La symphonie triomphaliste du Hezbollah a été brutalement interrompue hier. Les partisans des Forces libanaises (FL), mouvement chrétien maronite, soutenus par le leader druze Walid Joumblatt, sont massivement descendus dans les rues de Beyrouth pour dénoncer la rhétorique de Hassan Nasrallah.

Pour ses opposants, le Parti de Dieu constitue le véritable ennemi de l’Etat libanais. Ils dénoncent pêle-mêle le refus de la milice chiite de se laisser désarmer par la Finul ou encore, en s’alliant à la Syrie, d’entraver l’unité nationale. Et dans les rues de Beyrouth, la manifestation de force de Samir Geagea, lui-même ancien chef de guerre chrétien et leader des FL, a de quoi rappeler les heures sombres de la guerre civile.

Le refus des Chrétiens et des Druzes de se laisser fondre dans la marée mise en scène par le Hezbollah et ses partisans est, en tout cas, le signe d’une crise politique profonde au Liban, une situation structurelle pour laquelle la guerre de cet été n’aura été qu’un cache-misère, fugace qui plus est.

La politique du Premier ministre Fouad Siniora est indirectement, elle aussi, désavouée. Les Chrétiens ont cristallisé leur rejet du Hezbollah sur la question du désarmement, alors que le chef du gouvernement a affirmé à de nombreuses reprises que la communauté internationale n’obtiendrait pas satisfaction sur le sujet, et ce dans l’intérêt de son pays.

Pire, en qualifiant la crise avec Israël de « guerre préventive lancée par l’Iran », chrétiens et Druzes amorcent une véritable bombe idéologique. Dix-sept ans après les accords de Taëf qui mettaient fin à la guerre civile, le spectre des conflits interconfessionnels n’a pas fini d’obscurcir l’horizon du pays du Cèdre.

SAMUEL ROUSSEAU