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Analyse : les Kurdes irakiens lachent les Chiites !
13.03.2006 [+ nos commentaires]

L’Irak : la défection kurde est une bonne nouvelle dans un paysage presque implacable de mauvaises nouvelles...

[Analyse de Ch. Krauthammer de Jewish World Review & nos commentaires]



Perdu au milieu de tous les massacres en Irak, il existe un important développement politique : les Kurdes ont changé de partenaires. Dans le premier parlement suivant les premières élections, ils s’étaient alliés sur le tableau shiite qui a conduit au gouvernement actuel, dominé par les Shiites, et conduit par Ibrahim al Jafari.

Maintenant les Kurdes ont rejoint l’opposition sunnite et les partis laïcs pour s’opposer au bloc shiite. Le résultat est fait de deux grandes coalitions concurrentes : (a) le bloc Kurdes + Sunnites + Laïcs, qui contrôle environ 140 sièges sur les 275 du Parlement et constituerait la majorité la plus ténue, et (b) le bloc shiite, qui est lui-même une coalition de sept partis pas toujours amis, et contrôle 130 sièges, légèrement moins qu’une majorité.

Si c’était seulement aussi simple, l’Irak aurait un nouveau gouvernement, d’orientation laïque. Mais pour protéger les minorités et obliger à la création de larges coalitions de gouvernement, la constitution irakienne exige avant tout une majorité des deux tiers pour former un gouvernement.

Si nous avions une telle exigence aux Etats Unis, nous pourrions encore essayer de régler les élections de 2000. En Irak, le résultat pour l’heure est une impasse, qui pourrait conduire à un désastre si tout le système se désintègre de ce fait. Ou bien cela pourrait conduire à un gouvernement plus efficace et moins sectaire que celui de Jafari.

La question clé est de savoir qui va contrôler les deux ministères essentiels : l’Intérieur et la Défense. En Irak, comme dans la plus grande partie du monde, l’Intérieur ne contrôle pas les parcs nationaux. Il contrôle la police. Et sous le gouvernement actuel, il a été placé sous le contrôle shiite et infiltré par des milices shiites extrémistes. Certaines de ces milices ont lancé des raids de représailles brutales contre des Sunnites après l’attaque à bombe de la mosquée d’Or de Samarra, gâchant totalement le projet d’une force de police nationale exerçant une autorité légitime dans tout le pays.

Le principal objectif de l’ambassadeur américain Zalmay Khalilzad, qui fit des miracles en Afghanistan, est d’assurer que le Ministère de l’Intérieur soit purgé de tout sectarisme en le confiant à une personnalité neutre, peut-être un sunnite laïc sans lien avec le parti Baath. De même pour le Ministère de la Défense, qui contrôle l’armée. L’armée s’est bien comportée à maints égards après l’attentat à la bombe contre la mosquée et les émeutes qui ont suivi, et elle a agi comme une institution nationale fiable. Il est essentiel qu’elle ne tombe pas entre des mains sectaires.

Le succès politique de l’Irak repose surtout sur ces deux institutions. C’est pourquoi ces négociations, aussi fatigantes et sans fin qu’elles apparaissent, sont si importantes.

La question immédiate est celle du poste de Premier Ministre. Un vote interne au sein du bloc shiite a confié un nouveau mandat pour Jafari lors d’un vote unique. Le vote critique le plaçant en tête était celui de la faction contrôlée par Moqtada al Sadr, le clerc radical anti-américain et favorable à Téhéran, dont la base se trouve dans les bidonvilles de Bagdad. Pour Sadr, un gouvernement faible et appuyé sur la corruption, qui permet la détérioration des conditions locales, serait pour lui le prélude parfait pour gagner le pouvoir.

Tous les partis de la coalition shiite ne sont pas satisfaits de l’inefficacité de Jafari, ou de sa dépendance politique à l’égard de Sadr. Des divisions apparaissent déjà au sein de cette alliance difficile. Mais le défi le plus important pour Jafari, ce sont les Kurdes. Ils se méfient de Sadr, et sont insatisfaits de Jafari avec lequel tout – les services, la sécurité, la confiance – se détériore.

Il faut admettre qu’une part de leur calcul est sectaire. Après tout, c’est cela l’Irak. Jafari s’est opposé aux revendications kurdes sur Kirkourk, et il a rendu les Kurdes furieux en voyageant en Turquie (qui s’oppose à toutes les ambitions kurdes) sans leur approbation, et avec une participation au voyage qui ne comprenait pas le moindre kurde.

Le bloc Kurde + Sunnites + Laïcs veut un nouveau Premier Ministre qui établira un gouvernement d’Unité nationale. Du fait que les Etats-Unis veulent précisément la même chose, la défection kurde est une bonne nouvelle dans un paysage presque implacable de mauvaises nouvelles. L’autre bonne nouvelle est la division dans le bloc shiite, avec une quasi-majorité en faveur d’un Premier Ministre plus technocrate, et l’irritation contre l’influence de Sadr.

De plus, l’insurrection sunnite est au beau milieu de sa propre lutte fratricide entre ex-baathistes locaux, qui ne sont pas particulièrement religieux et veulent le pouvoir, et les jihadistes étrangers de Abu Musab al Zarqawi, pour lesquels tuer des shiites associe sport et religion, et qui ne se soucient pas le moins du monde de l’avenir du pays. Il existe de nombreux compte rendus de tribus sunnites déclarant la guerre à ces jihadistes étrangers, et de combats incendiaires entre eux.

La situation sécuritaire est effroyable, et l’environnement du pouvoir dangereux. Le seul espoir de succès en Irak est politique. La défection kurde a provoqué l’impasse actuelle. Cette impasse a contribué à l’humeur de désespérance ici chez nous. Mais la défection maintient ouverte la meilleure possibilité de succès politique : un gouvernement d’unité nationale efficace assis sur une large base qui, pendant son mandat obligatoire de quatre ans, présidera à un retrait américain.

Ch. Krauthammer [1] | Jewish World Review | 10.03.06


Pour en savoir + sur l'Insurrection Sunnite
- L’absurde politique des mollahs en Irak (date : 10.01.2006)

Pour en savoir + sur l'Unité de l'Irak
- Fédéralisme : L’Iran et l’Irak au bord du gouffre (date : 22.12.2005 + carte)

Pour en savoir + sur Samara
- Les attentats à Samara et les réactions de Ahmadinejad ne présagent rien de bon (date : 23.02.2006)

Mais ce changement de camp, aussi important soit il, n’est pas le premier du genre. C’est d’ailleurs une des spécialités des dirigeants kurdes qui sont les héritiers d’une diplomatie, vestige de la guerre froide. Ces dirigeants ont pris en otage le destin des kurdes et impriment leur marque à cette région, laissant présager d’autres changements plus spectaculaires et peut-être moins heureux. Qui sont-ils et d’où viennent-ils ?

Pour en savoir + sur les Revirements Kurdes, lisez :
- L’aventure Kurdo-Chiite (Irakienne) des mollahs tourne au fiasco (date : 06.10.2006)

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