explicitement partisanes). Mes jeunes compatriotes vous lanceront leur demande de soutien par le boycott des pseudo-élections de Février 2004 et ils espèrent qu’ils seront cette fois entendus, soutenus, portés par un souffle de solidarité internationale.

LA REALITE DE LA VIE QUOTIDIENNE DES IRANIENS EN 2004 8 ans de guerre nous ont légué 1,000,000 de morts et 500,000 invalides à vie, des familles entièrement décimées, 85% des foyers iraniens vivent avec moins de 130 Euros par mois alors que le niveau du seuil de pauvreté est à 250 Euros et le salaire mensuel d’un ministre dépasse les 20,000 Euros ! Le chiffre officiel du chômage est de 15% mais en réalité il avoisine les 40% (55% des jeunes). Une très écrasante majorité de ces 40% sont des hommes. En effet on ne sait pas si ce chiffre hallucinant prend en compte l’inactivité forcée des femmes iraniennes à cause de la République Islamique qui leur barre l’accès à un très grand nombre d’études universitaires et à de nombreux secteurs professionnels.

Le taux de suicide des jeunes est le plus élevé du monde dont un grand nombre de suicides par immolation chez les jeunes filles. Cette jeunesse mal-aimée trouve un échapatoire à ses frustrations dans la toxicomanie. De récentes études officielles font ressortir que plus de 15 % des 9-25 ans sont des usagers des drogues dures !

Je vous laisse imaginer les terribles conséquences de ce fléau pour notre avenir comme la destruction du tissu social, les problèmes de natalité et les problèmes liés aux cas de contamination par l’usage des seringues infectées. Un deuxième chiffre alarmant concerne les femmes iraniennes. il y a aujourd’hui en Iran environ 900.000 mères célibataires, veuves, épouses d’invalides, épouses de toxicomanes ou simplement, femmes répudiées, sans aucune couverture sociale, réduites à subvenir aux besoins familiaux comme revendeuses de drogues ou comme prostituées.

L'Iran de 2004 est un vivier d'économies parallèles où chacun pioche ce qu'il peut sans égard pour les autres... Le système fait le bonheur de l’oligarchie religieuse au pouvoir. Elle gagne sur tous les tableaux, d’abord sur le détournement des fonds publics et ensuite sur ce que ce dernier engendre : pénuries, baisses des salaires, augmentation des loyers et augmentation des prix.

Absolument tout se monnaye sur les marchés noirs. Le marché noir et surtout le marché du travail au noir sont de véritables mines d’or pour les milieux d’affaires proches du régime. L’oligarchie religieuse au pouvoir a laissé se développer cette économie souterraine mafieuse à des fins d’enrichissements personnels et le système a l’avantage suprême d’accaparer le temps libre de la frange active de la société dans des occupations perpétuelles et gagne-misères qui anéantissent son énergie et l’empêchent de s’engager dans une lutte politique. L’Iran de 2004 est un champ de bataille, un chaos.

La révolte des étudiants depuis 1999 à nos jours est l'expression de la frayeur de cette génération terrorisée par de si sombres perspectives d'avenir où toute opportunité est laminée par cette toxicomanie devenue banale, par la délinquance devenue règle, par la faillite économique et l'émergence d'une grande pauvreté omniprésente et d'une précarité durable touchant plus de 85% de la population. Le mouvement estudiantin est le Mouvement de la Jeunesse Iranienne.

A l’université où se ils retrouvent, bien plus que des réponses, les jeunes iraniens ne trouvent que des incertitudes. Cette élite qui doit préparer l’avenir ne pressent que faillites et désespoirs. L’Iran de 2003 est un pays accablé de mille handicaps, partagé entre des envies de révolte et l’envie de rien. Tel est l'humiliant constat des Enfants de la Révolution : Inquiétudes, Frustrations, Désespoir et précarité. Ce sont eux, les Enfants de la Révolution, ces « sans droit ni devoir » qui ont embrasé les universités et non pas cette institution largement islamisée qui aurait forgé des esprits rebelles. Les universités ont juste eu l’avantage d’être des lieux de concentration de la jeunesse. Depuis 2002, la lutte est ouverte et elle déborde des universités, la contestation se précise et les slogans aussi : ils sont maintenant hostiles aux deux pôles du pouvoir.

