Accueil > Articles > Rafsandjani et le remaniement du Conseil des Gouverneurs



Rafsandjani et le remaniement du Conseil des Gouverneurs
30.09.2005

Depuis l’instauration de la République Islamique en Iran, chaque fin de semaine a lieu la Prière du Vendredi (jour férié musulman). La Prière du Vendredi de la ville de Téhéran donne aux mollahs l’opportunité de faire des déclarations officielles dans un cadre officieux.



L’orateur n’est pas toujours le même et son choix dépend du message que le régime tente de faire passer. Dans le système de la République Islamique, les oraisons religieuses sont nettement plus importantes que les débats de l’Assemblée Islamique (appelée à tort, le Parlement).

Ainsi, le 14 décembre 2001, lors d’une prière de Vendredi, Rafsandjani avait déclaré que le jour où le monde musulman possèderait des armes nucléaires, la stratégie de l’Ouest serait caduque, « car une unique bombe atomique a le pouvoir de complètement détruire Israël, alors qu’une contre-attaque israélienne ne peut causer que des dégâts mineurs au monde musulman ».

Aujourd’hui, vendredi 30 septembre, c’est encore lui, Rafsandjani, qui était le prêcheur de la Prière du Vendredi.

Il y a à peine deux jours, le 28 septembre, l’Assemblée Islamique décidait à une large majorité de retirer l’Iran du Protocole Additionnel au Traité de Non Prolifération. Or cette décision doit être validée par le Guide Suprême et le Conseil des Gardiens (sorte de Sénat de mollahs, mais rien à voir avec les Pasdarans, Gardiens de la Révolution).


Il y a une série d’institutions qui invalide les décisions du « Parlement ». L’intérêt de cette procédure est de donner l’illusion d’une démocratie islamique et en même temps de conserver le pays dans son état, c’est-à-dire immobile.

Cette multiplication d’interlocuteurs et d’intervenants ajoute à l’opacité du centre de décision en Iran. Personne ne peut savoir qui décide vraiment en Iran. D’un côté, il y a le président, les ministres et les parlementaires qui rencontrent les représentants d’autres pays et d’un autre côté, il y a les autres qui ont autorité à invalider les décisions du premier groupe.

Dans le cas du dossier nucléaire, le temps semble être un élément très important pour les mollahs. En l’occurrence, il désire faire traîner la procédure pour se préparer à un débarquement des inspecteurs de l’AIEA. Ils doivent déménager les centrifugeuses, cacher des tonnes d’UF6, effacer les traces d’uranium enrichi …

La procédure ne se résume pas aux relations entre l’Assemblée Islamique, le Guide et le Conseil des Gardiens. Devinez quoi, une autre institution peut entrer à tout moment en scène. Le Conseil de Discernement du Bien de l’Etat qui fait office d’arbitre dans les conflits entre l’Assemblée Islamique et le Conseil des Gardiens, sachant que le Guide Suprême a le dernier mot et peut éviter ces (inutiles ?) pertes de temps !

Le Conseil de Discernement du Bien de l’Etat, qui dessine la politique générale de l’Iran dans tous les domaines, est présidé par Rafsandjani.

Nous vous faisions remarquer que depuis le début du mois de septembre, la république islamique avait mis en avant le Président [1] et ensuite le Parlement et maintenait sournoisement en retrait le Guide Suprême, mais aussi Rafsandjani. Nous vous disions qu’il était prévisible qu’ils interviendraient pour annuler ou ratifier les décisions du Président ou du Parlement.

On vient de franchir la première étape de cette phase avec les déclarations de Rafsandjani, lors de la Prière de Vendredi du 30 septembre.

« Le Nucléaire est vital pour notre pays. Nous n’accepterons pas de Capitulation, la technologie nucléaire est notre droit et nous avons prouvé notre désintérêt pour les aspects militaires de cette technologie. Nos interlocuteurs sont convaincus que ceci n’est pas notre droit, nous pensons le contraire. Il n’y a aucune marge de manœuvre et nous devons mettre au clair cette affaire. Si les pays qui sont opposés à la République Islamique désirent nous faire peur avec ces multiples résolutions, ils doivent savoir que nous agirons de sorte que notre pays puisse disposer de cette technologie. La voie de l’affrontement ne sera pas pour eux comparable à une autoroute mais un chemin miné qu’ils ne s’y engagent pas. Nous avons les moyens de les combattre. »

Les opposants iraniens pensent que Rafsandjani évoque la possibilité de frappes terroristes à Londres ou dans les pays qui voteraient le transfert du dossier au Conseil de Sécurité.

Rafsandjani a ajouté que le régime avait été isolé et a déclaré : « Nous devons être en mesure d’assurer la sécurité de la région et des pays musulmans et nous avons besoin de leur soutien. »

Il est prévisible qu’au cours de la semaine prochaine le régime organise d’autres manifestations « d’étudiants » avec leurs cérémonies de drapeaux incendiés, de slogans hostiles à l’occident et en ayant prévenu les reporters présents en Iran afin que les images « du peuple » se battant pour son droit au nucléaire fassent le tout du monde.

Il est essentiel de faire traîner la procédure. Donc dans un premier temps, les douze vieillards du Conseil des Gardiens vont débattre et donner leurs avis, les « parlementaires » répliqueront, des dissidents prendront la parole, des mollahs ou Pasdarans leur emboîteront le pas, Rafsandjani et le conseil du Discernement débattront à leur tour avec des volte-face et des déclarations sensationnelles, le tout pour remettre au plus tard la décision finale. Le tout pour attendre le remaniement du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA qui doit faire entrer quelques non-alignés de plus dans cette assemblée.

La république des mollahs doit éviter d’être soumise à des sanctions si elle veut survivre [2]. Cependant, il n’est pas acquis que le remaniement du Board (Conseil des Gouverneurs) résoudra les problèmes des mollahs et leur évitera le transfert, la saisine et les sanctions.

Il est donc primordial que les Etats-Unis et les Européens soient vigilants et ne laissent pas les mollahs. Au cours des deux dernières années, les mollahs ont manipulé la troïka en utilisant les mêmes procédures, mais les intérêts de l’UE en Iran sont en jeu et les Européens sont hésitants.


Il faut que les Européens gardent en mémoire les paroles de Rafsandjani, l’homme sous mandat d’arrêt international, il déclarait l’année précédant la découverte des activités atomiques secrètes :

« …le jour où le monde musulman possèderait des armes nucléaires … la stratégie de l'Ouest serait caduque … »

[2Les mollahs et les Sanctions : Les mollahs ont-ils peur ?.