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La Russie tisse sa toile gazière tous azimuts
06.04.2006 [revue de presse commentée]

A l’heure où l’Union européenne évoque une diversification de ses sources d’approvisionnement, Moscou renforce son contrôle sur ses partenaires. IRAN-RESIST a également consacré quelques articles à l’offensive énergétique Russe et nous vous invitons à les lire pour compléter l’excellent article de Laure Mandeville.



A l’heure où l’Union européenne évoque une diversification de ses sources d’approvisionnement, Moscou renforce son contrôle sur ses partenaires. C’est un sujet que nous avions évoqué dans l’un de nos articles.

TROIS MOIS après le choc de la crise énergétique russo-ukrainienne, la Russie poursuit activement le tissage de sa toile gazière en Europe et au-delà. Ainsi, le président Poutine vient-il de se rendre à Budapest, Prague, Pékin et Alger, en brandissant ouvertement un agenda centré sur la question de l’« or gris ». A l’heure où l’Union européenne commence tout juste à parler de diversification à long terme de ses sources d’énergie et de ses routes d’approvisionnement pour échapper à une trop lourde dépendance de la Russie (50%), le Kremlin cherche à pousser au plus vite son avantage à court terme, en augmentant son contrôle sur les « tubes » et les réseaux de distribution de ses partenaires.

A Budapest et Prague par exemple, le président russe a vendu l’idée d’un partenariat qui, en donnant à ces capitales des capacités de stockage du gaz et un rôle central dans la gestion des routes gazières venant de Russie, les mettrait à l’abri d’un krach énergétique potentiel. La Chine, devenue en 2004 le second pays consommateur d’énergie après les Etats-Unis, s’est vue, elle, promettre une place de choix dans les projets à long terme de la Russie. Moscou peut ainsi tenir la dragée haute à ses partenaires européens en les menaçant implicitement d’un changement stratégique de « client ». Vladimir Poutine est même allé sonder les perspectives de partenariat énergétique avec l’Algérie, l’une des sources d’approvisionnement alternatives majeures de l’UE. Le Kremlin pratiquerait-il à la fois l’entrisme et l’encerclement ?

Les grandes manoeuvres de Gazprom, géant gazier étroitement contrôlé par le Kremlin, se déploient en tout cas dans toutes les directions. Déjà présente dans les compagnies énergétiques des pays de l’ex-URSS et de plusieurs pays de l’Est, la compagnie russe semble en passe d’effectuer une percée majeure dans les réseaux de distribution d’Europe centrale, notamment en Hongrie.

La question de la dépendance

Gazprom s’intéresse aussi aux réseaux de distribution d’Europe occidentale. Actionnaire à 35% de la société allemande de distribution de gaz Wingaz, le bras énergétique du Kremlin louche maintenant sur les gazoducs belges. Gazprom a également annoncé vouloir assurer 10% de la distribution du gaz en France et serait candidat à l’acquisition d’une partie du capital de British Gaz.

La lettre confidentielle Russia Intelligence, estime qu’il ne faut pas prendre ces signaux « à la légère ». « Le statut de fournisseur incontournable de Gazprom l’incite à jouer un rôle plus grand encore, en s’impliquant directement dans la distribution d’énergie chez ses grands clients. » C’est le rêve d’une intégration verticale qui permettrait à Gazprom de tout contrôler : de la production à la distribution en passant par le transport. « Un scénario peu acceptable, note un diplomate français, car il poserait la question d’une dépendance politique dangereuse. »

Cette question de la dépendance, qui jusqu’à la crise ukrainienne n’était posée par personne, taraude désormais Bruxelles. Les principes affirmés lors du Conseil européen sur l’énergie des 23 et 24 mars – investissements dans des sources d’énergies renouvelables, réflexion sur le gaz naturel liquéfié (GNL), le nucléaire et le charbon propre... – visent à réduire cette dépendance. Mais « il s’agit de projets à long terme qui nécessiteront des investissements lourds. Penser qu’ils permettront rapidement de sortir de la dépendance russe est illusoire », note un expert. D’où l’importance, pour les Vingt-Cinq, de mettre en place un dialogue concerté sur l’énergie face à la Russie.

Mais les divergences entre Etats restent profondes sur la manière de dialoguer avec Moscou. La tentation est grande à l’intérieur de l’Union de s’entendre directement avec le Kremlin, par-dessus la tête des autres partenaires. La création du consortium russo-allemand sur le futur gazoduc de la Baltique, destiné à court-circuiter les routes passant par l’Ukraine, la Pologne et les pays Baltes pour relier directement le port russe de Vyborg à l’Allemagne, en a été un exemple éclatant. Varsovie, Vilnius et Riga ont été tenus totalement à l’écart des négociations sur ce dossier.

Un «Otan de l'énergie»

Reconnaissant qu’il y a problème, la Commission insiste pour arracher à la Russie la ratification de la Charte internationale de l’énergie, traité qui lui imposerait un cadre juridique. Mais la crise avec Kiev semble indiquer que la Russie n’est pas désireuse de se lier les mains, si elle peut diviser pour régner.

Ainsi répond-elle pour l’instant de manière ciblée aux exigences de réciprocité en matière d’investissements. Gaz de France est en piste pour devenir le troisième larron du consortium russo-allemand du Gazoduc de la Baltique, mais Gazprom laisse entendre qu’il faudra ouvrir des portes en retour. La même stratégie du donnant-donnant semble avoir cours dans les négociations avec Total sur le gigantesque champ gazier de Shtokman, en mer de Barentz.

A Kiev, Varsovie ou Riga, on lit dans cette affaire une « nouvelle version de la vieille tactique russe du rapport de force ». Le gouvernement polonais de Lech Kaczynski a d’ailleurs proposé récemment l’idée d’« un Otan de l’énergie » qui réaffirmerait les solidarités énergétiques occidentales face à la Russie. Mais si l’idée d’une clause de solidarité a été retenue par les Vingt-Cinq, qui vont travailler à mettre sur pied des stocks de gaz européens, la « militarisation » du champ énergétique n’a en revanche pas convaincu le camp des colombes, qui soulignent qu’« on ne peut se mettre à dos un partenaire aussi capital que la Russie ».

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Laure Mandevile | Le Figaro | 06 avril 2006 | Rubrique International

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IRAN-RESIST a également consacré quelques articles à l’offensive énergétique Russe et nous vous invitons à les lire pour compléter l’excellent article de Laure Mandeville.

Russie-Iran Islamique : une alliance dangereuse (19.12.2005)

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