Et cette génération née après la Révolution éprouve une amertume et des rancoeurs tenaces et palpables contre la République Islamique et sa gestion desastreuse mais aussi contre les états qui entretiennent des relations commerciales et une entente cordiale avec ce pouvoir corrompu et pervers sans égard pour sa déchéance. Le reste vous le connaissez.

Confrontés à l'indifférence de l'Union Européenne notamment à celle de la France à prendre le parti du peuple iranien, confrontés à l’empressement de la diplomatie française à proumouvoir la factice Perestroïka du régime, réalisant notre impuissance à échapper aux répressions et aux arrestations arbitraires, constatant que les pays partenaires de la République Islamique nous refuseront continuellement leur soutien diplomatique au point de refuser d’admettre l’existance d’une mouvement laïc en Iran ; nous avons changé de tactique pour éviter d’inutiles victimes supplémentaires.

Nous avons alors lancé le programme de l’Insubordination Civique afin d’éviter d’exposer nos misérables compatriotes à d’autres répressions. Le reste vous le connaissez : le 28 Février 2003, le Boycott des « pseudo-élections islamiques » par 93% des iraniens. Juin 2003: révoltes estudiantines et grèves escargots des automobilistes iraniens afin de freiner les mouvements des troupes des forces anti-émeutes. Les iraniens ont compris les mécanismes de l'Insubordination Civique et ils s'appliquent à réinventer de nouvelles techniques de résistance pacifique!

Forts de leur victoire de Février 2003, les iraniens rêvent aujourd’hui de reprendre le flambeau de l’Insubordination Civique en 2004 et d’infliger une nouvelle défaite à la République Islamique. Ils espèrent que cette fois, l’Union Européenne prendra l’initiative d’imposer un embargo à la République Islamique pour contribuer à vider les caisses de l’état islamique et ainsi contraindre les mercenaires qui les soutiennent à les lâcher. Seront-ils entendus par l’UE ? Le Président Chirac affichera-t-il la même satisfaction qu’au côté de Shirin Ebadi ?

Le «Dialogue Critique» instauré par la diplomatie française a donné lieu à des relations économiques fleurissantes et sans conteste c'est une réussite. Cette réussite éclatante du commerce extérieur français est ressentie comme une agression par la population en Iran car il n'y a pas de redistribution des richesses et la situation économique de la population est catastrophique.

Il y a un grand ressentiment "anti-gouvernement français" en Iran. Ce ressentiment "anti-français" est dû à la volonté appuyée de la diplomatie française de se croire obligée de distinguer sans cesse les conservateurs des réformateurs et reproduire avec véhémence un schéma qui ne trompe plus personne en Iran.

• Les iraniens ont la désagréable impression que l’état français donne des gages de "libéralisation" au régime des mollahs pour justifier sa présence commerciale en Iran.

Les relations franco-iraniennes pourraient en souffrir dans le cas d’un changement de régime en Iran ou même dans le cas prévisible d’un rapprochement de l’état islamique avec les Etats-Unis comme cela était paru possible sous l’administration démocrate de Clinton. N’est-il pas plus avisé d’appliquer une vraie politique critique « d’Observation et de Sanctions » à l’égard de la République Islamique et une « Politique d’Écoute » à l’égard de l’opposition laïque (qui sera appelée à prendre le relais) pour préparer l’avenir ? Cette question s’adresse aux hommes politiques français qui doivent dessiner les contours de la diplomatie française des 20 ou 30 prochaines années mais aussi aux citoyens français qui élisent leurs dirigeants.

Une « POLITIQUE D'ECOUTE » à l'égard de l'opposition laïque
Chers Citoyens Français ! Les iraniens ont foi en votre idéal de liberté incarné par la déclaration universelle des droits de l’homme. Ils adressent leur appel aux descendants des philosophes du siècle des lumières mais aussi aux descendants des résistants qui ont libéré leur pays des ténèbres, il y a si peu de temps. Les iraniens sollicitent votre engagement à leurs côtés.

