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L’analyse de la lettre de Khomeiny sur la bombe nucléaire
01.10.2006

La BBC persane, qui est très écoutée et lue par les Iraniens, a publié une lettre qui aurait été écrite par Khomeiny en 1988. La lettre révèle que le fondateur de la république des mollahs voulait équiper l’Iran d’armes atomiques pour remporter la guerre contre l’Irak.



C’est l’actuel homme fort de l’Iran, Rafsandjani, qui a révélé l’existence de cette lettre tout en affirmant que son contenu concernait un différent qui l’opposait à un commandant militaire sur la responsabilité du cessez-le-feu de 1988. Dans la lettre, Khomeiny, décédé en 1989, cite le commandant en chef militaire du pays de l’époque et déclare que l’Iran aurait besoin d’une bombe atomique pour continuer à se battre.

Le présumé auteur | Or, un fait connu par de nombreux iraniens est que Khomeiny lui-même n’écrivait aucune des lettres qui lui sont attribuées, c’est son fils qui les écrivait et les signait à la place de son père. C’est ainsi que Rafsandjani et le fils de Khomeiny ont contrefait son testament [1] pour jeter les bases d’un régime dans lequel Rafsandjani serait le maître. Les deux hommes ont fait dire au défunt qu’il voulait Khamenei à sa place. Khamenei traînait de nombreuses casseroles sur son passé chargé de ragots sexuels et Rafsandjani estimait qu’il était le meilleur candidat pour le poste honorifique du Guide suprême. Après l’épisode du testament, le fils de Khomeiny décéda, emportant ses secrets dans sa tombe. Rafsandjani, demi-frère de Khomeiny, s’empara du pouvoir en plaçant ça et là ses fidèles. Depuis un certain nombre d’années, il connaît le degré de mépris qu’il suscite et il a mis au point une stratégie délibérée d’attaques sur sa personne et sa famille. Des campagnes médiatiques sont menées mettant en cause sa personnelle, sa fortune etc, ces campagnes servent aussi à lancer des carrières de journalistes. Les mêmes journalistes sont arrêtés, font une grève de la faim, sont libérés et voyagent à travers le monde mais oublient de s’en prendre à nouveau à Rafsandjani. Mais quel rapport avec la lettre sur la bombe ? Nous y venons.

Le véritable maître du régime est Rafsandjani, il veut être l’architecte du rapprochement Iran-USA. De nombreuses tentatives ont été menées et nous vous en avons parlé très récemment. Le régime des mollahs multiplie les crises pour provoquer un sommet international et des négociations bilatérales directes entre la République Islamique et les Etats-Unis. Le régime joue alternativement la carte d’un raidissement et des offres de dialogues et selon la réaction de la partie adverse (uniquement les USA), il met en avant tantôt Ahmadinejad, chargé de la ligne dure, tantôt Rafsandjani, chargé de la ligne pragmatique (sic). De plus il est le candidat combiné « des réformateurs et des pragmatiques », candidat battu par Ahmadinejad, le fou. Il a une sorte de légitimité à la Jospin.

Mais, ce que nous vous disons, ce n’est pas que Rafsandjani est réellement mieux que Ahmadinejad, ou bien que Ahmadinejad réellement est fou mais que son rôle dans cette mise en scène est de jouer les excessifs et s’il y réussit bien, c’est parce que le metteur en scène a bien choisi. Car comme vous avez pu le constater dans l’analyse que nous avons faite de l’entretien du Monde avec Khatami, tous les mollahs et les miliciens du régime répètent le même discours mais avec des formulations différentes. La sortie de cette lettre est encore une ruse du metteur en scène du vaudeville nucléaire, c’est-à-dire Rafsandjani. Il révèle la lettre sulfureuse. Il aurait pu la garder secrète. Il fait un pas « façon pragmatique » vers la partie adverse. L’héritier de l’après-Khomeiny, le soi-disant pragmatique, le réformateur battu diffuse la lettre pour montrer sa transparence.

Quel peut être l’objectif de cette révélation quand la majorité des Iraniens associent cette guerre à la destruction des millions de vies et à l’anéantissement de l’économie iranienne ?

