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Analyse : L’affaire de l’OPEP du Gaz perturbe les plans de Poutine
02.02.2007

Lors de sa conférence de presse annuelle du jeudi 1er février, le président russe Vladimir Poutine a trouvé « l’idée d’un OPEP du gaz, avec l’Iran et d’autres producteurs de gaz, intéressante ».



« L’OPEP du gaz est une idée intéressante. Nous allons y réfléchir », a déclaré le stratège du Kremlin. Les gros producteurs et exportateurs de gaz « essaient déjà de coordonner leurs efforts sur les marchés des pays tiers », a-t-il ajouté. Sans conteste, IRAN-RESIST a été le seul Think Tank qui a parlé d’une telle possibilité (création d’un Cartel des fournisseurs de gaz) en avant-première mondiale sur son site, mais ce qui est intéressant est que ce n’est pas Moscou qui a lancé l’idée mais Téhéran.

En effet, un peu à l’image des mollahs qui s’obstinent à prétendre que leur soutien au Hezbollah est purement spirituel, Poutine s’est toujours défendu de vouloir créer un Cartel d’exportateurs de Gaz comme il s’est défendu de vouloir créer plus vraisemblablement un Bouquet de réseaux de pipelines contrôlé par un seul Holding Russe enveloppant toutes ces compagnies énergétiques.

La crise nucléaire iranienne a été l’alliée de Poutine : cette crise a fait flamber les prix du pétrole et permit à la Russie de réaliser d’énormes bénéfices qui lui ont permis de rembourser ses dettes. Parallèlement, sous la direction avisée de Poutine et ses conseillers, la Russie a revu sa politique d’exportation militaire en effaçant les dettes de ses clients afin de les inciter à se réapprovisionner : ceci a permis à la Russie de devenir le plus gros exportateur d’armes du monde. Ce que nous avions vu et pressenti, c’est-à-dire une offensive méditée et parfaitement planifiée dans le domaine énergétique a finalement alerté les Etats Européens tardivement et ils ont réagi avec peu de finesse en choisissant, comme dans le cas de GDF, d’engager la Russie par des contrats d’approvisionnement pour des durées très importantes. Nous avions alors jugé cette politique très dangereuse car la Russie continuait de vouloir étendre son emprise sur les réseaux de pipelines qui alimentent l’Europe.

Au travers la crise gazière avec l’Ukraine, la Russie a pris le contrôle de 50% du réseau de ce pays, et plus près de nous, elle en a fait autant avec la Biélorussie. Cet état allié du Kremlin a même joué la comédie pour faire durer le suspense et « céder » dans le but de laisser croire que la Russie avait du mal dans son offensive énergétique. Mais la crise Biélorusse était une diversion car en même temps, Poutine a réussi à mener des négociations pour doubler le projet Nabucco et obtenir le droit de construire un oléoduc transitant par la Bulgarie.

La Bulgarie, la Grèce et la Russie sont parvenues à un projet d’accord pour la construction d’un oléoduc Bourgas-Alexandroupolis reliant la Mer Noire à la Mer Egée, a indiqué vendredi le gouvernement bulgare. Engagé en 1993, le projet d’oléoduc Bourgas-Alexandroupolis se heurtait notamment à la répartition des parts dans le consortium de construction.

La Bulgarie et la Grèce avaient finalement consenti l’an passé à laisser la majorité des parts à la Russie, comme Moscou l’exigeait. La Russie a acquis successivement la majorité des parts de plusieurs réseaux nationaux et à présent elle en construit de nouveaux sur le même modèle pour contrôler la globalité du réseau de l’approvisionnement de l’Europe.

En 2006, la Russie a augmenté sa présence énergétique en Europe tout en limitant légalement les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques de l’économie russe, notamment dans celui de l’énergie. Parallèlement avec l’aide des mollahs, elle a bloqué les projets de pipelines qui pouvaient briser l’enclavement géographique de l’Asie Centrale. La Russie a également passé un inquiétant accord énergétique avec l’Algérie, l’autre fournisseur de gaz de l’Europe, mais aussi avec le Venezuela. Certains états africains ont également été contactés. Ces rapprochements et accords ont été réalisés, tout en niant fermement la création d’une OPEP du Gaz qui engloberait des pays qui sont clients militaires et nucléaires de la Russie et ses concurrents gaziers.

