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Iran : Jérôme Monod est un myope volontaire !
11.02.2008

Marie-claude Descamps, l’envoyée spéciale du Monde en Iran a une spécialité journalistique : poser la question voulue par les mollahs en lui appliquant un verni d’impertinence afin que l’on pense à une question gênante ! Marie-claude Descamps devrait breveter sa méthode car Jérôme Monod vient de plagier cette méthode sous la forme d’un carnet de voyage d’un patron français en Iran.



Jérôme Monod, 78 ans, ex-PDG de la Lyonnaise des eaux, ancien conseiller de Jacques Chirac et son président d’honneur de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) est allé à la rencontre des Iraniens, nous annoncent Sophie Fay et Sixtine Léon-Dufour du Figaro.

« Nous n’avons pas rencontré les dirigeants iraniens. Notre objectif n’était pas de faire des prévisions sur les décisions qu’ils prendront, nous voulions plutôt saisir sur le vif les aspirations d’une société qu’ils ne peuvent ignorer », déclare pompeusement Monod.

Mais seulement voilà, il dit faux et il applique la méthode Marie-claude Descamps ! Ce cher Jérôme et son ami Frank Débié (DG de la Fondapol) sont surtout allés à la rencontre de Khatami qui exerce des fonctions élevées au sein du régime. En plus, cela tombe bien car actuellement le régime des mollahs fait semblant d’organiser des élections et Khatami y joue un rôle médiatique très important. Les péripéties qui entourent ces élections sont censées prouver l’existence d’une certaine forme de démocratie en Iran et Khatami incarne cette démocratie. Monod et Débié ont également rencontré d’autres mollahs ou des bazaris amis du pouvoir mais le cœur du récit est de flatter le régime et ses soi-disant réformateurs.

En bon candide, ce cher Jérôme a posé une question clef à chacun de ses interlocuteurs, et il a sagement rapporté les réponses de ces derniers. Nous avons malheureusement une fois de plus droit à des tribunes libres confiées à des mollahs.

Ainsi, Jérôme a posé une question sur la démocratie à Khatami et ce dernier lui a débité un très joli speech sur le sujet. C’est encore la méthode Marie-claude Descamps : une question qui nécessite une longue réponse philosophique et abstraite jamais suivie d’une seconde question contrariante et concrète sur le même sujet. Pourtant il y avait de quoi répondre à Khatami, et lui rappeler que son bilan humain et politique ne colle pas avec ses beaux discours. Il a ainsi oublié -quel amnésique ce Jojo !- de lui poser des questions sur par exemple l’inflation qui a été aussi élevée sous Khatami que maintenant.

Mais l’objectif de Jérôme Monod n’était pas de clarifier notre vision de l’Iran qui souffre, mais de tendre un micro complaisant aux hommes en vue du régime afin qu’ils adoucissent par des propos modérés et abstraits l’image de ce régime qui est un grand partenaire économique de la France.

« La mondialisation nous force à chercher le développement. Ce dernier nous oblige à la démocratie. L’exigence de démocratie nous conduit à chercher de nouveaux modèles de démocratie qui correspondent à l’histoire de notre pays. Les modèles européens fondés sur les idées du XVIIIe siècle ont des choses à nous apprendre. Mais ils ne nous correspondent cependant pas entièrement. Nous sommes obligés d’inventer autre chose », a déclaré Khatami, qualifié d’« homme intègre, esprit rigoureux, homme ouvert sur le monde » (page 24 du récit). Il pourrait presque donner des conseils sur l’innovation politique à Monod lui-même !

Plaisanterie à part, dans cette opération de relookage, rien n’a été laissé au hasard : Jérôme Monod et Franck Debié étaient en Iran du 5 au 16 janvier, mais leur récit est publié à la veille de l’anniversaire de la révolution islamique.

Comme la date de sa publication, son contenu est choisi, les interlocuteurs dûment sélectionnés et présentés comme des modérés, modernes et réalistes. Par ailleurs, le contenu du récit reste très conforme aux attentes actuelles du régime des mollahs. Le texte est agencé de manière à attribuer la pauvreté uniquement à Ahmadinejad : les prix ont été multipliés par deux depuis deux ans et il y a aussi depuis quelques années seulement des enfants de rue et un tiers de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté.

