Accueil > Mollahcratie expliquée > Enquête sur l’exécution d’une adolescente mineure en Iran



Enquête sur l'exécution d'une adolescente mineure en Iran
30.07.2006

Un documentaire de la télévision anglaise a rassemblé les détails entourant le cas d’une jeune fille de 16 ans exécutée il y a deux ans.



Le 15 Août 2004, Atefeh Sahali (ou Rajabi) avait été pendue sur une place publique de la ville de Neka. Sa condamnation à mort avait été prononcée pour « crime contre la chasteté ». Les journaux gouvernementaux l’accusaient d’adultère et disaient qu’elle avait 22 ans. En fait elle n’en avait que 16 et n’était pas mariée.


La charia

On estime que l’Iran est le deuxième pays au monde derrière la Chine pour le nombre des exécutions en 2004. L’année de la pendaison d’Atefeh, 159 autres personnes furent tuées en Iran en application de la loi islamique de la charia et après un procès dans un tribunal présidé par des religieux. Depuis l’avènement de la république islamique, la charia est la source principale du code pénal iranien. En tant que signataire de la Convention Internationale des Droits Politiques et Civils, l’Iran s’est engagé à ne pas condamner à mort les personnes de moins de 18 ans. Mais les tribunaux religieux n’ont pas à rendre de compte au Parlement, ils sont sous la protection du Guide Suprême (Ali Khamenei) ou littéralement le Tuteur. En islam, les femmes, les mineurs, les attardés mentaux et les aliénés ont besoin d’un Tuteur. Le système politique en vigueur en Iran suppose que le peuple doit être soumis à un Tuteur.


Code d'honneur ?

Au moment de l’exécution d’Atefeh à Neka, la journaliste Assieh Amini a appris que cette fille n’avait que 16 ans. Assieh a alors commencé à enquêter sur elle. « Quand j’ai rencontré sa famille, elle m’a remis une copie de son acte de naissance et de son acte de décès et les deux établissaient qu’elle était née en 1988. C’est ce qui m’a décidé à continuer plus avant mes recherches. Comment une adolescente si jeune avait pu être exécutée et comment avait-elle pu être accusée d’adultère alors qu’elle n’était pas mariée ? »

Atefeh avait été profondément troublée par la mort de sa mère alors qu’elle avait juste cinq ans et par l’absence d’un père toxicomane. Elle avait eu une enfance difficile. Elle avait aussi été la seule à prendre soin de ses grands parents alors que ceux-ci ne lui témoignaient jamais d’affection. Dans une petite ville comme Neka, fortement sous l’emprise des autorités religieuses, Atefeh a souvent été vue en train d’errer sans but. Il ne fallut donc pas attendre longtemps pour qu’elle attire l’attention de la « police de moralité », une branche des Gardiens de la révolution dont le seul but est de faire régner l’ordre islamique dans les rues de l’Iran.


Liaison secrète

Se faire arrêter par la police de moralité est une chose très commune pour beaucoup d’adolescents en Iran. Elle fut arrêtée pour s’être rendue à une soirée où il y avait de la musique. Elle était seule dans une voiture avec un garçon, ce qui constitue un délit en Iran si les deux personnes n’ont pas de liens familiaux. Pour ce délit, Atefeh, à peine âgée de 13 ans, reçut alors sa première punition : une centaine de coups de fouets et quelques semaines de prison pour « crime contre la chasteté » ! Pourtant la nature exacte de son « crime contre la chasteté » ne figure dans aucun dossier. De retour chez elle, elle a raconté qu’elle n’avait pas seulement été fouettée mais aussi violée par les miliciens de la police de moralité. A partir de cette première arrestation, Atefeh avait été « repérée » et devint l’esclave sexuel d’un homme trois fois plus âgé qu’elle. De façon régulière elle fut violée par Ali Darabi, Gardien de la révolution, membre de la police de moralité et accessoirement marié et père de famille. Elle ne parla jamais de cette « relation », mais elle rentra alors dans une spirale d’arrestations et de viols...


Pétition locale

Les circonstances de la quatrième et dernière arrestation d’Atefeh ne sont pas banales. Selon la trop fameuse police de moralité, une pétition locale leur serait parvenue la dénonçant comme « source d’immoralité et mauvais exemple pour les écolières de la ville ». Mais la pétition retrouvée ne comportait que la signature des miliciens qui l’avaient arrêtée. Trois jours plus tard, Atefeh avait été déférée devant un tribunal de la charia présidé par Hadji Rezai, responsable de la justice islamique de Neka. Il n’existe aucun rapport des auditions d’Atefeh, mais on sait qu’elle a raconté à cet homme sa relation imposée avec Ali Darabi.

Alors que selon la charia l’âge du consentement sexuel pour les filles est de neuf ans (en cas de mariage au même âge), il est très difficile de faire admettre le viol à la justice fondée sur la charia (littéralement : loi islamique). La parole de l’homme primant sur celle d’une femme, ceux-ci n’ont qu’à dire qu’elle était vêtue improprement où qu’elle les a tentés pour être entièrement disculpés.


Cour d'Appel

Le cas d’Atefeh était désespéré sous une telle justice. Dans son désespoir, elle s’en prit au juge et lui jeta son voile à la face. Ce fut un geste fatal et elle fut condamnée immédiatement à la pendaison alors que le milicien Darabi de son côté écopait de 95 coups de fouet. Peu de temps avant son exécution mais à l’insu de sa famille des documents furent fournis à la cour d’Appel établissant qu’elle n’était pas mineure et avait 22 ans.

Selon le père d’Atefeh, ni le juge ni son avocat n’ont cherché à connaître son age véritable et un témoin l’a regardé attestant que vu son physique elle avait 22 ans. Et c’est Rezai en personne qui a transmis le document à la cour d’Appel. Et à six heures du matin, on lui a passé le noeud coulant autour du cou avant que la sempiternelle grue ne l’élève dans le ciel pour qu’elle meure de pendaison.


Souffrance et mort

Durant le tournage du documentaire, des équipes ont tenté de prendre contact avec le juge Hadji Rezai, mais ce dernier n’a jamais daigné répondre aux questions. Amnesty International a fait savoir que les exécutions en Iran avaient augmenté depuis l’arrivée d’Ahmadinejad au pouvoir et de sa volonté de retour au puritanisme initial de la révolution. Mais en 2004 Ahmadinejad n’était pas au pouvoir, au contraire la république islamique était présidée par Khatami, un homme que l’occident voulait imaginer comme modéré. Dernier détail, le père d’Atefeh n’a pas eu le droit d’aller dire adieu à sa fille et il cherche toujours aujourd’hui à comprendre pourquoi.


En 2004, Shirin Ebadi n’a rien tenté pour sauver Atefeh ou même pour alerter le monde… étonnant pour une femme qui a reçu un Prix Nobel pour son action en faveur des mineurs en Iran ! Et finalement, en 2004, Delphine Minoui n’a pas consacré un article au cas d’Atefeh et ce malgré la campagne que nous avons menée en France pour faire connaître son cas. Le rappel de la courte vie violée d’Atefeh s’adresse à Alexandre Adler, porte-parole hebdomadaire de Khatami et Rafsandjani en France.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

[Recherche Par Mots Clefs : Etre Jeune en Iran ou violence contre les mineurs]

Pour en savoir + sur la charia :
- Statut des Femmes Iraniennes depuis 1979

[ ou bien Recherche Par Mots Clefs : Misogynie Institutionnelle]