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Iran : Kofi Annan obtient le contraire de ce qu'il voulait !
04.09.2006

Résultat des visites du petit poucet Jack Lang et Kofi Annan en Iran : le régime des mollahs refuse toute suspension de son enrichissement d’uranium, mais il veut suspendre les inspections. Qu’en est-il réellement ?



L’historique du nucléaire en Iran (Eurodif) | On ne peut à proprement parler d’inspections en Iran. En réalité, le régime des mollahs refuse d’appliquer à la lettre les engagements du pays en tant que signataire du Traité de Non Prolifération. En réalité, les mollahs n’ont pas signé ce traité, ils en ont hérité. Le traité avait été signé par le Shah d’Iran dont l’un des désirs était de réduire le rôle du pétrole comme combustible, de le remplacer par l’énergie nucléaire afin de consacrer le pétrole aux produits dérivés pétrochimiques. L’Iran avait été l’un des premiers à signer le TNP et il avait choisi en conformité avec l’esprit de ce traité de déléguer l’enrichissement à un consortium étranger. Ce consortium s’appelait Eurodif. Afin d’assurer du combustible aussi bon marché que possible, le shah avait consenti un prêt d’un milliard de dollars à la France pour la création d’Eurodif. En échange l’état iranien avait droit à 10% de la production de combustible nucléaire civil produit par les Français. C’est d’ailleurs l’esprit de la dernière offre faite aux mollahs ; si ces derniers la refusent, c’est bien parce que le civil ou la production déléguée ne leur conviennent pas. Dans le cas où l’Iran n’aurait pas été victime de cette révolution, il serait actuellement doté d’une dizaine de centrales de technologie européenne qui auraient reçu un combustible gratuit, et dans le cadre d’inspection de l’AIEA, il aurait été l’exemple d’un pays musulman sous gouvernance laïque et ne nourrissant aucune haine anti-occidentale. Mais, nous ne sommes pas dans cette configuration.

Suite à la découverte de centres clandestins de recherche militaire nucléaire en Irak, l’AIEA a décidé de compléter le TNP par un protocole additionnel, ce protocole autorise des visites surprises de tout endroit jugé suspect. Officiellement, les mollahs l’appliquent et régulièrement, ils menacent de se soustraire à son autorité. En réalité, ils ne l’ont jamais appliqué. Pire, ils autorisent les visites surprises après des mois d’études nécessaires pour délivrer l’autorisation : délais qui leur permettent de raser le site suspecté et faire disparaître les traces de l’uranium enrichi. Il existe de nombreux articles sur notre site consacrés à un seul site suspecté et les mollahs sont allés jusqu’à incendier des hectares de collines boisées qui surplombaient Téhéran dans ce but. Non seulement, le Protocole n’a jamais été appliqué, mais en plus des sites liés à la fabrication d’un explosif nucléaire nommé le Sel Vert ont subi le même sort. Plus fort encore, les mollahs ont demandé au directeur de l’AIEA de démettre de ses fonctions Chris Charlier, le chef de la mission d’inspection, qui se montrait impatient face à ces visites retardées. Et El Baradei avait accepté, ce qui est en soit une grave faute dans l’exercice de sa gestion.


Se retirer du Protocole | Officiellement le régime des mollahs a accepté de l’appliquer sans l’avoir ratifié et de ce fait, il convient de ne pas prendre au sérieux le projet de loi du Parlement Islamique qui prévoit de suspendre toutes les inspections actuellement en cours !

Primo parce que les inspections en cours ne suivent pas la procédure autorisée par le TNP et secundo par ce que le Parlement Islamique n’a pas l’autorité constitutionnelle pour le faire. Les pouvoirs du Parlement sont quasi inexistants : Le Guide Suprême peut s’opposer à chaque instant aux projets de loi et même annuler les votes des députés islamiques par son VETO et le Conseil des Gardiens a également le pouvoir d’annuler les textes qu’il élabore [1].

En ce qui concerne le projet de loi sur les inspections, il s’agit donc d’un autre volet des manoeuvres dilatoires du régime des ayatollahs : une loi votée par un Parlement sans pouvoir. Ce régime a d’ailleurs eu recours à cette même menace au moins une dizaine de fois depuis 2003/2004 (la dernière date du 21.07.2006).