Le rôle de la BBC | C’est presque cousu de fils blancs. Mais pour le comprendre (quand on n’est pas iranien), il faut remonter dans l’histoire de cette région. Les Britanniques ont possédé l’Iran au XIXe siècle. Ils y avaient leur armée, leur banque, leur monnaie, leurs politiciens et leur allié privilégié était le clergé chiite. Les Britanniques jouaient la carte du clergé contre la cour (des Qajar).

Ceux qui voient dans l’Amérique de George bush, l’expression de l’impérialisme occidental, ne connaissent pas l’histoire du Moyen-Orient et ignorent le rôle qu’a joué la Grande-Bretagne dans la région et surtout en Iran, pays charnière se trouvant entre l’Irak et les Indes. L’Irak est né de la volonté des Britanniques : ils ont explosé l’empire ottoman pour le morceler et s’approprier les riches terres gorgées de pétrole. L’avenir de l’Iran était tracé sous l’emprise des Britanniques. Cependant, quelques hommes de bonne volonté ont momentanément réussi à chasser les Britanniques de l’Iran de 1954 à 1979. Ce fut un rude échec pour les Britanniques car ils perdirent leur monopole sur le pétrole iranien. L’Iran s’allia aux Américains. Ceci afin d’expliquer que les Américains et les Britanniques n’ont pas toujours eu les mêmes objectifs concernant l’Iran.

Et cette opposition demeure : actuellement les Britanniques doivent trouver un moyen pour empêcher que le régime du clergé chiite ne soit affaibli et l’apparition de cette lettre publiée sur le site BBC persan est liée à ce choix diplomatique des Britanniques. Si la lettre était apparue sur un site iranien, elle auraot manqué de légitimité. Les Britanniques lui apportent un cachet inattendu d’authenticité.

La diplomatie Britannique diffère en Iran et en Irak : les Britanniques ont encouragé l’invasion de l’Irak mais concernant l’Iran, ils encouragent les Américains à la modération. La raison est le lien séculaire qui existe entre le clergé chiite iranien et les Britanniques. L’invasion de l’Irak a mis fin à un régime laïque et permis l’émergence d’un pouvoir religieux à la botte des mollahs et permis aux Britanniques de s’installer dans l’Irak qui est leur œuvre.

Pour tout iranien, les Britanniques ont conservé leur influence dans la région et ont réussi leur retour. L’influence des Britanniques a toujours existé en Iran et la BBC a toujours été écoutée dans ce pays comme un thermomètre qui pourrait renseigner sur les humeurs de l’ancien maître de l’Orient. Si la lettre vraie ou fausse de Rafsandjani est apparue sur la BBC, ce n’est guère surprenant : elle sera beaucoup lue et très commentée.

La BBC persane est l’appareil de désinformation de l’état protecteur du régime islamique, de l’état opposé aux sanctions. Un état que l’on n’entendait plus depuis quelques mois et qui était absent des agitations sur les interminables négociations entre les mollahs et l’Europe. Rafsandjani a sorti un beau lapin de ce chapeau magique de la BBC.

Retour à l’expéditeur | Après cette petite excursion dans l’histoire tumultueuse de l’Iran, reposons nous la même question : Quel peut être l’objectif de cette révélation sur une bombe qui aurait permis de faire durer la guerre Iran-Irak pour des décennies quand la majorité des Iraniens associent cette guerre à la destruction de millions de vies et à l’anéantissement de l’économie iranienne ?

Celui qui la révèle peut se parer des vertus de sincérité et de réalisme et demander une révision des objectifs fixés pendant la guerre et tenter une nouvelle tentative de dialogue. Cette lettre est d’ailleurs magique et truffée de détails. Alors qu’elle a pour objet une demande militaire, elle révèle aussi que l’économie iranienne était pratiquement détruite par ce conflit de huit ans… Comme toutes les tentatives du régime des mollahs, il s’agit d’une arme à double tranchant.