Les déclarations de Poutine sont une réaction gênée. « L’OPEP du gaz est une idée intéressante. Nous allons y réfléchir »... Le maître de l’approvisionnement de l’Europe devait répondre à la provocation lancée par l’Iran et sa réponse est à l’image des relations bilatérales Iran-Russie.

La Russie a toujours jusque-là utilisé la crise nucléaire iranienne pour avancer ses pions un peu au mépris des objectifs de la république Islamique. Les mollahs en ont fait autant et utilisé cette crise ainsi que leur rapprochement avec la Russie pour faire céder les USA sans se soucier de leur partenaire Russe. L’année dernière, les Russes ont puni les mollahs quand ces derniers s’étaient trop approchés des Etats-Unis et s’apprêtaient à signer un accord qui aurait amarré la république islamique aux Etats-Unis et privé la Russie d’un allié incroyablement utile dans cette région stratégique du globe. Les mollahs sont revenus vers cette même stratégie faussement pro-Russe, toujours avec l’objectif de créer la panique et pousser les Américains au « consensus ». Seulement cette fois, ils ont un peu marché sur les plates-bandes de la Russie et dévoilé son objectif de créer discrètement un « Cartel furtif ». L’offre gêne les Russes qui ne sauraient l’accepter, ni le refuser.

Il s’agit d’une approche très agressive qui montre la nervosité du régime des mollahs. Cette menace déguisée intervient après les efforts infructueux des mollahs à entraîner une baisse de production à l’OPEP ainsi qu’une remontée des prix du baril et transformer ce collectif de producteurs pétroliers en front politisé anti-occidental. La cible de cette provocation est donc incontestablement l’Europe qui sera laminée le jour où ce Cartel gazier russe existera, c’est-à-dire vers 2014. Il s’agit d’une nouvelle version de provocations à base de menaces de représailles pétrolières. L’objectif est d’effrayer l’Europe et de la mettre en garde alors qu’elle s’apprête à adopter les mesures préconisées par le Conseil de Sécurité. Le second objectif est de provoquer des dissensions au Conseil de Sécurité et faire d’exploser le consensus apparent qui y règne.

Cependant les Russes et surtout l’hilarant Monsieur Poutine risquent d’apprécier modérément la plaisanterie. Il y a déjà eu deux réactions officielles négatives qui prouvent la gêne occasionnée par cette nouvelle menace sans fondement lancée par un mollah à Téhéran. L’une a été formulée par Viktor Ozerov, responsable du comité pour la défense et la sécurité de l’assemblée russe, qui a estimé que la création d’une telle organisation aujourd’hui pourrait mettre la fédération de Russie sur la touche, pour violation de ses accords internationaux et de ses engagements vis-à-vis de divers pays d’Europe de l’Ouest. Et la seconde émanait de Vassili Duma, responsable du comité des ressources naturelles de la Russie. Selon Duma, la Russie qui dispose d’importants gisements gaziers doit éviter de faire des alliances énergétiques avec des états qui ne lui sont d’aucune utilité.

Après ces réactions très polémiques, complètement fausses (notamment concernant les alliances économiques) et destinées à la presse russe, il y aura sans doute un vrai geste de lâchage à très haut niveau, geste qui sera propre à recentrer le débat et rappeler aux mollahs qu’ils ne sont pas censés être les meneurs du jeu. Moscou les considère comme des alliés utiles et non des partenaires.

Cette provocation a eu lieu, par un heureux concours de circonstance (pour les mollahs), à un moment où la Russie a besoin des mollahs pour contrer la prépondérance du rôle des Etats-Unis dans le règlement des conflits au Moyen-Orient. De ce fait, malgré l’envie de punir les mollahs, la Russie s’est contentée de réactions nationales et d’une esquive par Poutine. Mais il est clair que l’offre de la création d’une OPEP de Gaz empoisonnera pour longtemps les relations entre l’Europe et la Russie et ce geste inconsidéré sera puni. Reste à savoir si la punition tombera ou pas à un moment inopportun pour les mollahs.

Il est permis de l’espérer car l’activisme des mollahs et leurs provocations leur ont déjà attiré les foudres de l’Arabie Saoudite à un moment où ils espéraient fédérer l’OPEP et les non-alignés dans une guerre qui n’est pas la leur. L’affaire de l’OPEP du Gaz aura d’autres conséquences et risque de déclencher d’autres réactions chez les alliés habituels des mollahs. Alliés qui seront lésés par un tel Cartel. L’affaire de l’OPEP du Gaz risque donc d’isoler d’avantage les mollahs parmi leurs derniers alliés.

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