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Iran : Poutine sur la corde raide
17.06.2006 ... [La Fuite en Avant]

Vladimir Poutine affiche son amitié à l’égard de la république des mollahs d’une manière trop ostentatoire pour n’y voir que la marque d’une sympathie sincère entre deux états voisins. En réalité chacun utilise l’autre comme un atout dans sa politique « américaine ».



Les mollahs veulent obtenir des Garanties de Sécurité et les Russes désirent entrer à l’OMC. Les premiers veulent seulement les Garanties Américaines et les seconds doivent résoudre un veto américain. Les Mollahs sont un atout dans le jeu des Russes qui les utilisent comme un Joker et ils n’ont d’ailleurs de cesse d’exhiber cet atout.

Hier à Shanghai, Poutine affirmait le droit de l’Iran à utiliser le nucléaire (civil) en félicitant Téhéran d’avoir réagi favorablement à l’offre présentée par les P5+1, il enchaînait avec l’annonce de la participation de Gazprom à un projet du gazoduc entre l'Iran et l'Inde via le Pakistan, sachant que le projet déplaisait aux Américains.

Parallèlement, les mollahs mènent la vie dure aux soldats américains en Irak en armant et finançant les groupes terroristes sunnites, mais aussi les troupes shiites de Sadr [1] et de Badr [2]. Ils encouragent la guerre civile, les tueries et au besoin organisent des attentats pour raviver la haine entre les deux communautés.

L’objectif de cette guerre (des nerfs) est de contraindre des Etats-Unis à les reconnaître comme leur principal interlocuteur régional. Cette reconnaissance est aux yeux des mollahs la Garantie que les Américains accepteront de négocier à leurs conditions au sujet de l’Irak, du nucléaire, du Liban, bien sûr de l’avenir de la Syrie, ainsi de suite : le nucléaire deviendra ainsi un problème périphérique et secondaire faisant partie d’un package global (comprenant Israël).

Evidement si les USA acceptent des négociations partielles au cas par cas, ce sera amplement suffisant pour les mollahs qui sont prioritairement à la recherche d’une reconnaissance de leur leadership régional pour s’assurer une place de choix dans la direction de Jihad par rapport à leur concurrent Saoudien. Il y a plusieurs objets de différentes importances, mais essentiel pour les mollahs est de se retrouver enfin face à une délégation américaine de la plus haute importance. Pour cela, ils n’ont d’autres choix que de se montrer le plus impitoyable en Irak et le plus intransigeant sur le nucléaire.

Cette attitude convient à la Russie qui surfe sur la même vague et s’est placée idéalement en position d’arbitre. Elle a d’importantes ressources énergétiques et ne sera pas touchée par une pénurie de pétrole, bien au contraire, elle en sera ravie car l’augmentation des prix lui sera favorable. Elle ne peut que réunir les conditions nécessaires à l’Iran pour s’enfoncer d’avantage dans sa stratégie jusqu’au-boutiste. La Russie affiche son soutien et l’encourage à défier la volonté américaine sur tous les plans, y compris ce pipeline Inde-Iran. La Russie utilise son atout iranien pour excéder à son tour les Américains afin de négocier son droit d’entrée à l’OMC.

Officiellement, cette entrée est sans cesse remise en question par les Américains pour des problèmes techniques comme : la violation des droits de propriété intellectuelle des oeuvres musicales et audiovisuelles ou encore les droits de douane pour l’aéronautique civile, mais l’appui affiché des Russes au régime des mollahs et leur double jeu au sein du Conseil de Sécurité joue également en défaveur des Russes. Ces derniers, comme les mollahs, sont obligés d’être jusqu’au boutiste. Les Russes confirment sans cesse leur amitié aux mollahs qui continuent, à leur tour, leur propre politique de nuisance (tout spécialement) en Irak.

Ce jeu de massacre n’échappe à personne et la Russie est sur la corde raide, encore plus que les mollahs. Ce jeu ne convient pas aux Chinois qui sont l’allié des Russes, il ne convient pas non plus aux Européens, qui laissent faire la Russie, heureux de faire endosser l’échec des négociations à l’infréquentable M. Poutine.

N’oublions pas que les plus grands partenaires économiques des mollahs sont les Européens : ils ne veulent pas de sanctions contre leur plus important partenaire et fournisseur de pétrole. Longtemps les Européens ont utilisé Poutine pour éviter les sanctions contre l’Iran, ce pays le savait et ses dirigeants enturbannés ont multiplié les provocations car ils avaient la certitude que hormis les Etats-Unis, les autres membres du Conseil de Sécurité n’étaient engagé à les sanctionner.

Aujourd’hui il y a un changement, les Européens réalisent que les mollahs les ont utilisés pour retarder les sanctions afin d’améliorer les performances de leurs activités nucléaires, ils sont passés à la vitesse supérieure et ont émis (mollement) des propositions qui selon leurs propres définitions ne mentionnent aucune sanction ou menace. Cependant, ils ont réalisé que les Russes suivaient leurs propres intérêts !

Incroyable découverte des stratèges du Quai d’Orsay ! Hélas, c’est la France qui avait exigé que le dossier des négociations nucléaires soit transmis aux Russes à la suite de l’échec de la Troïka. C’est la France qui est à l’origine du retour de la Russie au premier plan et du rôle d’arbitre qu’elle s’est attribué dans le dossier nucléaire iranien. L’importance de cette crise tient à la situation géopolitique de l’Iran.

Au bout du tunnel, l’Iran basculera dans un camp ou dans l’autre à moins qu’il ne s’affirme comme un état nucléaire et terroriste qui contrôlera un large territoire allant du Liban au Pakistan en passant par l’Irak et l’Afghanistan ; auquel cas, il ne sera pas non plus dans le camp occidental. Chacun des 3 grands (Etats-Unis, Russie, Chine) est conscient de l’importance des enjeux.

L’Iran durcit le ton et se radicalise pour plier Bush ou forcer les Etats-Unis à l’accepter comme un interlocuteur régional, les Russes encouragent ce radicalisme à têtes multiples pour chasser les Américains du Moyen-Orient ou obtenir leur entrée à l’OMC et l’Europe est une spectatrice partisane qui n’arrive pas à saisir le danger d’une alliance Iran (islamique) - Russie.

Les Russes, plus que les mollahs, sont sur la corde raide : les déclarations amicales de Poutine vis-à-vis des mollahs, qui sont loin de satisfaire les Européens, les Américains ou même les silencieux Chinois, le confirment. C’est le trop plein de confiance de Poutine qui le trahit.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

Pour en savoir + :
- Derrière l’Iran, la Russie attend son heure de retour
- (30.05.2006)

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[1à propos de Moqtada Sadr : Moqtada Sadr est en visite officielle en Iran.

[2Les Brigades Badr, bras armé du CSRII ou le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak. Le CSRII a été fondé en 1980 en Iran.