Vous avez été enthousiasmé par l’attribution du Prix Nobel de la paix à une iranienne mais hélas Shirin Ebadi a multiplié les déclarations contraires à l’universalité des droits de l’homme, contraires à la laïcité. Si vous jugez les iraniens dignes d’une démocratie laïque telle que la votre, accordez-leur les mêmes prérogatives que celles dont vous disposez en France, la même liberté d’expression.

Le droit d’un simple citoyen de mettre en doute la sincérité d’un homme public. Si un homme ou une femme politique français avait fait ce genre de déclaration, vous auriez très certainement douté de sa probité, faîtes-en autant pour les iraniens, du moins accordez-nous la confiance que vous avez généreusement accordé à la lauréate du prix Nobel. Les récentes déclarations (1) de cette dernière et aux « réformateurs » à propos de la défénse de la laïcité dans votre pays, nous choquent autant qu’elles peuvent vous surprendre.

C’est pourquoi, nous vous prions de nous accorder cette confiance sur la base de déclarations claires et sans ambiguïté, sans langue de bois et non sur une supposée bonne foi. Nous ne vous demandons pas de blanc seing mais une confiance mutuelle pour rebâtir des liens distendus par une diplomatie française que nous tenons pour humiliante vis à vis de ces 85% de miséreux de notre pays. En nous accordant une confiance mesurée et attentve, vous désarmeriez les manipulateurs d’opinions, des chantres du « Dialogue Critique » aux émules de Tariq Ramadan qui évoquent la liberté de conscience au mépris de l’universalité des droits de l’homme.

Nous voulons que vous nous accordiez votre confiance et votre soutien sur la base de déclarations claires et sans ambiguïté : nous estimons que la démocratie est un modèle universel indissociable de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et par conséquent qu’une justice basée sur la loi islamique de la Sharia et en contradiction avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, nous invite à considérer ceux qui acceptent la Sharia comme étrangers à ce modèle universel. Shirin Ebadi est une de ceux-là.

Contrairement à elle, nous sommes révoltés par les lois de la Sharia, fussent-elles les lois de notre pays et contrairement à elle, nous croyons à l’efficacité des manifestations et de l’abstention et reprenons à notre compte ces mots d’Etienne de la Boétie. « Et pourtant ce tyran, seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni même de s’en défendre ; il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à la servitude. Il ne s’agit pas de lui rien arracher, mais seulement de ne lui rien donner. Qu’une nation ne fasse aucun effort, si elle veut, pour son bonheur, mais qu’elle ne travaille pas elle-même à sa ruine » (Extraits du Discours de la Servitude Volontaire).

Privés des libertés les plus élementaires, nous avons une très haute opinion du futur régime iranien, nous avons décidé d’y parvenir par une action pacifique et démocratique et nous estimons que votre place est à nos côtés et non aux côtés de mystificateurs qui vous entrainent dans leur chute. Les intérêts suprêmes du peuple français ne diffèrent en rien des intérêts suprêmes du peuple iranien. Aidez-nous à nous délivrer de ce cancer qui ronge nos vies, notre foi et nos espérances et vous verrez que l’Iran pourra être le modèle d’une véritable démocratie laïque pour ces millions de musulmans qui eux aussi ont le droit de jouir des mêmes libertés que vous. Au nom de la laïcité que nous chérissons, mobilisez-vous !

Nous avons besoin de vous pour convaincre ou encourager la diplomatie française de se désengager de ses liaisons pernicieuses avec la république islamique et ses mollahs menteurs et d’engager les français au côté du peuple iranien dans ce combat vital pour les valeurs que nous partageons : liberté, égalité, laïcité, car sans cette dernière aucune fraternité n’est possible entre les citoyens d’un même pays.

Le Dialogue Critique est un leurre mais nous existons, il faut compter avec nous.

Mobilisez-vous pour aboutir à une vraie politique critique « d’observation et de sanctions » à l’égard de la République Islamique et une « politique d’écoute » à l’égard de l’opposition laïque.

En février 2004, nous serons présents pour changer l'avenir de l'Iran, notre avenir. Ne nous oubliez-pas ! Ne nous laissez-pas tomber !

Vive la liberté, Vive la laïcité, Vive la démocratie.