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Pétrole et gaz : L’Europe désemparée face à la Russie (analyse)
21.10.2006 Revue de presse : le Figaro + nos commentaires & liens

Les Vingt-Cinq se retrouvent aujourd’hui en Finlande pour débattre d’innovation et de politique énergétique. Ils ont invité le président russe à dîner ce soir.

LE FIGARO | ALEXANDRINE BOUILHET.

Un article du Figaro suivi de nos commentaires



L’Union Européenne désemparée face à Poutine

Les dirigeants européens se seraient bien passés du rendez-vous avec Vladimir Poutine, ce soir, à Lahti, en Finlande. Prévu de longue date, ce dîner devait sceller la réconciliation entre la Russie et l’Union européenne, sous les auspices finlandaises. Las, le sommet tombe très mal, entre la crise géorgienne et l’assassinat de la journaliste russe Anna Politkovskaïa. Alors que l’Europe cherche à conclure un partenariat stratégique avec Moscou pour sécuriser son approvisionnement en gaz et pétrole (voir ci-dessous), la politique autoritaire et nationaliste du Kremlin complique le dialogue à haut niveau.

Les menaces qui pèsent sur les licences d’exploitation de Shell ou Total en Russie incitent les dirigeants européens à la méfiance. « Ce n’est pas le moment de râler sur les droits de l’homme, » concède un diplomate de la Vieille Europe. Dans ce contexte de tensions, propice aux divisions au sein de l’UE, les nouveaux États membres, plus méfiants que les autres à l’égard de la Russie, insistent pour que « les questions qui fâchent » soient abordées franchement. « Je n’ai pas du tout peur du débat avec Poutine ! », assure le premier ministre finlandais, Matti Vanhanen, qui préside l’UE ce semestre. Il s’est dévoué pour aborder, lors du dîner, la crise géorgienne et l’affaire Politkovskaïa. « La politique européenne forme un tout, estime le dirigeant finlandais. Questions économiques, droits de l’homme, je ne vois pas de problème à aborder tout ça simultanément », dit-il.

Et pourtant, les questions énergétiques domineront les débats des chefs d’État et de gouvernements. Les capitales européennes sont inquiètes pour leurs entreprises. Moscou a remis en cause, ces derniers jours, la participation de plusieurs compagnies occidentales à des grands projets gaziers. Total a été écarté, avec d’autres, de l’exploitation du projet Chtokman. Ce gisement très prometteur, en mer de Barents, sera réservé à Gazprom. Pendant ce temps, les géants russes investissent le marché européen, achetant des participations dans le groupe aéronautique EADS, et exigeant un accès libre au marché des consommateurs pour Gazprom.

Face à cette montée en puissance de la Russie, qui joue sans scrupule sa carte énergétique pour s’affirmer sur la scène internationale, l’Union européenne semble désemparée. « En ce moment, le jeu tourne à l’avantage de la Russie, » concède un diplomate de la Vieille Europe. Dépendante à 30 % du gaz et du pétrole russe, l’Europe peine à imposer ses conditions d’approvisionnement.

Moscou profite de la désunion des Vingt-Cinq

Alors qu’il s’agit d’une demande pressante de Bruxelles, Moscou a prévenu qu’elle ne ratifierait pas la Charte de l’énergie sous sa forme actuelle, qui contraindrait la Russie à ouvrir ses gazoducs et ses oléoducs à des pays tiers et accroîtrait la concurrence sur son marché de l’énergie. « Il faut maintenir la pression ! », insiste José Manuel Barroso, qui redoute une désunion de l’Europe sur ces questions. « Ce n’est pas en renonçant à nos principes que nous obtiendrons de meilleurs résultats avec la Russie » avertit le président de la Commission européenne.

L’Union européenne n’a jamais été très unie face à la Russie, une faiblesse dont Moscou profite sans complexe. La France, l’Allemagne et l’Italie comptent parmi les meilleurs alliés de la Russie en Europe, malgré la crise en Tchétchénie. L’arrivée au pouvoir d’Angela Merkel l’an dernier à Berlin n’a guère changé la donne. Pas plus que celle de Romano Prodi cette année à Rome.

Depuis décembre 2005, notre site met régulièrement en garde contre l’offensive énergétique russe, nous avons même créé un lien sous cette appellation pour regrouper l’ensemble des articles que nous écrivons sur le sujet. Selon notre analyse, la Russie désire créer un Cartel de fournisseurs de pétrole ou de gaz. C’est dans ce cadre qu’elle entretient des relations très particulières avec l’Iran, l’Algérie ou le Venezuela.

Dans l’article du Figaro que nous avons sélectionné, il n’est nulle mention de ces menaces ou de la stratégie énergétique Russe. La journaliste du Figaro se maintient aux faits en se gardant d’émettre des analyses susceptibles d’irriter Vladimir Poutine.

C’est pour cette raison que la lecture de cet article est instructive car elle montre à quel point la presse agit en concordance avec la diplomatie et faillit à sa mission qui est d’informer et ouvrir les débats. Ce faisant elle s’autocensure et elle déforme la réalité afin de ne pas soulever la possibilité de l’existence de menaces stratégiques qui viseraient l’Europe. Cette même autocensure existe au sujet de l’Iran, l’autre fournisseur énergétique de l’Europe. Certains propos d’Ahmadinejad sont censurés et l’on continue de publier ce qui ne fâche pas [1].

D’ailleurs rendons hommage à l’auteur qui évoque pudiquement (le silence autour des sujets qui fâchent) en oubliant de préciser que l’on ne mentionne pas les droits de l’homme quand l’adversaire fait du chantage (terroriste ou énergétique), mais également quand il est réconciliant et prêt à signer de bons contrats avantageux pour l’Europe.

Finalement, si la presse faisait son travail, les maîtres chanteurs (Russes, Iraniens et Libanais) seraient peut-être moins à leur aise. Pour comprendre les véritables enjeux qui ne sont même pas effleurés dans cet article complaisant, nous vous invitons à consulter la liste ci-dessous.

<HTML>Pour en savoir + sur la Bande à part de GDF
- GDF : une méthode française d’autosuggestion
- (30.09.2006)

<HTML>Pour en savoir + sur la Désunion Européenne
- La Russie et sa révolution grise
- (08.10.2006)

<HTML>Pour en savoir + sur l’origine du mal (entendu)
- Du Real Politik au Sommet Chirac-Poutine-Merkel
- (26.10.2006)

<HTML>Pour en savoir + sur les alternatives énergétiques de l’Europe
- L’Iran et la Russie, alliés et concurrents dans la guerre du pétrole
- (01.07.2006)

[1… et l’on continue de publier ce qui ne fâche pas
- <HTML>Lire : Jacques Chirac préconise le Dialogue avec le Hizbollahistan ! | 28.07.2006