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L'Iran à un moment crucial de son histoire
03.05.2006 [Edito du 28 Mars]

Hier, le vice-président iranien, Gholam-Reza Aghazadeh, n’a fait aucune proposition nouvelle lors de ses entretiens avec le directeur général de l’AIEA, Mohamed El Baradei. Le 29 mars, le Conseil de Sécurité avait demandé à l’Iran de suspendre complètement et durablement « toutes les activités liées à l’enrichissement et au retraitement » de l’uranium.



Aujourd’hui, Mohammed El Baradei doit remettre simultanément à New York et à Vienne un rapport, le neuvième en trois ans, sur l’état du programme nucléaire iranien. Il risque fort de répéter qu’il n’a pas été possible de statuer sur la nature exclusivement civile des intentions nucléaires iraniennes, cherchant à minimiser les avancées technologiques des mollahs dans le domaine de l’enrichissement. Cependant les mollahs ont violé le TNP bien avant d’avoir déclaré qu’il maîtrisait l’enrichissement.

Selon Thérèse Delpech, la directrice des Affaires Stratégiques au Commissariat à l’Energie Atomique, sur le strict plan du droit international, l’Iran est en infraction avec le Traité de non-prolifération. Depuis que l’on a appris à l’automne 2005 (ce que l’Iran a d’ailleurs reconnu) que les techniques (militaires) d’usinage et de moulage de l’uranium en hémisphères avaient été acquises par Téhéran auprès du réseau pakistanais d’A.Q. Khan [1], il y a bien une violation de l’article 2 du Traité de non-prolifération (TNP).

Ces hémisphères sont utilisés dans la fabrication des ogives nucléaires et dès lors, il y a bien eu une violation de l’article 2 du Traité de non-prolifération (TNP). Cette violation aurait pu autoriser une saisine directe du Conseil de Sécurité sans même passer par l’AIEA et El Baradei n’a pas utilisé cette violation pour mettre un terme à la crise nucléaire iranienne dès le mois de novembre 2005.

[Décodage] Pire encore, El Baradei continue de taire cette violation de l’article 2 du TNP. L’article 1 ne concerne pas les Etats Non Dotés d’Armes Nucléaires (ENDAN) et il rappelle les premiers devoirs des États Dotés d’Armes Nucléaires (EDAN).

L’article 2 (extraits du TNP) est le premier d’une série qui concerne les ENDAN : Tout État non doté d'armes nucléaires qui est Partie au Traité s'engage à n'accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d'armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ou du contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs; à ne fabriquer ni acquérir de quelque autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs; et à ne rechercher ni recevoir une aide quelconque pour la fabrication d'armes nucléaires ou d'autres dispositifs nucléaires explosifs.

La violation est flagrante, reconnue et sans appel ; pourtant El Baradei insiste sur ses propres interprétations de ses propres enquêtes : « Nous n’avons pas vu d’indication que du matériau nucléaire était ou avait été détourné pour développer des armes nucléaires ! », a déclaré El Baradei lors de sa dernière conférence de presse.

El Baradei élude la question des techniques et des plans militaires acquis clandestinement par les mollahs car cette violation condamnerait de facto le régime islamique ( [2]). Très probablement, El Baradei se contentera de reconnaître que l’Iran n’a pas satisfait les requêtes émises par le Conseil de Sécurité, rappelant le manque de coopération de Téhéran pour éclaircir les points d’ombre de son programme nucléaire, resté clandestin de 1984 à 2002. Rapport négatif, mais rien de nouveau.

De son côté, le régime des mollahs reste inflexible dans son refus de se plier aux exigences du Conseil de Sécurité. Il a la certitude que le rapport de El Baradei sera comme toujours ambigu et que par ailleurs ses alliés économiques resteront défavorables à des sanctions en se disant favorables à la voie diplomatique, ce qui exclue le recours à des sanctions ou les retarde.

