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Ian Bremmer : Un point d'accord entre les USA et l'Iran !
24.05.2006

Ian Bremmer président de groupe Eurasia, consultant en politique-risque, qui est l’auteur de «The J Curve : A New Way to Understand Why Nations Rise and Fall» (Simon & Schuster) un livre qui va bientôt être publié, s’est livré à une intéressante analyse dont nous vous livrons les grandes lignes...



De nos jours, les points d’accord entre Washington et Téhéran se cherchent et ne se trouvent pas vraiment. Encore que les deux capitales semblent avoir un point commun, la volonté d’utiliser l’arme du pétrole dans le conflit sur le dossier du nucléaire islamicoiranien.

Les USA pensent que des sanctions sur les exportations iraniennes de pétrole pourraient contraindre Téhéran à renoncer alors que Téhéran imagine que ses menaces de couper ses exportations de brut dissuadera la communauté internationale de toutes sanctions.

La république islamique est le 4° exportateur mondial de brut et toute baisse de sa production influera sur le prix du brut, surtout avec la forte demande de l’Inde et de la Chine alors que le Nigéria a des difficultés de production. Par ailleurs on a vu qu’il suffisait d’un ouragan un peu fort pour mettre à mal les capacités de raffinage des américains, ce qui pourrait se matérialiser par un baril oscillant entre 80 et 100 $ alors que les derniers chiffres disent que 15 % des réserves mondiales de pétrole sont dans le sous sol iranien, un sous-sol encore plus riche en gaz qui en ferait la deuxième réserve mondiale. La menace iranienne n’est pas dénuée parce que ce pays a à sa disposition d’autres capacités de nuisances tant en Irak que via le Hezbollah et ses alliés palestiniens qui n’attendent qu’un ordre pour s’en prendre à Israël.

Le souci est que Téhéran n’a pas les moyens de dire ouvertement qu’il est derrière les actions de ces groupes et donc n’a réellement à sa disposition que l’arme du pétrole pour peser sur les négociations diplomatiques. De plus si l’Iran coupait les vannes de son pétrole, c’est sa propre économie qui en pâtirait, la moitié de ses revenus viennent du pétrole et cela représente les 3/4 de ses rentrées en devises. Un arrêt complet des exportations iraniennes serait dommageable aux amis de l’Iran (la Chine notamment) tout en augmentant les revenus de ses concurrents de l’OPEP ou la Russie. Téhéran peut toujours non pas couper ses exportations mais les diminuer.

D’un autre côté, les USA ne bluffent pas non plus et savent que l’Iran a beau être un exportateur, c’est aussi un importateur de pétrole raffiné. Et Washington sait que priver d’essence l’Iran est aussi une arme, le pays n’ayant pas le temps de construire des raffineries, sa croissance économique s’effondrerait tout de suite et les principaux bénéficiaires de cette croissance étant à ce jour les dirigeants du pays eux-mêmes. Washington pense que Téhéran serait plus dérangé que les USA en cas d’embargo pétrolier. L’Iran serait donc peu susceptible de dégainer l’arme du pétrole en premier mais ne pas hésiter à imposer des mesures punitives à un état allié des USA, Téhéran l’a déjà d’ailleurs annoncé en même temps qu’il disait qu’il pourrait revoir ses contrats pétroliers avec n’importe quel pays. Une cible potentielle est le Japon dépendant pour 20% de ses approvisionnements de l’Iran. Les Japonais ont un contrat d’exploitation du champ pétrolifère d’Azadegan qui serait le 2° gisement du monde : Téhéran n’a pas hésité à travers son agence de presse ISNA à menacer de transférer le contrat aux Chinois.

L’autre atout entre les mains de l’Iran serait de bloquer le Golfe Persique en coupant ainsi plus de 20% des exportations mondiales et la probabilité a été évoquée par un ministre de Téhéran... ce serait alors un casus belli et l’Iran sait que cela limiterait aussi ses moyens économiques. Mais d’un autre côté Téhéran prend les menaces de sanctions de l’ONU au sérieux de même que les risques d’un conflit militaire. Et maintenant que la probabilité d’user de l’arme du pétrole a été évoquée, son utilisation est probable.

Mais il y a des analystes américains qui pensent que le risque est moindre pour Washington d’accepter un Iran nucléarisé que de risquer une guerre du pétrole, des actions contre les intérêts américains. Selon eux l’Iran n’osera pas se servir de sa bombe contre Israël qui riposterait de la même façon dans la seconde. Par contre l’administration américaine craint bien d’autres choses, dont entre autres la vente par l’Iran de matériel et de savoir faire nucléaire aux groupes terroristes, mais aussi en cas d’effondrement du régime de Téhéran sous l’impopularité interne que les moyens nucléaires de ce pays ne se retrouvent sur le marché noir international.

Au cours des mois à venir les USA vont soutenir les sanctions de l’ONU, mais celles-ci semblent de plus en plus improbables. La Chine qui importe plus de 11% de son pétrole d’Iran et qui a des intérêts dans le gaz iranien et la Russie qui a l’Iran comme un de ses partenaires économiques principaux (mais aussi dans le domaine nucléaire) vont résister et risquent même d’user de leur droit de veto.

Si l’administration Bush décide qu’elle ne peut pas se servir de l’ONU pour contraindre l’Iran, alors elle cherchera d’autres moyens de pression y compris de rechercher des coalisés de bonne volonté prêts à couper tous liens commerciaux (y compris pétroliers) avec Téhéran. Cette stratégie dépendra du nombre de pays participants. Par ailleurs l’Iran et les USA discutent déjà directement sur le sujet de l’Irak et même si Téhéran a indiqué que le sujet du nucléaire ne sera jamais débattu, il est certain que l’administration US le ressortira dès qu’elle sentira l’Iran en position de faiblesse dans la discussion. Mais quand le thème du nucléaire sera évoqué, les deux parties camperont sur leurs positions intransigeantes.

Bien qu’ils soient d’accord sur au moins une chose, à savoir que le pétrole est une arme majeure, ils ne sont en fait d’accord sur rien d’autre et c’est une mauvaise nouvelle pour ceux qui espéraient une décrispation des prix du pétrole.

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Pour en savoir + :
- L'Iran peut-il véritablement perturber le détroit d’Ormuz ?
- (06.04.2006)

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Nous vous en avions parlé auparavant !

Sur la liste de menaces iraniennes :
- Les menaces ne font qu'isoler davantage l'Iran
- (09.03.2006)


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