Ranstorp a interviewé des centaines de membres du Hamas ou du Hezbollah mais aussi d’autres groupes islamistes et est l’auteur de divers ouvrages dont Hizb’Allah in Lebanon. C’est de Suède qu’il a fait cette entrevue avec Laura Rozen.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Certains services de renseignements US ont mis en garde sur le fait que le Hezbollah avait la capacité de frapper à l'étranger. Pour l'instant on ne sait pas s'il en a l'intention. Qu'est ce qui le ferait agir ?

Israël sait que s’il assassine Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, alors celui-ci et les services secrets iraniens frapperont quelque part dans le monde une ambassade israélienne ou une mission diplomatique.

Pourquoi une attaque de ce type ? Pour montrer leur capacité globale ?

Pour le châtiment (punition divine). J’ai été en Argentine, j’ai vu comment Hezbollah et les services iraniens ont attaqué l’ambassade israélienne de Buenos Aires en 1992. J’ai vu leur mode opératoire. J’ai aidé la cour suprême d’Argentine dans ses enquêtes. Et il est indiscutable que le Hezbollah et les services secrets iraniens ont été impliqués.

Pourquoi l'Iran a-t-il besoin du Hezbollah pour conduire des opérations de terreur ? Leurs propres services secrets ont mené des assassinats par eux-mêmes en Europe.

Pour pouvoir nier leur participation. Pour fonctionner à couvert. Vous avez raison, le ministère iranien de l’intelligence et de la sécurité est le service secret le plus puissant dans la région, surpassant même le Mossad.

Pourquoi les services secrets iraniens sont-ils aussi efficaces ?

D’abord, ils ont 30.000 employés. Ils doivent survivre dans un environnement arabe hostile. Ils ont exporté le Hezbollah. Ils sont à l’oeuvre dans les pays du Golfe, en Afghanistan et au Pakistan.

Le conflit du Liban est donc le résultat de l'hégémonie iranienne ?

Ce conflit doit être vu dans un contexte géopolitique plus grand. Bien que cela soit évidemment en rapport avec ce qui se passe au Moyen Orient, il a beaucoup plus à voir avec la confrontation Iran Amérique.

Ainsi vous voyez le conflit au Liban en rapport avec celui des États-Unis et de l'Iran ?

Oui, absolument ! Tout été préparé d’avance. Le contrôle de l’Iran est plus important qu’il n’y paraît vraiment, si vous voulez atteindre l’Iran, le Hezbollah est son tendon d’Achille, c’est le maillon faible de toute la structure. Ayez le dessus, pas simplement parce que vous voulez atteindre l’Iran, mais pour beaucoup d’autres raisons : dans l’intérêt du Liban, pour obtenir une solution à la crise Israélo-Palestinienne, et aussi pour faire chuter la Syrie, qui a été l’allié dévoué de l’Iran durant 26 ans.

Politiquement, le Hezbollah a finement joué. Ils ont créé une grande coalition de résistance au Liban, sans prétendre en être les chefs. Parallèlement ils continuent à marquer leur différence religieuse pour exacerber les tensions intercommunautaires : ainsi ils ont créé une situation de crise durable qui rend difficile les tentatives de les désarmer.

Le vice premier ministre israélien Shimon Peres a dit hier que Hezbollah essaye de «délibaniser» le Liban, pour le réorienter vers l'Iran.

Peres résume la position à long terme prise par le Hezbollah. Avant, durant la guerre civile au Liban et même au début des années 90, l’étendard du Hezbollah appelait à la création de la république islamique du Liban.Mais dès qu’ils sont entrés sur la scène politique libanaise au cours de ces dernières années, ils ont été très fins joueurs : ils ont cessé d’appeler à une république islamique du Liban se faisant l’avocat d’un choix populaire pour l’orientation future du Liban.

Après avoir dit cela, la dernière carte du Hezbollah si les libanais veulent durcir le jeu, est de demander la représentation proportionnelle intégrale : un homme une voix. Si cela se déroule comme ça, le Hezbollah prendra alors les rênes du gouvernement avec plus de pouvoir. C’est son dernier atout.

Le Hezbollah a tissé des liens personnels et de longue date avec l’Iran, et ce à différents niveaux. En 1992, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, est devenu le représentant personnel de Khamenei, guide suprême de la révolution iranienne, au Liban..... Le Hezbollah dispose actuellement d’une centaine de conseillers iraniens au Liban. Ils ne participent pas au combat, ce sont plus des conseillers en tactique .....

Le Hezbollah est pour le régime des mollahs son principal outil de terreur. Les mollahs s’en servent beaucoup actuellement mais dernièrement, ils se focalisaient sur le Hamas et lui apportaient leur soutien sous forme de conseils stratégiques ou d’enlèvements de soldats israéliens. La collaboration avec le Hamas est coordonné par l’intermédiaire du représentant du Hamas à Beyrouth, Ossama Hamdan. Il fut le représentant du Hamas en Iran. Ils avaient récemment essayé de faire entrer des étrangers en Israël mais ces personnes ont été arrêtées pour espionnage militaire.

Les liens avec l’Iran vont encore plus loin. La totalité des dirigeants du Hezbollah a étudié à Nadjaf en Irak. Nasrallah y était entre 1976 et 1979, c’est-à-dire quand Khomeiny y était (en exil). Inversement, les religieux iraniens ont séjourné dans les camps palestiniens de formation de terroristes dans les années 70...

Si vous étiez conseiller du gouvernement des USA, que leur diriez-vous de faire ?

Vu des USA, je conseillerais aux Israéliens, s’ils sont véritablement sérieux à propos du Hezbollah, de neutraliser le leadership politique du Hezbollah pour déblayer le terrain pour des efforts diplomatiques. Il faut les coincer avec la résolution 1959 des nations unies qui réclame le désarmement de toutes les milices au Liban, c’est à dire le Hezbollah.

Les Israéliens ont saisi l’occasion. Tout se tenait, le kidnapping était parfait pour les Israéliens, et ils ont saisi l’opportunité. De mon point de vue, je leur dirais de continuer dans la même voie. Ne pas céder tant que le travail n’est pas fini... J’ai quotidiennement suivi le déroulement des événements au cours des six dernières années, même quand ils n’étaient pas à la une. Et il n’y a jamais eu meilleure occasion pour marcher sur les lignes libanaises et syriennes.

Par «la ligne syrienne», voulez-vous dire changement de comportement ou changement de régime ?

Probablement changement de comportement, même si les choses peuvent empirer avant qu’elles ne s’améliorent. Les Israéliens et les Américains doivent y avoir leur rôle. Les USA devraient suivre l’expérience démocratique. Les Israéliens ne veulent pas changer le régime [1].

WWW.IRAN-RESIST.ORG