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Wall Street Journal: Reza Pahlavi, un Démocrate Royal
05.06.2006

C’est un jour noir pour les patriotes iraniens. Lundi, l’ambassadeur des USA auprès de l’ONU, John Bolton, a suggéré que si l’Iran des mollahs arrêtait ses activités pour obtenir une bombe atomique ce pays pourrait revenir aux affaires.



Joignant sa voix, jeudi Condoleezza Rice a dit que les USA étaient prêts à discuter directement avec Téhéran si l’Iran cessait réellement son programme d’armement.

Une fois l’effet de surprise estompé, il semble bien que les USA n’ont pas seulement commis l’erreur de s’engager sur une voie perdu d’avance. Les USA s’engagent dans une stratégie qui ne peut que conforter le régime révolutionnaire des mollahs tout en mettant sur la touche la seule force capable de le stopper : les iraniens eux-mêmes.

C’est du moins ce que je pensais que Reza Pahlavi me dirait lorsque je l’ai appelé jeudi pour avoir ses commentaires sur les propos de la Secrétaire d’État et pour continuer une conversation que nous avions commencé la semaine dernière. Mais M. Pahlavi, très diplomatiquement ainsi qu’il l’est devenu au cours du quart de siècle passé depuis que son père le Shah d’Iran a été déposé en 1979, a simplement dit : « globalement… un bon geste de Washington ».

Pour quelle raison ? « cela forcera une fois pour toute la main de Téhéran » et prouvera que « le régime théocratique est irrémédiablement engagé dans son programme d’enrichissement à double usage, qu’il cherche à gagner du temps en usant duperie et duplicité, cela prouvera son incapacité et son non désir d’être un partenaire digne de confiance dans la diplomatie ».

Ensuite M. Pahlavi a évoqué la stratégie que les iraniens de l’intérieur et de l’extérieur avaient demandé avec insistance et depuis des années aux instances occidentales d’adopter : « il ne peut y avoir qu’une pression intérieure sur le régime... et il faut soutenir les partisans de la démocratie et des droits de l’Homme en Iran. Il n’y a pas d’autre réponse ».

M. Pahlavi doit le savoir, et pas seulement parce qu’il est le fils de Mohammed Reza Pahlavi, l’homme qui a longtemps fait de l’Iran le pivot de la stabilité du Moyen-Orient et qui s’est lancé dans une course à la modernité et la prospérité. Avoir un nom connu aide mais Internet aussi. Depuis sa maison de Washington, Reza Pahlavi est en contact permanent avec le peuple dans toute sa patrie, y compris avec des étudiants qui se tourne vers lui pour débattre l’Iran moderniste d’avant la révolution, mais aussi sur une démocratie future.

En bref, M. Pahlavi comprend plus facilement ce que le reste de la communauté internationale refuse de voir ou de comprendre.

« Il n’y a rien à propose (mesures incitatives – ndlr) qui puisse faire changer la république islamique » me disait-il durant le Week-end du Memorial Day. « Ils ont l’obligation de faire ce qu’ils font, d’abord et par-dessus tout parce qu’il s’agit d’un système totalitaire. Ils doivent maintenir un mouvement de rue en leur faveur en continuant le processus. S’ils se servent du slogan de l’enrichissement pour maintenir le peuple mobilisé, c’est parce qu’à la minute où ils céderont dessus ils perdront leur garde prétorienne. Donc il n’y a aucune raison qu’ils cèdent sur ce point ».

Ni la menace de sanctions ni la promesse d’une aide ne feront bouger le régime ajoute t-il. « Il n’y a pas d’incitation économique que l’on puisse leur proposer, parce que l’on ne s’adresse pas à un état conventionnel dans le sens où il est comptable, responsable et protecteur des citoyens vivant dans ses frontières. Le bien être du peuple ne les intéresse pas. Ils peuvent envoyer 100 millions de $ au Hamas en Palestine alors que des iraniens meurent de faim dans les rues. Ils peuvent ne pas s’inquiéter pour leur économie aussi longtemps qu’ils ont de quoi alimenter la machine de guerre ».

« Vous ne pouvez même pas leur offrir une garantie de sécurité, ils n’en ont cure. Pour eux la guerre est un cadeau de Dieu. Ahmadinejad nous parle de l’Armageddon. Il nous parle de préparer le terrain pour le retour du 12° imam des chiites, un 12e imam qui revient sur terre pour apporter stabilité et paix après un cataclysme majeur. Ils y croient véritablement ».

