On peut parler de rumeurs car personne n’a pu visiter le site de Natanz depuis le 22 février 2003, date de l’achèvement des bâtiments vides. Cette thèse de propagande sur le savoir faire nucléaire 100% iranien est d’autant plus dénuée de vraisemblance que Téhéran n’est même pas en mesure de tester des équipements nucléaires de la centrale de Bouchehr pour les mettre en marche sans l’aide des russes.

La rumeur de Reuters, sur la foi des « confidences de diplomates de l’AIEA ayant requis l’anonymat » est d’ailleurs un bis. Le 8 février, Reuters avait évoqué le cas de ces super-centrifugeuses et le 18 février, le régime avait reconnu être à l’origine de cette rumeur !

Et comme nous l’avions affirmé dès le 8 février, ces supposées centrifugeuses soi-disant développées par le savoir faire 100% local ont été mentionnées dans le rapport d’El Baradei. C’est en se basant sur ce genre de rumeurs de propagande qu’El Baradei ne cesse d’affirmer qu’il faut admettre le savoir-faire nucléaire de l’Iran et renoncer à demander l’abandon des travaux de recherches iraniennes.

Aujourd’hui, la seule chose qui pourrait aider les mollahs est une double reconnaissance de leur rôle régional en Irak comme de leur savoir-faire nucléaire 100% iranien. Cette double reconnaissance rendrait caduques les sanctions unilatérales appliquées par les américains et permettrait de s’acheminer vers des négociations multilatérales pour conclure une entente avec les mollahs, partenaires commerciaux de la Russie et de l’Europe et de la Grande-Bretagne (qui est dans un cas particulier notamment en raison de l’influence qu’elle exerça en Iran au XIXe et au XXe siècles ; et de ses liens historiques avec le clergé chiite iranien).

Il s’avère que Reuters joue un rôle prépondérant pour diffuser des articles ou expertises très favorables à cette multi-reconnaissance. Les allégations de la dépêche de Reuters sur ces super-centrifugeuses sont d’ailleurs très prudentes et uniquement formatées pour reconnaître le savoir faire nucléaire 100% iranien des mollahs mais pas une éventuelle utilisation de ces appareils à des fins militaires, car la rumeur pourrait alors être synonyme d’un renforcement des sanctions américaines. C’est pourquoi, Reuters affirme que les mollahs ont effectivement construit ces bijoux technologiques mais qu’ils n’ont pas pour autant commencé à enrichir de l’uranium avec. Il convient donc d’être prudent vis-à-vis des dépêches de Reuters dont le contenu relève du lobbying plus que de l’information.

Conséquences sur la crise iranienne | Il en résulte rétrospectivement que nous devons revoir notre jugement sur El Baradei, ce dernier n’agirait pas pour le compte de la Ligue Arabe comme le prétend Bruno Tertrais mais pour la Grande-Bretagne, ex-puissance coloniale en Egypte, pays d’origine d’El Baradei. En revanche, Tertrais est membre du think tank pro-britannique International Institute for Strategic Studies (IISS), et c’est dans les habitudes britanniques de tailler des habits d’anti-britanniques à leurs collaborateurs (comme El Baradei) pour les laisser agir en toute liberté.

On ne peut pas savoir si Tertrais a été manipulé ou pas mais cet alignement d’El Baradei sur la Grande-Bretagne et non sur les mollahs ou la Ligue Arabe donne une autre couleur à son rôle dans la crise ainsi qu’au rôle joué par les britanniques.

Cette tendance lourde de soutien britannique à une entente avec les mollahs est avant tout une mauvaise nouvelle pour les américains et leurs Chalabis. De ce point de vue, elle écarte le danger séculaire de la balkanisation de l’Iran et pourrait même contribuer à une refonte (tardive ?) de la politique iranienne des républicains américains.

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