Si les USA saisissent la balle au bond, Rafsandjani en ses qualités du plus important homme d’état du régime, et du candidat du consensus rentrera en scène pour désactiver la crise et entamer des négociations et obtenir des Garanties de Sécurité. Cependant le contenu de ces Garanties de Sécurité [2] pose de réels problèmes géopolitiques et la tentative échouera, mais qu’importe puisque la lettre laisse supposer que l’Iran a un programme nucléaire militaire et qu’il est nécessaire d’entamer de nouvelles négociations… Ainsi de suite. La crise a été livrée avec son mode d’emploi pour les plus étourdis : selon la BBC, « la lettre touche un point sensible parce que l’actuel président, Mahmoud Ahmadinejad, avait nié que l’Iran voulait produire des armes nucléaires. Il avait affirmé que ces armes violeraient les principes islamiques… et comme on le voit, selon la BBC, Khomeiny, le guide de la révolution islamique d’Iran, ne s’embarrassait pas de ce genre de scrupules ».

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Notes I-R | Hahaha. Très drôle. Une fois la crise passée, reste le fond du problème : le régime des mollahs invente crise sur crise pour un seul objectif : trouver un compromis avec les USA et obtenir ces Garanties de Sécurité (Iran-Hezbollah+Syrie). Espérons que les « Américains » qui nous lisent transmettront à leurs supérieurs les manigances de l’allié britannique...

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La stabilisation du Moyen-Orient | Il s’agit de la géo-économie néo-colonialiste qui prévaut sur la géopolitique : Les Britanniques s’opposent à cette stabilisation : la crise nourrit des flambées des prix de pétrole et encourage les achats d’armes par les pays en danger de l’islamisme. Parallèlement, les Compagnies Britanniques (et Européennes) obtiennent dans nos régions les plus bas prix par le Buy Back, et accessoirement la flambée des prix rentabilisera le pétrole de la mer du Nord et les énergies alternatives.

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[1À la mort de Khomeiny, les hauts responsables du régime se sont réunis pour décider de sa succession. Peu avant sa mort, Montazéri avait été écarté par Khomeiny, mais il restait le plus qualifié d’entre tous. Certains penchaient pour une solution différente et voulaient créer un Conseil (de trois ayatollahs) qui assumerait le rôle du Guide de la Révolution. Rafsandjani a falsifié avec l’aide d’Ahmad, le fils de Khomeiny, un testament dans lequel Khomeiny avait nommé comme son successeur Khamenei. La participation d’Ahmad a été décisive car ce dernier était le secrétaire particulier de Khomeiny. Khomeiny dictait ses ordres et Ahmad transcrivait : ainsi la totalité des documents attribués à Khomeiny vers la fin de sa vie avaient été rédigés de la main même de son fils Ahmad. Hojjat-ol-Eslam Rafsandjani (il n’est pas ayatollah) et Ahmad ont rédigé « le nouveau testament » au moment même où on s’acheminait vers la Création du « Conseil à trois ». Le texte stipulait que le fondateur de la République Islamique avait choisi Khamenei. Ce qui fit clore les débats et plaça un homme mou du giron de Rafsandjani à la fonction suprême de la république des mollahs.

[2 Le contenu des Garanties de Sécurité | Actuellement, la Sécurité du régime des mollahs est garantie par le Hezbollah et son ingérence au Liban qui fait de ce pays une base militaire anti-israélienne sans prendre en compte la souveraineté de ce pays. Selon les mollahs, les Garanties de Sécurité comprennent l’admission du rôle de l’Iran au Liban avec le Hezbollah. L’acceptation de cette condition a d’innombrables conséquences car entre l’Iran et le Liban se trouve l’Irak, où les mollahs possèdent à la fois des amis au gouvernement mais aussi deux milices rivales, l’une chiite et l’autre sunnite. Si les Etats-Unis acceptent d’accorder ces garanties de sécurité aux mollahs, l’occident perdra définitivement le contrôle des territoires les plus vitaux qui sont une alternative au transit du pétrole par le golfe Persique. Un pays dirigé par des intégristes qui contrôlent des milices rivales prendra le contrôle de la région la plus sensible de la planète et pourra agir à sa guise sur le transit du pétrole.