Cependant comme l’objectif est d’adoucir l’image du régime, après un court passage sur les pauvres (des chômeurs qui seraient moins d’un tiers), Monod consacre plusieurs paragraphes à la qualité des hôpitaux iraniens. C’est étonnant puisque pour attirer la foule à la manifestation de la célébration de la révolution islamique, le régime a promis des soins gratuits tout au long du parcours de manifestation et non une journée de soins gratuits dans ses jolis hôpitaux. La raison : ces hôpitaux sont prioritairement réservés aux gens du pouvoir, mollahs, pasdaran, riches bazaris et même les militants du Hezbollah ou du Hamas. Cette méthode de visite organisée et encadrée rappelle la méthode utilisée par le pouvoir albanais du temps du rideau de fer pour séduire les intellectuels communistes d’occident qui admiraient l’autosuffisance de cette petite république semi-soviétique.

En règle général, ce qui manque dans ce carnet de 48 pages est de la distance, mais aussi des détails concrets comme les salaires des iraniens y compris ceux des médecins de ces hôpitaux et les coûts élevés des soins : bref, un vrai regard fouilleur d’un patron entrepreneur qui veut comprendre et un regard critique d’observateur politique qui veut au retour informer ses propres concitoyens et autres patrons.

Le carnet de Jérôme Monod n’est pas le résultat d’un regard de patron, mais celui d’un myope volontaire qui fait du lobbying pour relooker un régime impliqué dans les affaires de terrorisme et des crimes barbares comme la lapidation.

Relookage général | Ce relookage ne concerne pas uniquement Khatami ou les hôpitaux du régime, il y a aussi un relookage des ayatollahs en général, un relookage des bazaris, de la difficulté existentielle d’être un marchand. Dans des portraits choisis, Jérôme Monod parle de ces hommes qui se font du souci pour l’Iran et la démocratie !

Ainsi au rayon ayatollah, Monod nous parle d’un certain ayatollah Makarem Chirazi qu’il présente comme un puits de savoir et de justice. Notre candide lui demande sa vision de l’islam. Makarem Chirazi se lance alors dans un discours très CNRS : « Quel rôle pour l’islam dans la société ? Il règne en Occident une vision appauvrie de l’islam. On y entretient l’impression que l’islam et la modernité s’excluent l’un l’autre. Or, l’islam a beaucoup de réponses à apporter aux problèmes de la modernité. […] Ce que pensent vos dirigeants, je ne le sais pas. Mais j’espère qu’il y aura des hommes de bonne volonté qui accepteront de venir à nous, de nous connaître et de nous comprendre. Nous les attendons. »

Toujours cette promotion du dialogue avec les modérés, mais manque de pot pour notre relookeur myope, Makarem Chirazi, « cet homme fin, ouvert sur le monde, conservateur et libéral à la fois » [1], est surtout connu pour sa récente fatwa autorisant l’homme à taper son épouse !

C’est un véritable travail de myope volontaire, mais aussi de lobbyiste sans scrupule et prêt à débiter n’importe quoi pour plaire à ses commanditaires mollahs : éloge d’une démocratie islamique, page 13, éloge de la tolérance religieuse des mollahs envers les minorités religieuses, page 16, qualité de l’air et de l’eau à Téhéran, page 18, amélioration de la condition féminine, page 19, éloge de l’idéologie de la révolution islamique, page 36, éloge de l’administration et de l’intégrité des fonctionnaires (mollahs et pasdaran)...

Décidément, si les mollahs ont du mal à mobiliser les iraniens pour célébrer la révolution islamique, ils n’ont visiblement aucun mal à se dégotter des lobbyistes prestigieux en France.

Mais ce lobbying prestigieux a un prix : à l’avant-dernière page de l’étude publiée par la Fondapol, Monod et « ses amis iraniens » évoquent une possibilité de privatisation du secteur pétrolier iranien, la nationalisation du pétrole y est qualifiée de schizophrénie ! Pas étonnant que l’humaniste Monod ne parle pas, même une seule fois, des violations des droits de l’homme en Iran.

© WWW.IRAN-RESIST.ORG

| Mots Clefs | Resistance : Lobby pro-mollahs en France et ailleurs ! |

| Mots Clefs | Mollahs & co : Khatami |

| Mots Clefs | Institutions : Démocratie Islamique |

| Mots Clefs | Enjeux : Pétrole & Gaz |

[1Citation sur Makarem Chirazi | Aller en Iran – P. 13

cet homme fin, ouvert sur le monde, conservateur et libéral à la fois, nous a impressionnés par sa fermeté mais aussi par sa modération, sous le langage convenu de sa pensée. C’est d’abord un croyant, qui cherche dans la religion une voie pour la modernité. |

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