Selon les rumeurs, savamment dispensées par le régime lui-même, une proposition de loi pour suspendre l’entrée des inspecteurs de l’AIEA en Iran a été déposée au Parlement Islamique… Ala-Eddine Boroujerdi, le président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement Islamique, a confirmé la « rumeur » : L’Iran réviserait sa politique de coopération avec l’AIEA si le Conseil de Sécurité décidait de sanctions à son encontre.

Mises à part ces « rumeurs » et les bruits de couloirs, à chaque fois, cette menace répétitive a été réutilisée à l’approche d’un renvoi du dossier devant le Conseil de Sécurité en vue de l’application des sanctions. Les mollahs ont réellement peur de ces sanctions car même la Russie, qui est leur allié dans une Alliance militaro-énergétique, peut revoir ses revendications à la baisse et différer la réalisation de ses ambitions pour ne pas entrer en conflit avec les Etats-Unis, l’Inde, le Japon et la Chine : les trois derniers préférant nettement la paix à la guerre pour dominer l’économie mondiale.


Les Alliés de l’Iran | L’adoption d’une résolution même molle sur l’application immédiate de sanctions même minimes sur le régime des mollahs aura une influence sur l’attitude conquérante de l’Alliance Iran-Russie-Vénézuela.

Dans ce trio, Ahmadinejad a réellement mauvaise presse et ne peut attirer de nouveaux membres au sein de l’Alliance ; Poutine doit agir avec prudence, seule reste l’option Chavez. Ce dernier parcourt le monde en s’arrêtant au gré de ses nombreux déplacements dans des pays producteurs de pétrole et leur propose la coopération : dernièrement l’Angola. Cet Axe entend créer un Cartel Pétrole-Gaz-Nucléaire pour contrôler le marché et surtout les voies de transit des hydrocarbures.

Le trio agit à sa guise sans aucune résistance Européenne. Le trio étant ancré dans un discours anti-américain, l’Europe se porte même volontaire pour relayer ce discours. La force de l’Euro laisse croire à l’UE qu’elle est en mesure d’être l’allié de Chavez en lutte contre la vilaine culture américaine. Or, l’objectif du Trio Iran-Russie-Venezuela n’est pas l’Amérique mais son allié vulnérable, l’Europe. L’alliance Iran-Russie-Vénézuela repose sur Gazprom et ce dernier entend devenir le partenaire des compagnies nationales des pays qui exportent du gaz vers l’Europe. Gazprom achète des gazoducs pour détenir le robinet du gaz de l’Europe. Chavez est son VRP altermondialiste (dernière escale : Angola) et Ahmadinejad (et les mollahs en général) ont pour fonction de créer des crises interminables (nucléaire ou Liban) et ils sont aussi un pôle d’attraction islamiste : dernière recrue, le Djibouti.


Objectif 1 | Plus l’affaire s’amplifie et plus le prix des hydrocarbures reste élevé : ceci profite à Gazprom. Si à l’issue de la crise nucléaire iranienne, le régime des mollahs obtenait le droit à l’enrichissement, le principal objectif des Russes se réaliserait, à savoir la neutralisation de l’Exclusivité de la Dissuasion Nucléaire des 5 Grands. L’Iran, le Venezuela, la Corée du Nord et de nombreux voisins de l’Iran auront leur bombe. La supériorité du dispositif des 5 grandes puissances sera caduc et on reviendra à la période militaire précédant l’ère nucléaire ou plus cyniquement à la revanche de la guerre froide. Libérés de la menace d’une frappe nucléaire dissuasive, les pays alliés des Russes auront les mains libres pour appliquer des méthodes de guérilla pour «contrôler» des zones précises et ces zones seront les voies d’accès aux pays pétroliers.

