Accueil > Revue de presse > LE MONDE | Hezbollah de malheur



LE MONDE | Hezbollah de malheur
11.12.2006

Décidément, le Hezbollah porte malheur aux socialistes français. Ségolène Royal vient, à Beyrouth, d’en faire l’expérience, comme Lionel Jospin en février 2000 à Jérusalem. Le 1er ministre d’alors et la candidate actuelle à la présidence de la République sont tous les deux critiqués en France par leurs adversaires politiques pour la manière dont ils traitent le Parti de Dieu libanais. Mais l’ironie de l’histoire veut que ce soit pour des raisons opposées.



En voyage en Israël, M. Jospin avait eu une phrase ambiguë qui semblait assimiler le Hezbollah au terrorisme : « La France condamne les attaques du Hezbollah et toutes les actions terroristes unilatérales », avait-il déclaré. Le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine [1], qui se trouvait à ses côtés, lui avait discrètement soufflé : « Là, tu y vas fort. »

La position officielle de la France voulait en effet que le Hezbollah ne soit pas rangé dans la catégorie des organisations terroristes. En cette période de cohabitation, Jacques Chirac avait dénoncé la « désinvolture » du chef du gouvernement, qui, estimait-il, avait modifié sans l’en avertir la position « impartiale » de la France entre le Hezbollah et Israël. Les amis du président de la République craignaient une reprise des attentats en métropole. M. Jospin, pour sa part, avait essuyé le lendemain un caillassage à l’université palestinienne de Bir Zeit. Quant à M. Védrine, sa défense de l’orthodoxie lui avait valu les félicitations empoisonnées d’Alain Juppé.

Contre l’avis de certains de ses partenaires européens, Paris s’est opposé pendant des années (avec succès) à l’inscription du Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes. Contrairement au traitement réservé au Hamas. Et contrairement à la position américaine. Malgré son accord avec George W. Bush sur le Liban et leur hostilité commune à la Syrie, M. Chirac a défendu contre Washington le principe du dialogue avec les élus du Parti de Dieu, y compris après l’assassinat de Rafic Hariri.

C’était avant la guerre de juillet. Mais, depuis, la position officielle ne semble pas avoir changé si l’on en juge par les déclarations de Michel Barnier, qui conseille Nicolas Sarkozy en politique extérieure. L’ancien ministre des affaires étrangères l’admet : les rencontres avec les députés du Hezbollah, qui représentent un quart de l’électorat libanais, sont tout à fait légitimes.

Que reproche-t-on alors à Ségolène Royal, qui, à la commission des affaires étrangères du Parlement libanais, a parlé avec un représentant du Hezbollah ? Le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, qui est un connaisseur, a dénoncé les idées « simplistes » de la candidate socialiste, visant sans doute sa formule de la « diplomatie participative ». Mme Royal a tardé à répliquer aux propos de son interlocuteur libanais, qui avait comparé le nazisme et le sionisme. Elle a eu tort de l’approuver dans sa critique de la politique américaine.

Surtout, elle n’a pas mesuré les conséquences polémiques du moindre faux-pas ou du plus petit malentendu. Sur le fond, toutefois, les positions qu’elle a prises tout au long de ce voyage - indépendance du Liban, Etat palestinien « viable », sécurité d’Israël - ne se distinguent pas de la politique constante de la France. Ses conseillers, dont certains ont été, comme elle, à l’école de l’ambiguïté mitterrandienne, auraient dû l’avertir : dans la diplomatie, tout est dans la manière. Au Proche-Orient plus que nulle part ailleurs, et en période électorale plus que jamais.

« La véritable finesse est la vérité dite quelquefois avec force et toujours avec grâce », disait le comte de Choiseul, ministre des affaires étrangères de la royauté finissante de 1766 à 1770. Mme Royal, qui ne manque ni de l’une ni de l’autre, aurait pu choisir un terrain moins miné pour faire ses premières classes internationales. Elle paie les effets de son audace ou de sa légèreté.

LE MONDE | DANIEL VERNET

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Que reproche-t-on alors à Ségolène Royal ? | commentaires d’IRAN-RESIST
- Hezbollah : Ségolène Royal injustement tourmentée ?
- (4 DÉCEMBRE 2006)

[1Le PS et le Hezbollah | Vedrine a été l’un des adversaires les plus acharnés contre toute hostilité à l’égard du Hezbollah.


Hubert Vedrine et le HEZBOLLAH | RADIO J | 07 AVRIL 2002 | Question de Radio J : Monsieur le Ministre, vous parliez du Hezbollah, il y a quelques instants... Y a-t-il un prix à payer par la France pour ne pas subir d’attentats terroristes sur notre sol ? Plus précisément et plus récemment en décembre dernier, l’Europe a finalement décidé de citer nommément les organisations terroristes. Un débat a eu lieu pour savoir s’il convenait d’y inclure le Hezbollah. Or, on a pu constater que l’ensemble de la presse libanaise s’est répandu en éloge pour remercier la France et le cheikh Yassine pour sa position « équilibrée ». Doit-on conclure qu’il s’agit ici des véritables amis de la France ?

Hubert Vedrine. En ce qui concerne la question que vous me posiez, il faut dire les choses très simplement. Il y a une organisation qui s’appelle « Hezbollah », qui a deux aspects, deux branches. Il y a un côté militant, violent, y compris terroriste et d’autre part, il y a un côté organisation caritative et sociale qui joue un rôle considérable au Liban. Il y a des gens qui relèvent de cette branche politique et qui disent : « si vous nous mettez dans le même sac, vous risquez de faire exploser la situation au Liban qui est déjà épouvantable » (source)

à propos de Vedrine, lire également : Le nucléaire iranien et le lobby euro-catho pro-mollahs |