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Le Figaro : La démocratie à Téhéran, un rêve d’étudiants ?
11.07.2005

Le Figaro | Débats & Opinions | 11 Février 2004 | Kaveh Mohseni, responsable de la Section Française du Comité de Coordination du Mouvement Estudiantin pour la Démocratie en Iran (www.daneshjoo.org)



L’Iran offre aujourd’hui l’image d’un pays complexe et les nouvelles qui parviennent aux français ajoutent à la confusion plus qu’elles n’informent. La tragédie de Bam a passionné les français qui ont généreusement aidé l’Iran. Elle a même incité le président du Groupe UMP, Jacques Barrot à rappeler la nécessité du soutien français à la «Démocratie Islamique» des réformateurs iraniens.

Le Voyage au pays des Mollahs, diffusé par Envoyé Spécial (diffusé le 15 Janvier dernier sur France 2), a été notre droit de réponse à Jacques Barrot mais aussi à l’ensemble des média de gauche et de droite, aux membres du gouvernement français et aux partis d’opposition qui ont tous adopté une même et commune approche de la situation politique en Iran. Une approche érronée qui ne prend pas en compte les efforts du peuple iranien qui n’a eu de cesse de dénoncer ces atroces crimes contre l’humanité perpétrés en Iran sous un gouvernement prétendument réformateur.

Le Voyage au pays des Mollahs fut terrible. Cet homme harnaché à un lit à qui on arrache méticuleusement les deux yeux l’un après l’autre, cet autre auquel on sectionne les quatre doigts d’une main avec une petite guillotine, cette femme qu’on lapide, ces jeunes gens pendus sur une place publique à des grues, ces images récentes envoyées à l’opposition laïque via internet ont démenti les déclarations de Villepin et de ses prédécesseurs, tous très éloquents sur les améliorations du régime grâce aux réformes. Elles ont en 20 petites minutes montré l’échec cuisant de la diplomatie française, de son «dialogue critique», de son «dialogue constructif», elles ont discrédité les « réformateurs » accusés d’un mutisme complice et chacun a réalisé avec frayeur que Khatami n’a été qu’un alibi politiquement correct justifiant les relations avec l’Iran.

Hélas, ces images dérangeantes et ce qu’elles laissaient supposer ont été tranquillement «zappées» par les journalistes et les commentateurs des médias, de gauche ou de droite, ainsi que par les membres du gouvernement français et des partis d’opposition et chacun s’est empressé de réaffirmer son soutien aux réformateurs iraniens oubliant un peu vite que les iraniens qui subissent cette répression savent depuis très longtemps qu’ils ont été trompés par Khatami, ils savent que le régime des mollahs n’est pas réformable et ils savent que le dialogue constructif a été et continue d’être une belle hypocrisie complaisante.

Nous nous adressons à ceux qui ont vu le Voyage au pays des Mollahs pour les mettre en garde contre cette pensée unique qui les trompe car pendant que l’opinion française reste naïvement persuadée que le salut pour l’Iran réside dans un avenir avec ses «réformateurs», en Iran, une autre voie s’est dessinée : la Troisième Force. Elle est née des mouvements estudiantins. Elle s’est ancrée peu à peu au plus profond de la société iranienne.

En persistant à réaffirmer leur soutien aux réformateurs iraniens, les hommes politiques français contribuent à encourager la méfiance des masses iraniennes vis-à-vis de la France, méfiance qui risque de durer de longues décennies, ce que nous regrettons sincèrement, mais les iraniens ont le sentiment d’être rejetés par la France et par sa classe politique.

Alors que la France et l’UE étaient fort occupées à promouvoir les réformateurs quitte à déformer la réalité et à dissimuler les preuves accablantes qui les entachaient dans l’opinion publique de leur pays ; les Enfants de la Révolution, les jeunes iraniens de la Troisième Force ont tiré les leçons de leur révolte, de la molle réaction de l’UE et se sont adaptés à une réalité diplomatique résolument hostile. Les étudiants iraniens ont mené une réflexion politique pour neutraliser la République Islamique et pouvoir en sortir et conduire les iraniens vers une démocratie laïque.

Cette réflexion a conduit au programme de l’Insubordination Civique. L’objectif du Comité de Coordination du Mouvement Estudiantin pour la Démocratie en Iran est de réunir les conditions nécessaires pour l’organisation d’un Référendum sous l’égide des Nations-Unies afin d’offrir à nos compatriotes l’opportunité de choisir, au suffrage universel direct, le régime qui leur semble le plus apte à rétablir une démocratie laïque et pluraliste en Iran, c’est-à-dire l’opposé de ce que nous avons en ce moment. Notre exigence est de rompre avec le régime et ses concepts, tout particulièrement avec les réformes qui ne sont qu’un paravent de politiquement correct pour perpétuer le régime sans remettre en cause son fondement tel que défini par Khomeyni lui-même.

En Février 2003, le Mouvement de l’Insubordination Civique a lancé un appel au Boycott des élections municipales : 93 % d’abstention. Ce fut un test et tous, nous nous sommes donné rendez-vous aux pseudo-élections de Février 2004, pour faire mieux que les 93 % de Février 2003. Comme à son habitude le régime essaye de détourner la grogne populaire. Au lieu d’écouter la grogne et d’y répondre, gangrené par son fascisme naturel, le régime falsifie la réalité, feint refuser certaines candidatures, les dociles réformateurs s’engouffrent dans la brèche, menacent de démissionner ! Pire ils veulent boycotter les élections assimilant à merveille ce fin mot de Cocteau : Devant ces faits qui nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs…

Qu’importe finalement si encore une fois ces faux réformateurs, les conservateurs et leurs protecteurs de l’Union Européenne s’approprient cette victoire annoncée du Mouvement de l’Insubordination Civique et de la Troisième Force. Les Enfants de la Révolution savent qu’ils ont gagné et le régime sait qu’il est perdu.

«Méfions-nous des noyés qui s'accrochent et qui nous noient», disait Cocteau. Comme ce mot exprime bien le vœu ardent des Enfants de la Révolution : Ils souhaiteraient être écoutés, entendus et soutenus par les français, si c’est le cas le gouvernement suivra, c’est la loi de toute véritable démocratie, la loi de la Cinquième République.

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