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7 jours en Iran : 6-Zazie dans le métro de Téhéran
30.03.2006

Vincent Hugeux, l’envoyé spécial de l’Express en Iran, a eu l’idée de raconter la vie en Iran sous la forme de lettres écrites au cours de son périple. Lettre n°6 : Le dernier Métro...



Connaissez-vous la recette du lapin à la persane ? Moi, oui. J’ai quitté Paris le 13 mars, muni de la ferme promesse d’un entretien avec Ali Larijani, patron du Conseil suprême de la Sécurité nationale d’Iran et figure de proue de la bataille nucléaire. Rendez-vous avait été pris pour dimanche, 13h00. Trente minutes avant l’échéance, coup de fil de son cabinet. "Vraiment désolés : l’interview est annulée. Peut-être plus tard, dès que possible." En clair, jamais. Du moins, pas lors de ce séjour. À l’approche de Norouz, le Nouvel An, Téhéran se vide et l’Iran ne pense qu’à fêter en famille le nouveau millésime - 1385 en vertu du calendrier persan. Après ? Le visa de sept jours expire avec l’année qui s’achève. Tant pis.

Comment se consoler d’un tel revers ? En cédant par exemple à un vieux penchant pour les miniatures et les calligraphies persanes. Dans le capharnaüm de Habib, avenue Ferdoussi, on déniche au milieu d’un fatras d’échiquiers, de coffrets et de tapis quelques merveilles empoussiérées. Juif, le maître des lieux a vu s’exiler sa sœur et ses deux frères ; lui aime trop l’Iran pour s’en éloigner. "Tous trois ont fait fortune, confie-t-il. En Israël, à Los Angeles et au Canada. Mais l’argent n’a jamais racheté leur mal du pays."

Étape suivante, la librairie Nashr-é-Sales, rue Karim-Khan. À l’étage, une galerie-cafétéria, havre réputé pour sa quiétude et ses expressos. C’est là que me rejoint Kaveh, traducteur à ses heures d’Albert Camus et de Raymond Queneau. Lunettes rondes, longue tignasse noire de jais, voici le saint-bernard des journalistes francophones de passage. Même si, devancé par France 2, L’Express a cette fois dû se passer de ses services. Quand il ne cornaque pas les envoyés spéciaux, ou se lasse de déjouer les pièges semés sous sa plume par la gouaille de Zazie, Kaveh s’adonne à sa vraie passion : la photo. Il s’enferme alors dans sa chambre obscure et travaille d’immenses tirages noir et blanc, aussi contrastés que les cent visages de l’Iran. En sortant, cet homme de mots et d’images me dédicace un exemplaire du Vol d’Icare en farsi. Puis me raccompagne au volant de sa Coccinelle vert pomme.

Ce lundi soir, il est exactement 21 heures, 55 minutes et 35 secondes. C’est à cet instant précis que l’Iran bascule dans l’année nouvelle, saluée par des bordées de pétards et de fusées. Théâtre peu auparavant d’une cohue infernale, le trottoir de l’avenue Vali-Asr est quasiment désert. Seuls quelques vendeurs de jeans, peluches, rasoirs jetables ou parfums contrefaits donnent encore la réplique aux marchands ambulants de fèves et de fruits rouges confits. Il est temps de boucler la valise et de prendre la route de l’aéroport. Sal-é-no mobarak. Bonne année.

WWW.IRAN-RESIST.ORG

En décembre 2005, Vincent Hugeux (grand reporter au service Monde et président de la Société des rédacteurs de L'Express) a reçu le trophée Presse écrite du 12e Prix Bayeux des Correspondants de guerre. Hugeux a été distingué pour son reportage « Ouganda, l'enfance massacrée ».

Le Prix Bayeux vise à rendre hommage aux reporters qui exercent leur métier dans des conditions parfois périlleuses pour assurer une information libre et démocratique.


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