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Nouvel Obs | Kouchner en Irak
22.08.2007

Etant donné la nature du rapport de force sur le terrain, la capacité de la France à influer est réduite. Les Etats-Unis et l’Iran se livrent un combat sans merci par pays interposés, et la France n’est pas en mesure de négocier beaucoup car elle doit le faire à travers le Haut représentant de la politique étrangère de l’UE, Javier Solana. Son indépendance est donc proche du néant.



Justine Charlet | Que vise à montrer la visite surprise de Bernard Kouchner en Irak ? La jugez-vous cohérente avec ses positions précédentes sur la question ?

Sa visite surprise est destinée à montrer que la diplomatie française tente d’exister sur un dossier où elle reste encore hors-jeu. Le conflit irakien est un conflit régional avant d’être un conflit international. Deux camps, deux alliances s’affrontent : les Etats-Unis, Israël, le Liban et le gouvernement irakien d’un côté, et l’Iran, la Syrie, le Hezbollah, le Hamas et la rébellion chiite en Irak de l’autre. La diplomatie française, face à cette situation, a très peu de marge de manœuvre.

Le gouvernement de Jalal Talabani est de son côté un gouvernement en sursis. Jalal Talabani est en effet coincé entre l’enclume et le marteau, entre Washington et Téhéran.

Etant donné la nature du rapport de force sur le terrain, la capacité de la France à influer est réduite. Les Etats-Unis et l’Iran se livrent un combat sans merci par pays interposés, et la France n’est pas en mesure de négocier beaucoup car elle doit le faire à travers le Haut représentant de la politique étrangère de l’UE, Javier Solana. Son indépendance est donc proche du néant.

En se rendant en Irak, Bernard Kouchner a fait un grand écart, qu’il assume parfaitement, et avec une grande aisance, mais ses interlocuteurs doivent penser à ses positions prises précédemment. Il y a un désir d’exister chez le ministre des Affaires Etrangères qui relève de la communication. Ça ne grandit pas la diplomatie française.

Justine Charlet | Peut-on s’attendre à une implication nouvelle de la France dans la guerre civile qui frappe le pays ? De quelle nature : financière, par un envoi de troupes ?

La situation est tellement confuse... Certaines milices chiites sont directement soutenues par Téhéran qui peut faire en sorte, à tout instant, que le conflit se durcisse. Paradoxalement, l’Iran soutient aussi les milices sunnites pour ne pas laisser l’Irak aux mains des monarchies arabes. De son côté, le milicien chiite Moqtada al-Sadr prône le départ de l’armée américaine mais redoute le vide qu’elle laissera. Le conflit est donc ingérable. Au moment même où la plupart des gouvernements européens prennent leurs distances avec les engagements des Etats-Unis en Irak, il serait abracadabrantesque que la France puisse envisager d’y envoyer des troupes. A moins que l’Union européenne ne fasse un appel du pied à l’ONU pour une implication de casques bleus afin de tenter de stabiliser le pays, mais ce serait un piège, un bourbier pour la France. Quant à une aide financière, cela ne paraît pas plus plausible. 400 milliards de dollars ont été dépensés dans la guerre et seulement 8 milliards ont alimenté la reconstruction. Il y a eu beaucoup de gaspillage et de détournements. Donner de l’argent à un pays qui n’est pas stable et qui tend à se régionaliser ne paraît pas vraisemblable.

Justine Charlet | La brouille franco-américaine, après les visites de Bernard Kouchner et celle de Nicolas Sarkozy à George w. Bush, est-elle enterrée ?

Le test du réchauffement des relations franco-américaines ne sera pas l’Irak mais l’Iran. Les Américains ont l’intention de durcir les relations avec les Iraniens. A aucun prix les Iraniens ne doivent avoir l’arme atomique, or l’Iran progresse. Or si les Etats-Unis décident de bombarder les sites nucléaires et les sites militaires qui apportent une aide logistique à certaines milices irakiennes, est-ce que les Français approuveront ce type d’actions ? C’est une question cruciale. La véritable échéance, qui satisfera George Bush, est ici. Ce sera le comportement de la France dans cette épreuve de force qui servira d’indicateur réel des relations franco-américaines.

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Pour en savoir + sur Javier Solana :
- Iran : A propos des déclarations de Solana
- (4 juillet 2007)

| Mots Clefs | Décideurs : Kouchner |

| Mots Clefs | Pays : France (diplomatie Française) |