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Iran : La danse nuptiale contradictoire entre Téhéran et Washington
06.02.2008

Les américains et les mollahs ont prévu de se rencontrer à Bagdad pour des conversations très privées. Les deux cherchent à trouver une entente : Pour les mollahs, cette entente doit se traduire par leur maintien au pouvoir : l’opération passe par la reconnaissance de leur rôle régional. En revanche, pour les américains, c’est tout le contraire : Il leur faut un allié contrôlé en Iran (sans rôle régional positif ou négatif), juste un allié car celui qui contrôlera l’Iran, contrôlera le goulot du Golfe Persique et l’accès à l’Asie centrale, c’est-à-dire qu’il aura la mainmise sur la majeur partie du pétrole du monde. La divergence de vue sur le contenu de l’entente est donc à l’origine d’une danse nuptiale contradictoire.



En effet, les mollahs font tout pour revendiquer un rôle régional qui passe par leur soutien à tous les mouvements terroristes en guerre contre les Etats-Unis et ses alliés (Israël, Afghanistan, Irak) et les américains font tout pour le leur nier. Une reconnaissance d’un rôle régional quelconque est contraire à leur objectif de contrôler l’Iran et de plus s’ils reconnaissaient le rôle terroriste des mollahs et leurs liens avec Al Qaeda, toute entente deviendrait politiquement incorrecte et impossible à justifier puisque, officiellement l’Amérique est en guerre contre le terrorisme et non en quête d’entente avec ce fléau. C’est pourquoi les américains se gardent d’accuser les mollahs et ne cessent de chercher des formules pointues pour accorder à demi-mot la reconnaissance exigée par les mollahs sans pour autant les relier aux assassinats des soldats américains en Irak.

Ainsi, au cours de ces derniers jours nous avons eu droit à quelques roucoulades inédites de cette danse nuptiale très particulière. Le 2 février 2008, Zalmay Khalilzad, actuel ambassadeur américain aux Nations unies et précédent ambassadeur américain en Irak et en Afghanistan a reconnu que« l’Iran avait tiré profit des invasions américaines en Irak et en Afghanistan ».

Belle formule médiane qui accorde un peu aux mollahs sans trop tirer sur l’administration Bush à l’origine de ce fait. Zalmay Khalilzad a limité le renforcement du rôle de l’Iran à ces liens (sans doutes platoniques - ndlr) avec les chiites irakiens sans les relier aux djihadistes sunnites également financés par Téhéran. En revanche, son explication est devenue d’une chorégraphie plus libre en ce qui concerne le soutien apporté par les mollahs aux Talibans. Il a écourté les explications car une reconnaissance explicite de ce lien n’est pas dans l’intérêt des américains. Pour meubler ses propos, il a parlé d’un renouveau de relations commerciales entre l’Iran et l’Afghanistan, ce qui n’a rien à avoir avec un rôle régional géopolitique. Ces propos de Khalilzad n’ont guère plus à Téhéran.

Le 4 février, 2 jours après cette prestation peu satisfaisante de Khalilzad, Larijani, qui avait convoqué une conférence de presse pour évoquer les capacités balistiques du régime, a tenu des propos très explicites sur le rôle régional des mollahs en Irak et en Afghanistan. Il a reconnu le soutien militaire aux ennemis (les américains) et s’est félicité que Téhéran ait « pu effrayer les ennemis ». Ce fut sans doute la conférence de presse la plus chargée de sous-entendus sur les capacités de nuisances régionales des mollahs.

Malgré son cynisme, cet aveu sur l’aide aux talibans et les combattants irakiens (tous deux sunnites) est un appel de pied aux américains qui signifie : nous sommes à l’origine de vos échecs militaires dans ces deux pays qui vous intéressent, vous devez nous reconnaître comme l’arbitre du chaos et vous résoudre à nous consulter pour mettre fin à ces échecs militaires qui se solderont par de prochains échecs électoraux.

Au lendemain de ces propos dangereux, Washington a dû trouver un moyen pour calmer le jeu car entre temps, Bush avait vivement réagi au test balistique délibérément anxiogène des mollahs. Il fallait calmer le jeu sinon adieu une rencontre avec les mollahs turbulents. Qu’à cela ne tienne : deux commandants américains en Irak ont affirmé que l’Iran n’intervenait en aucune manière dans les affaires irakiennes.

Ron Ward, lieutenant-colonel de l’état-major américain dans la province de Diali en Irak a déclaré : « Durant mes 10 mois de présence ici, j’ai n’ai jamais vu des activités hostiles venant de l’Iran ». Et le major Scott Pettigrew, responsable du renseignement de l’armée américaine à Diali, a en plus rejeté catégoriquement tout lien entre l’Iran et Al Qaeda. Pettigrew a souligné : L’Iran n’avait jamais envoyé ni argent ni même un seul agent en Irak. Précision utile, car aujourd’hui Mike McConnell le patron des renseignements américains a reconnu qu’Al Qaeda avait augmenté ses capacités de frappes sur le sol américain.

Cependant en cherchant à gommer les liens avérés entre les mollahs et Al Qaeda et à diminuer la menace des mollahs dans l’opinion publique afin de justifier une rencontre, les lieutenants-colonels de l’état-major ont également court-circuité les propos finement tournés de Khalilzad.

Etait-ce voulu ou s’agissait-il de corriger les propos de Khalilzad qui auraient pu laisser suggérer l’existence d’un lien entre les mollahs et Al Qaeda ? Nous n’en saurons rien, mais ce qui est certain c’est que les réglages de la danse nuptiale contradictoire entre les mollahs et les Yankees exigent beaucoup de doigté. En cherchant à provoquer les américains, les mollahs ont contribué à ruiner l’approche de Khalilzad. Mais ce ne sera pas la fin de cette danse nuptiale entre l’aigle amoureux et le phacochère à poils ras, l’aigle américain trouvera le moyen de plaire à son partenaire facétieux et exigeant.

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