M. Pahlavi explique qu’en attendant que cela se produise, la perspective de négociation avec les USA est une aubaine pour le régime. Les dirigeants iraniens vont pouvoir dire : « regardez nous, nous avons fait face au Grand Satan... et que s’est-il passé ? Nous lui avons fait mettre genou à terre, nous l’avons obligé à se mettre à la table des négociations ».

Et pour Téhéran la fin de l’aventure est très simple : « Quel est le but ultime pour eux ? Ils veulent réaliser ce que les Soviétiques n’ont pas réussi, le contrôle du Moyen-Orient et donc de l’économie du monde occidental. En encerclant le Golfe Persique, en s’institutionnalisant eux-mêmes avec leurs inféodés agissants partout pour eux, en nous mettant devant un fait accompli obliger le monde entier à compter avec eux. Bien sûr si en plus ils obtiennent la bombe atomique leur force de dissuasion sera encore plus dangereuse ».

Reza Pahlavi qui a 45 ans a vu le danger dans sa propre vie. Il était scolarisé aux USA quand ses parents ont fui l’Iran et les a rejoint en exil. Et après la mort de son père en Égypte en 1980, il est devenu lui-même une cible dans la campagne de diabolisation du nouveau régime. Aujourd’hui tout en ne donnant pas son adresse, il ne s’entoure plus d’un bataillon de gardes du corps. Dans son agréable demeure du Maryland, les photos de ses royaux parents sur une table sont les seuls signes visibles de son héritage.

M. Pahlavi est tellement concentré sur le devenir de l’Iran qu’il préfère ne pas perdre son temps sur le passé. Même lorsque je lui demande ce qui serait différent aujourd’hui si la révolution ne s’était jamais déroulée, il pointe des faits qui semblent encore pires avec le recul qu’ils ne semblaient alors. « Les russes n’auraient sûrement pas envahi l’Afghanistan de la façon qu’ils l’ont fait et Saddam Hussein n’aurait sans doute jamais attaqué l’Iran… ».

« Du Soudan à n’importe où que vous pensiez, il y a eu des actes terroristes, des maisons détruites à Khobar, le quartier général des Marines dynamité à Beyrouth, partout... Si vous regardez le monde et comment il était avant que ce régime ne s’installe , vous voyez qu’il n’y a jamais eu ce genre de problèmes ».

Mais une solution à tout cela semble se faire jour dit M. Pahlavi et elle viendra du peuple iranien. En fait insiste t-il, il n’y a qu’une chose que l’on doive dire à Téhéran la belliqueuse, la seule chose que le monde extérieur peut faire et de dire au régime islamique : « nous allons sérieusement aider les opposants de l’intérieur contre vous. Et c’est la seule façon que le guide suprême Khamenei et les autres cèdent. Parce que rien d’autre ne les terrorise plus. La seule chose qu’ils craignent c’est le peuple lui-même ».

Des révolutions pacifiques se sont déroulées avant et ailleurs alors pourquoi, se demande-t-il, l’occident n’investirait pas sur le peuple iranien ?

Pourquoi les occidentaux ne nous aiderait pas de la même façon qu’ils ont soutenu des mouvements en Europe de l’Est qui ont défait les gouvernements communistes protégés de Moscou.

Les dissidents iraniens sont partout : dans les universités, dans les usines, dans les bureaux, dans les forces armées conventionnelles et il ajoute qu’il y a des milliers de cellules, chacune essayant de faire pression comme elle peut mais avec des ressources limitées. Imaginez les poids cumulés de tous ces groupes de résistants dans un mouvement pacifique de désobéissance civique. Je ne crois pas en un changement violent, on peut commencer par faire pression sur un seul point qui paralyserait le système jusqu’à son effondrement.

Il pourrait être facile de considérer M. Pahlavi comme un exilé plein de rêves s’il n’y avait pas une telle évidence de la montée du mécontentement iranien, avec ses manifestations estudiantines et ses grèves des travailleurs et autres démonstrations dans les rues, mais le malaise n’est pas toujours synonyme de force de changement.

