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La provocation de Téhéran
11.08.2005

Par Kenneth Weinstein,vice-président exécutif du Hudson Institute (Washington-DC).



Dans un contexte de transformation du Moyen-Orient, la décision iranienne de reprendre les activités de conversion de l’uranium dans les installations d’Ispahan - une étape clé vers l’enrichissement - représente une menace et une provocation. L’éventualité d’un Iran nucléaire doit être combattue par les démocraties.

Souvenons-nous qu’au mois de mars, l’Administration Bush a transformé l’approche de la politique américaine à l’égard de l’Iran. Ayant appris, lors de sa première visite officielle en Europe, en tant que ministre, que les alliés des Etats-Unis voyaient dans notre politique une menace sur la résolution du dossier nucléaire iranien, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice a décidé de soutenir sans réserve les efforts des trois Européens (UE 3) - la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne - en vue de garantir la suspension du programme nucléaire iranien. Nous, Américains, avons même écarté nos objections à l’entrée de l’Iran dans l’Organisation mondiale du commerce.

Mais la décision iranienne, annoncée la semaine dernière, marque l’échec des négociations des trois Européens soutenus par les Etats-Unis. L’Iran a décidé de profiter du temps de la négociation pour relancer son programme afin de faire monter les enchères. Nous sommes maintenant tous mis en demeure de repenser notre stratégie.

L’Iran ne doit, en aucun cas, être récompensé de son chantage nucléaire. Et toute concession ne doit être consentie que dans la mesure où le régime des ayatollahs accepte une fois pour toutes l’abandon de son programme.

Si tel n’est pas le cas, les Etats-Unis et les UE 3 devront rester fermes et prendre leurs responsabilités en considérant que c’est la nature même du régime qui en fait une menace. L’heure approche où il va nous falloir renvoyer le dossier iranien au Conseil de sécurité des Nations unies, comme le prévoyaient, au départ, les négociations des EU 3.

Les récentes élections iraniennes au cours desquelles tous les candidats réformateurs ont été balayés de la course par le Conseil suprême, montrent paradoxalement l’exaspération du peuple iranien face au régime. L’élection de l’extrémiste Ahmadinejad atteste que les gardiens de la révolution regagnent de nouveau en importance : manifestations dans les grandes villes de l’Iran, des Kurdes dans le nord de l’Iran aux Arabes dans le sud...

Ce régime à bout de souffle a donc cherché à se doter d’un programme nucléaire depuis des années (et ce, bien avant la politique américaine de « regime change » ), afin d’augmenter ses chances de se maintenir. Il faut dire clairement que la seule façon pour l’Iran d’être pleinement accepté sur la scène internationale est d’entreprendre des réformes sérieuses, d’abandonner toute velléité nucléaire, de cesser son soutien au terrorisme et d’accepter l’extradition de certains responsables d’al-Qaida en résidence surveillée sur son territoire.

Toutefois, des négociations ou un éventuel passage au Conseil de sécurité des Nations unies ne peuvent être efficaces si les pays négociateurs ne sont pas prêts, en cas d’échec, à recourir à la force. De la même manière, le Conseil de sécurité ne doit pas nous ralentir dans notre action : dans le cas de figure où une minorité de blocage viendrait à émerger (par l’effet d’un veto chinois ou russe), il conviendrait alors de passer outre pour assurer la paix.

Alors que le Moyen-Orient fait face à de grandes transformations, le jeu iranien vise à ralentir ces progrès. La coopération irano-syrienne, toujours intense, s’est intensifiée après l’assassinat de Rafic Hariri ; les deux nations travaillent main dans la main pour s’opposer aux efforts franco-américains en faveur de la renaissance d’un Liban démocratique. Par le biais du groupe terroriste Hezbollah, basé en Syrie, mais subventionné par l’Iran, Téhéran et Damas essaient de déstabiliser le régime du président Mahmoud Abbas et de faire dérailler la tentative de paix entre Israéliens et Palestiniens.

En Irak, les forces de la coalition se battent contre une « résistance » tout sauf irakienne, car alimentée de contingents venus de pays comme l’Arabie saoudite et l’Égypte, et consciente de la menace que représenterait pour elle l’installation d’une démocratie en Irak. Une démocratie qui pourrait, de surcroît, servir de modèle à la région en marginalisant les islamistes tirant bénéfice des dictatures et de la propagande antioccidentale de leurs pays. En Arabie saoudite, le roi Abdallah, investi de tous les pouvoirs, n’a plus d’excuses pour renoncer à mener à bien les réformes qu’il promet depuis des années à son peuple. Il serait aussi temps pour les Saoudiens de mettre fin à leur double langage sur le terrorisme, le condamnant d’un côté, tout en promouvant, de l’autre, le wahhabisme par tous les moyens. En Égypte, Moubarak a fait le choix de « window dressing » (donnant l’apparence des élections libres), pour rendre les élections concurrentielles et instaurer un débat dans la vie politique égyptienne.

Dans tous ces pays, les progrès ne sont pas suffisants. Il est cependant urgent de se défaire du fatalisme et du cynisme qui tient lieu de politique dans cette région. Or une bombe nucléaire contrôlée par l’Iran serait le plus grand des encouragements donnés à tous les extrémismes. Elle signerait aussi la déroute des espérances des hommes de bonne volonté que compte le Moyen-Orient.

En fin de compte, soyons-en conscients, la menace d’un Iran nucléaire ne pèse pas seulement sur le Moyen-Orient, mais aussi sur l’Europe. Les missiles iraniens al-Shahib 3, déjà en existence, dotés d’une portée de 1 300 kilomètres, peuvent être équipés d’une capacité nucléaire et ciblés vers le continent européen. D’autres missiles iraniens, comme l’al-Shahib 4, par exemple, qui est en cours de développement, peuvent atteindre les grandes villes de l’Europe occidentale. Comme les Français l’ont bien compris, toutes les démocraties sont en danger ; les intérêts et les objectifs américains et français au Moyen-Orient (comme dans le reste du monde) sont fortement menacés par les velléités iraniennes. Il nous faut être prêts à relever ce défi.

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