Accueil > News > Iran : les tatoués et les invisibles



Iran : les tatoués et les invisibles
12.08.2006

Selon les dernières dépêches « très tendance » des grandes agences de presse (AFP, Reuters, AP) se développe actuellement à Téhéran un mouvement underground que les iraniens et surtout les iraniennes viennent de rebaptiser mouvement « undercover » (clandestin). Ce qui se passe actuellement doit être caché aux autorités et les iraniennes savent très bien le faire.



Traduction d'une dépêche... Milad, un jeune artiste de 25 ans qui ne veut surtout pas donner son nom de famille parle de la génération tatouée : le tatouage étant le nouveau symbole que les iraniennes ont trouvé pour être « up to date ». Sa clientèle est constituée pour la majeure partie de jeunes femmes de son âge, souvent issues des milieux les plus aisés de la capitale. Milad précise qu’il a des amis des deux sexes dans d’autres villes iraniennes et que le mouvement se développe au niveau national avec une ampleur telle que les autorités du pays ont bloqué l’accès aux sites Internet parlant de tatouages et de peintures corporelles.

Après la mode des nez refaits, puis des maquillages permanents, voici donc que Téhéran des nantis est gagné par ce phénomène. Et comble de l’ironie, pour que le tatouage ne soit pas visible, celui-ci est le plus souvent placé aux endroits intimes et en principe caché par les sous-vêtements.

Par contre Milad explique que le principal problème est que le matériel professionnel de tatouage ne se trouve pas à Téhéran et que les douzaines de studios clandestins de tatouage opèrent avec du matériel non hygiénique.

Depuis deux ans, Milad se consacre entièrement au tatouage clandestin : il s’est fait imprimer des cartes de visite avec son prénom et son numéro de portable, mais il redoute toujours les autorités. Au début sa clientèle était d’âge mûr, mais au fil des mois, elle s’est rajeunie et aujourd’hui la majorité est constituée de filles d’une vingtaine d’années. Pour lui, le secret est le leitmotiv de la jeunesse iranienne : elle a ses soirées secrètes, la musique secrète, les beuveries secrètes, les relations secrètes, et de rajouter que chez les jeunes iraniens ayant les moyens il n’y a que des secrets vis-à-vis des autorités du pays qui leur interdisent tout ou presque.

Le prix de ces tatouages est de l’ordre de 80 000 Toman (1 mois de salaire d’un fonctionnaire, soit 60 € - ndlr) et les tatouages qui marchent le mieux sont les flammes, les croix et les dragons, les fleurs et les papillons mais aussi les symboles préislamiques zoroastriens. Il a même eu des clientes qui par défi ont demandé des lettres en hébreu, juste pour la frime.

Maintenant les hommes s’y mettent aussi et veulent à leur tour leur tatouage. Et un dernier détail qui en dit long sur cette pratique qui gagne aussi ce pays ; alors qu’en principe, les tatouages sont interdits ou théoriquement impossibles, la semaine dernière, une clinique de Téhéran a fait paraître une publicité dans un quotidien national pour vanter les mérites de son service de suppression des tatouages par laser !

Il y a quelque chose de cynique dans ce genre de nouvelles diffusées pour « occuper » les esprits. Souvent, les mollahs interdisent quelque chose pour créer un marché noir lucratif et parallèlement, ils développent des marchés complémentaires. En même temps que ce Milad empoche 1 mois de salaire d’un ouvrier pour amuser les rejetons cyniques des mollahs, nous avons appris cette semaine une nouvelle déchirante :

Les poubelles collectives des immeubles des beaux quartiers sont louées par les responsables du ramassage des ordures au prix de 400 Tomans (1/20 d’un salaire d’ouvrier).

Les poubelles sont louées (pour quelques heures) à des familles pour qu’elles y trouvent de quoi se nourrir (et revendre les excédents de leur festin à d’autres plus pauvres).

Que peut-on penser d’une vermine heureuse comme ce Milad, qui a imprimé des cartes et gagne royalement sa vie dans le pays des marchés noirs clandestins de location de poubelles ? Que peut-on penser de ceux qui voient dans cette ridicule histoire de tatouage l’expression d’une jeunesse insoumise ? Et pourquoi jamais, nous n’avons droit à des dépêches AFP qui parlent de la misère de 80% des iraniens ? En Iran, il y a les clandestins et les invisibles. Sur Iran-Resist, nous sommes du côté des invisibles.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

[Recherche Par Mots Clefs : Economies Parallèles ]

[Recherche Par Mots Clefs : Pauvreté (et Disparité) ]