L’objectif de ces guérillas sera uniquement de maintenir un état d’instabilité dans les pétromonarchies du Golfe Persique, mais aussi en l’Afghanistan et au Pakistan qui sont la voie d’accès pour l’Asie Centrale. Le résultat immédiat de ces menaces est une islamisation anticipée des discours politiques des pays concernés : les dirigeants au pouvoir préféreront partager le droit de gouverner avec les islamistes radicaux proches de Téhéran. Si l’Afghanistan et le Pakistan peuvent pour l’instant compter sur l’appui des occidentaux et des Japonais pour leur défense, d’autres pays risquent de succomber immédiatement à cette tentation populiste.

La Tunisie et l’Algérie seront très certainement les prochaines victimes de ce « grand jeu ». Leurs dirigeants donneront des gages pour assurer la paix sociale ou préserver leur pouvoir. Qu’ils puissent ainsi contenir l’Islamisme démocratique ou qu’ils échouent, dans les faits, ceci se traduira par une islamisation du discours et sa banalisation, ce qui conduira à l’élection démocratique des forces anti-démocratiques (ex : le Hamas en Palestine et le gouvernement irakien).


Objectif 2 | Si l’Iran n’obtenait pas sa bombe, le délai serait quand même profitable à l’Alliance. La durée de la crise permettra au trio d’étendre ses réseaux énergétiques et néanmoins créer son Cartel. La revendication du droit à l’enrichissement n’est pas exclusivement impartie au régime des mollahs. Le Venezuela est sur la piste et la Corée du Nord également. De plus, l’existence du Cartel permettra à ces trois (Iran-Venezuela-Corée du Nord) de sans cesse revenir à la charge pour relancer le débat du droit à l’enrichissement. L’obtention du fameux droit pour l’un fera jurisprudence pour les autres et il ne faut pas oublier l’Algérie (qui glisse doucement vers le populisme islamiste ou populisme nucléaire).


Solution Globale | Les sanctions contre l’Iran vont freiner cette Alliance qui a extrêmement bien organisé son offensive et entend réaliser l’objectif n°2, puis le n°1. Plus de délai pour l’Iran sera plus de délai pour cette Alliance. Des sanctions à l’encontre de l’Iran seront des freins à l’expansion du Cartel Russe. Comme nous le disons continuellement sur ce site : le Problème est Global et dépasse la sécurité régionale du Liban ou d’Israël. Encore faut-il que nous soyons entendus et non plagiés par un François Heisbourg qui stipule néanmoins qu’il faut continuer à dialoguer avec les mollahs.

Le 02 Août, il se demandait « quel serait le prix à payer à l’Iran en contrepartie, notamment dans le domaine nucléaire » et après avoir lu nos théories exposées sur ce site, il les a faites siennes. Dans son dernier article dans le Figaro, il les a exposées pour la première fois sans se soucier du fait qu’elles étaient en totale contradiction avec ce qu’il dit habituellement et en plus ses conclusions vont à l’encontre de notre théorie sur la doctrine nucléaire du régime des mollahs. Pire encore, il est encore resté en conformité avec la doctrine du Quai d’Orsay.


Heisbourg comme Géré ou Moïsi sont des vulgarisateurs de la diplomatie française, et non des analystes capables de prévisions. Cependant, ce plagiat de Heisbourg a vite été avorté par son auteur car il n’a évidemment pas évoqué l’existence de l’Axe Iran-Russie. Cependant, le danger existe et nous voulons susciter un débat auquel nous prendrons part et nous refusons d’être représenté par un des gourous de l’analyse politique qui ont aussi leur part de responsabilité dans les erreurs du Quai d’Orsay : incapable de trouver une solution, empêtré dans un dialogue stérile avec les mollahs !

[1 Le pouvoir est exercé par le Guide Suprême, Khamenei, ou par le Conseil de Discernement du Bien de l’Etat. Cet organe est dirigé par l’ancien Président, Rafsandjani . Il trace la politique générale de l’Iran dans tous les domaines et tranche dans les conflits entre le Parlement et le Conseil des Gardiens. De plus, en juin 2006, Rafsandjani a renforcé ses pouvoirs avec la décision du Guide suprême de lui déléguer un rôle de contrôle du Gouvernement, du Parlement et de la justice. D’ailleurs comme l’ensemble des mollahs ou des miliciens du régime, ces deux-là font semblant de ne pas s’apprécier, mais il s’agit d’une mise en scène pour dérouter les adversaires.