Dans une interview exclusive publiée par Delphine Minoui, Kenneth Katzman de Rand Corporation et de Middle East Policy Council va plus loin que les mollahs eux-mêmes pour transposer le concept phare de la « lutte entre des modérés et des conservateurs », au sein des Pasdaran. Il y aurait selon lui d’une part des pasdaran méchants, idéologues et intégristes comme Ahmadinejad, et de l’autre, la vieille garde issue de la guerre Iran-Irak qui par son expérience du combat mesurerait le danger d’un affrontement avec les Etats-Unis, et pourrait agir en modérée et pragmatique.

Cette utilisation américaine du concept de la lutte entre des modérés et des conservateurs n’a pas le même objectif que le modèle original. Pour Téhéran, il s’agit d’un moyen pour retarder une entente indésirable pour négocier son contenu, alors que Washington, à l’inverse, il s’agit d’un moyen pour renouer le dialogue pour concrétiser une entente.

Téhéran et Washington sont en conflit, mais ils ont un point commun : tous les deux souhaitent parvenir à arrangement avec l’autre. Les Etats-Unis souhaitent un couloir d’accès sécurisé vers l’Asie Centrale via le territoire iranien et une emprise sur le Hezbollah, et Téhéran espère la fin des sanctions qui étouffent son économie.

A l’intersection de cet ensemble de conflits et d’intérêts se trouvent les Pasdaran, bras exécutif du régime chargé du territoire comme du Hezbollah, mais également impliqué dans la mise en œuvre du terrorisme, du nucléaire et du balistique : les trois activités sanctionnées par Washington.

Pour les Etats-Unis, le deal idéal serait une entente principalement avec ce bras exécutif. Pour y arriver, ils doivent maintenir un savant équilibre entre des accusations permettant de continuer les sanctions et des artifices d’analyse pour réhabiliter ses futurs alliés afin de vendre cette entente anxiogène aux citoyens américains. Cet artifice d’analyse est de parler de l’existence de deux types de miliciens : les conservateurs et les modérés… d’où l’expertise de M. Katzman !

Katzman pousse quand même le bouchon un peu loin en évoquant comme modèle de Pasdaran gentil : Mohsen Rezaï, un retraité (selon lui) qui revient aux affaires pour empêcher les dérives sectaires ! Téhéran adore la référence à la supposée lutte entre les modérés et les conservateurs et cette citation sur Rezaï conforme à l’identité politique officielle de ce personnage, d’où la diffusion par Delphine Minoui de cette expertise !

Un retour à la réalité s’impose. On peut par le lobbying convaincre les citoyens Américains qu’il y a des personnages sympathiques au sein de ce régime, mais cela ne changera pas les faits. Mohsen Rezaï est sous mandat d’arrêt international pour des attentats commis après la guerre Iran-Irak, période où il était supposé cultiver son jardin. Par ailleurs, il n’a jamais été un retraité puisqu’il est depuis 1988 membre du Conseil de Discernement, le véritable centre de décision du régime, et à ce titre responsable de toutes les décisions du régime depuis 20 ans sur le Hezbollah, le nucléaire et mêmes les excès verbaux d’Ahmadinejad pour rompre le dialogue.

Le seul gagnant de ce lobbying idiot qui réhabilite les vrais responsables du régime est bien sûr le régime. Merci Kenneth, et surtout, merci Delphine.

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Pour en savoir + :
 Iran : Erreur sur la nature de la lutte interne
 (22 JUILLET 2009)