C’est le cas pour la Chine, la Russie et l’Allemagne. La France et la Grande-Bretagne se disent désolées de ces refus, mais elles ne se pressent pas pour rejoindre la coalition internationale pour imposer des sanctions bancaires contre le régime des mollahs. Il s’agit donc de déclarations de circonstance sans réelle intention sincère.

L’enrichissement est une technique « duale » utilisée pour mettre au point du combustible nucléaire pour les centrales civiles mais pouvant également servir à fabriquer une bombe atomique. En début de processus, le gaz combustible contient 0,7% d’uranium 235. Cette proportion passera à 4% en cas d’utilisation dans une centrale électrique et à 90% si sa destination est militaire.

Or, il ne s’agit pas d’un processus linéaire : il est extrêmement plus complexe de passer de 0,7% à 4% d’uranium 235 que de 4% à 90%. Tout pays en mesure de produire du combustible pour usage civil peut sans difficulté en faire autant pour un programme d’armement nucléaire. L’Iran a annoncé le 11 avril avoir réussi à enrichir de l’uranium à 3,5%. La poursuite de la recherche signifie donc que les mollahs cherchent à maîtriser l’enrichissement pour un usage militaire.

Le refus de El Baradei à préciser ces détails techniques, et sa gène à évoquer le cas des plans acquis auprès de Libyens, ajouté à l’attitude des Chinois, des Russes, des Allemands, des Français et des Britanniques à vouloir éviter tout recours aux sanctions encourage le régime des mollahs à rester droit dans ses bottes. Le porte-parole actuel du régime, Ahmadinejad se laisse aller à son exercice préféré : la provocation sur tout et n’importe quoi.

L’Iran ne se soumettra pas à la pression et à l’injustice, a-t-il déclaré jeudi…. Nous ne nous soumettrons pas à l’injustice et à la pression. S’ils veulent violer les droits du peuple iranien, nous imprimerons le signe de la honte sur leur front… Nous voulons la paix et la sécurité et nous ne sommes une menace pour aucun peuple. Nous sommes prêts au dialogue pour désarmer les grandes puissances afin de renforcer la paix et la sécurité dans le monde. Un pacifisme à la mode hitlérienne.

Et quand nous entendons Merkel invitant la communauté internationale à « agir ensemble » par des « moyens diplomatiques », nous savons que notre pays sera le théâtre de sa propre déchéance et sommes désolés de constater que le monde semble plébisciter cette destruction.

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NB. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) et l’Allemagne devraient se réunir le 2 mai à Paris, au niveau des directeurs politiques des Affaires étrangères, c’est-à-dire au niveau des subalternes sans pouvoir de décision, pour étudier la possibilité de « sanctions graduées ». Nous pensons que l’objectif est de donner de nouveaux délais aux mollahs pour contribuer au pourrissement de la situation et à l’escalade afin d’appeler à des négociations en direct avec les Etats-Unis.Nous ne manquerons pas de suivre les propositions du britannique Sawers qui s’était fait remarquer par une attitude très conciliante envers le régime des mollahs (lire notre analyse de la proposition Sawers) (24 Mars 2006).

Si de telles négociations ont lieu, les bénéfices seront importants pour le régime des mollahs, que les négociations soient couronnées de succès ou d’un échec complet (lire notre analyse à ce sujet) (25 Avril 2006).

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Pour en savoir + sur les dernières évolutions :
- Coup de Théâtre diplomatique dans la crise nucléaire iranienne (19.02. 2006)

[Recherche Par Mots Clefs : La Bombe nucléaire Islamique]

Pour en savoir + sur le TNP :
- le Traité de Non Prolifération

[Recherche Par Mots Clefs : Merkel.]

[1Le réseau A. Q. Khan, la nébuleuse pakistanaise à l’origine d’un marché noir mondial du nucléaire.

[2El Baradei élude la question des Hémisphères : les motivations de El Baradei.