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L’Iran vend des affiches de Mahomet en jeune éphèbe !
02.03.2006

Maintenant que ça se tasse, dit l’incendiaire à l’affût, si on en remettait un coup, sur les caricatures de qui vous savez ? Incendiaire ? Non, plutôt rabatteur de caquets. Voici donc un « portrait » du prophète Mahomet, jeune et un tantinet équivoque - rien à voir, certes, avec le vieux barbu caricaturé au Danemark. Quoi qu’il en soit, cette icône n’a nullement été jugée iconoclaste en Iran, où elle circule sous forme d’affiches depuis la fin des années 1980.



C’est le quotidien de Genève, Le Temps, qui raconte l’affaire dans un article fort intéressant [22/02/06] intitulé Ces étranges portraits de Mahomet jeune. L’auteur, Patricia Briel, explique comment deux ethnologues suisses, Pierre et Micheline Centlivres, collectionneurs d’images populaires du monde musulman, ont ramené de leurs voyages quelques-uns de ces portraits à l’esthétique kitsch, imprimés et mis en vente à Téhéran, Qom et autres villes iraniennes.

« Au hasard d’une promenade à Paris, poursuit l’article, les deux ethnologues sont tombés sur une affichette signalant une exposition de photographies orientalistes de l’Allemand Rudolf Franz Lehnert (1878-1948). Le portrait figurant sur l’affiche ressemble étrangement à l’éphèbe de leurs posters. En visitant l’exposition, ils découvrent avec stupeur le modèle original : une photo datant de 1905 ou 1906, sur laquelle sourit un jeune Arabe à l’épaule dénudée. »

La découverte a été rapportée dans la revue Etudes photographiques de novembre 2005, images à l’appui [celles reproduites ici]. Les ethnologues disent ignorer comment cette photo, réalisée en Tunisie par Lehnert et éditée par son associé Ernst Heinrich Landrock (1878-1966), a pu arriver en Iran. Toujours est-il qu’elle y circule abondamment sous cette forme kitcho-sensuelle, que doivent apprécier les amateurs d’éphèbes.

A ce propos, Patricia Briel précise : « Il est toutefois piquant de constater que les éditeurs iraniens se sont inspirés d’une photographie à l’esthétique sensuelle. Outre les déserts, les marchés et les quartiers de Tunis, Lehnert et Landrock aimaient également publier des photographies de fillettes prépubères et de jeunes garçons en partie dévêtus. Les deux associés, qui avaient créé une entreprise d’édition florissante à Tunis, puis au Caire, s’étaient rencontrés en Suisse en 1904. Comme le remarquent Pierre et Micheline Centlivres dans l’article paru dans la revue Etudes photographiques, « les jeunes garçons pris pour modèles ne laissaient pas insensible une clientèle européenne adepte de « l’amour qui n’ose pas dire son nom ». C’est l’époque de L’Immoraliste d’André Gide, qui n’a pas hésité à chanter la beauté des jeunes garçons du Maghreb ».

Ne doutons pas de l’aspect séduisant du jeune Mahomet, par contraste avec ses représentations danoises en vieux sbire barbu et, qui plus est, coiffé d’une bombe. Une bombe à retardement, certes, mais dont l’effet de souffle n’avait tout de même rien à voir avec l’interdit prétendu par d’aucuns de ladite représentation selon la loi islamique. On sait désormais à qui a profité le crime de lèse-prophète.


- par Gérard Ponthieu, Journaliste. Conseil et formateur pour la presse. À ces titres, pourfendeur des écarts qui frappent le métier d’informer et observateur gourmand du devenir des médias - en particulier des blogs. Voir c’est pour dire


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