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Libération | Liban : brutalités et tensions entre sunnites et chiites
01.03.2007

Des blindés stationnent en permanence dans les quartiers mixtes de Beyrouth.
- Par Isabelle DELLERBA
- QUOTIDIEN : jeudi 1 mars 2007



Déménager. Au plus vite. C’est l’obsession des époux Zakkawi, qui habitent Zekak el-Balat, l’un des nombreux quartiers mixtes de la capitale libanaise « Nous avons peur, explique l’époux. Ma femme n’ose plus sortir. Jamais nous n’aurions pensé que les relations entre musulmans se dégraderaient à ce point là. »

Fin janvier, alors que sympathisants pro et antigouvernementaux s’affrontent devant l’Université arabe de Beyrouth, des jeunes chiites de l’opposition apparaissent, armes au poing, au pied de leur immeuble et menacent leurs voisins sunnites.

« Je ne sais pas s’ils étaient membres du Hezbollah ou d’Amal, mais quand ils ont vu le drapeau du Courant du futur [le parti du député de la majorité, Saad Hariri, ndlr] pendu à notre balcon, ils ont sonné à l’interphone, se souvient Amine Zakkawi. Ils nous ont dit que nous avions cinq minutes pour le décrocher. Faute de quoi, ils viendraient brûler l’appartement. » La jeune femme, seule et effrayée, va se réfugier chez ses voisins. Ils forment un convoi de trois voitures et quittent la zone. A la nuit tombée, Khaled les rejoint dans la maison qu’il possède sur les hauteurs de Beyrouth. « Nous sommes restés là-bas dix jours, explique-t-il. Finalement, nous avons décidé de rentrer, mais avant j’ai acheté un pistolet pour pouvoir me défendre. Les autres sunnites de l’immeuble ont fait de même. » De la fenêtre du trois-pièces cossu, le cadre supérieur pointe du doigt la longue enfilade de buildings à majorité chiite où vivent les « terroristes ». « Je n’ai rien contre les chiites. Mon épouse est chiite. Ce n’est pas un problème de religion mais de politique. Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, refuse le dialogue. Avant, je l’admirais. Maintenant, je ne le supporte plus. Il veut tout. Les armes et le pouvoir. »

Interdiction de parler politique. Depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et plus encore depuis le conflit entre l’Etat hébreu et la branche armée du parti de Dieu l’été dernier, le très charismatique Hassan Nasrallah suscite la controverse. S’il reste pour ses partisans le symbole de la résistance libanaise, il est perçu par une majorité de sunnites comme un outil de l’Iran pour asseoir sa puissance régionale, propager sa révolution islamique et faire pression sur les Etats-Unis, Israël ou encore l’Arabie Saoudite. Il est également accusé de faire le jeu de la Syrie, qui chercherait à empêcher la création du tribunal à caractère international chargé de juger les meurtriers de Hariri. Employé dans une papeterie à Barbour, un quartier où cohabitent chrétiens, musulmans et druzes, Hicham ne comprend pas ces griefs : « Le Hezbollah s’est toujours battu contre Israël. Il n’est un agent de personne. Il défend le Liban et jamais il ne retournera ses armes vers l’intérieur du pays. » Comme lui, ses amis chiites réfutent tout aspect confessionnel à la crise, soulignant que l’opposition est également formée de sunnites et de chrétiens. « Aujourd’hui, nous faisons face à une volonté américaine de mettre le Liban sous tutelle, martèle notamment Mohammed, étudiant. Nous y résisterons ensemble et nous ne tomberons pas dans le piège de la division, qui servirait les intérêts israéliens. »

Malgré tout, les tensions entre musulmans sont telles que des blindés stationnent en permanence dans les zones mixtes de la capitale et les commerçants ont affiché des écriteaux « Interdiction de parler politique » dans leurs échoppes . « Dès lors que les sunnites soutiennent le gouvernement et les chiites l’opposition, la ligne de fracture est aussi confessionnelle, soupire un tailleur de Barbour, soulignant que la situation est d’autant plus explosive que le conflit entre nous est ancien et que sunnites et chiites s’entretuent déjà en Irak. » Pour calmer les esprits, le représentant d’Amal dans la zone visite des familles sunnites, druzes ou chrétiennes. Il les met en garde contre une approche communautariste des questions politiques mais admet que « les gens sont un peu nerveux ».

Champ de bataille. « Ici, plus personne n’ose sortir après 19 heures. Et la nuit, des groupes de jeunes montent la garde, des bâtons à la main, témoigne Rami, lycéen. Nous avons toujours l’impression que le moindre incident peut dégénérer en bataille rangée. Si nous recommençons à nous battre, ce sera catastrophique. De nombreuses familles sont mixtes et nous habitons les mêmes quartiers. » Pense-t-il que le Liban risque de plonger dans une nouvelle guerre civile ? « Cela dépendra de l’évolution des rapports entre l’Iran et les Etats-Unis, l’Iran et l’Arabie Saoudite ou encore l’Arabie Saoudite et la Syrie. S’ils s’entendent, tout se passera bien. Sinon, ils feront encore une fois du Liban un champ de bataille », répond l’adolescent. Sur ce point-là, tous les Libanais sont d’accord.

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