Pourtant comme de nombreux opposants iraniens il a des rasions de croire que cela pourrait l’être. Les gens en Iran sont parmi les orateurs les plus occupés du monde, ils parlent de leurs maux en essayant de se faire entendre par qui veut les écouter : « ils veulent avoir la justice, ils veulent l’égalité, ils veulent la liberté d’expression, ils veulent avoir une meilleure vie, ils veulent être en contact avec le monde évolué, ils aiment la modernité… et ils savent que le seul obstacle entre eux et le monde libre est ce régime.

Lorsque l’on discute avec les jeunes ils vous répondent qu’ils n’ont plus de craintes et qu’ils n’en sont plus là, qu’ils se battent et qu’ils ont besoin de soutien et de reconnaissance pour que cela incite à d’autres actions en Iran ».

Aider l’opposition au régime à l’intérieur de l’Iran semble être une option très intelligente tout spécialement quand on regarde ce qui se passe aujourd’hui en Irak - imaginez combien cela aurait été mieux de remplacer Saddam par des Irakiens qui auraient décidé de se rassembler pour une cause commune et avec des buts communs.

C’est aussi une option beaucoup moins aléatoire et destructrice qu’une attaque militaire contre le régime actuel ou ses installations nucléaires.

M. Pahlavi semble horrifié d’y penser et non seulement parce qu’il aime son pays. Il a beaucoup d’objections à faire valoir à commencer par le fait que le guide suprême et le reste des membres du régime en seront les seuls bénéficiaires : « J’imagine que M. Khamenei est dans un coin en train de prier et espérer qu’une telle attaque se déroule. Il aurait alors toutes les cartes en main. Il appellerait sans doute à un autre djihad. Cela leur donnerait toutes les excuses pour détourner encore l’attention de leurs échecs. Ce serait le plus beau cadeau qu’on puisse leur faire ».

De plus il continue : « personne au monde ne croit vraiment qu’une attaque à grande échelle de l’Iran soit réalisable. Des tanks partant sur Téhéran, impossible ! Des attaques aériennes limitées dans le meilleur des cas ne réussiraient pas l’ensemble des missions et ne feraient que coaliser une colère populaire à leur encontre... Vous perdiez le soutien de nombreux nationalistes iraniens qui diraient qu’il s’agit d’une attaque contre l’Iran et pas contre le régime. Ils diraient que si vous voulez toucher le régime c’est contre lui qu’il faut mettre des sanctions, empêcher ses diplomates de voyager dans le monde, geler les capitaux et comptes bancaires de l’Iran mais aussi de ses prête-noms et amis ».

Effectivement pourquoi pas ? M. Pahlavi dit qu’il n’est pas l’ennemi de la diplomatie. Ce qu’il constate c’est le temps et les d’énormes efforts dépensés sur les dirigeants iraniens et le peu d’aide et d’attention accordées au peuple iranien. Et d’insister « ce n’est pas en envoyant la 6e flotte et en détruisant toute la marine iranienne que l’on obtiendra quelque chose, sans parler des pertes en vies humaines. C’est en aidant le peuple (la rue iranienne) : ils sont la meilleure armée qui soit capable de combattre contre ce mal et l’enlever de la terre ».

M. Pahlavi dit que dans un Iran démocratique il serait honoré d’assumer le rôle de Shah dans un système parlementaire, mais seulement si le peuple en faisait la demande. Il dispose d’une voix au moins, la charmante dame qui m’a guidé jusqu’à lui s’est adressée à son patron en tant que « Majesté ».

Nancy Dewolf Smith


[Recherche Par Mots Clefs : Reza Pahlavi]

[Recherche Par Mots Clefs : Mohammad-Reza Shah Pahlavi (le shah)]

[Les attentats des Tours de Khobar] Le 26 juin 1996, un camion piégé a provoqué une explosion de grande ampleur dans le complexe résidentiel des Tours Khobar à Dahran en Arabie Saoudite, lieu de résidence des membres de la U.S. Air Force.

Dix-neuf américains ont été tués et 372 autres blessés. L’opération a été menée principalement, et peut-être même exclusivement, par le Hezbollah saoudien, une organisation financée et armée par le régime des mollahs.

Le Washington Post du 28 Juin 1997 a révélé que les auteurs de l’attentat étaient associés à Ahmad Charifi, un commandant des Pasdaran. Par ailleurs, la Commission du 11 septembre a réaffirmé les déclarations du Washington Post.




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