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Analyse : Hystérie de masse et Realpolitik autour de Mahomet
15.02.2006 [Par Hajnalka VINCZE]

L’Europe paye le prix fort de sa couardise habituelle et, encore une fois, la plupart de ses politiciens ne songent qu’à baisser les bras. Or, à la longue, ce n’est que de l’huile sur le feu. D’autant que l’agitation d’aujourd’hui est avant tout un épisode dans un bras de fer infiniment plus large.



Il convient d’abord de ne pas oublier l’incontournable démographie. D’ici 2050 la population de notre continent baissera de 50 millions tandis que celle du croissant arabo-musulman voisin accroîtra de 700 millions. Dans ce contexte, on peut, en simplifiant, distinguer trois lignes de fracture majeures. La première sépare le Nord développé et le Sud en voie de développement, tandis qu’au long de la deuxième se cristallise la tension entre les riches élites de ces pays du Sud et leurs masses populaires. La troisième se trouve dans le fossé de plus en plus profond au sein même de nos sociétés européennes.

Au cœur de ces trois nœuds de tensions, il y a des problèmes économiques et sociaux, ô combien réels, auxquels on peut toujours se référer pour « vendre » des programmes extrémistes. Derrière la rhétorique religieuse, ces forces politiques ont leur propre agenda caché - la religion est un excellent moyen pour galvaniser les foules, mais les enjeux, eux, sont éminemment politiques.

Dans le système de valeurs européen, la religion est l’affaire privée de chacun. Cela nous avait coûté une série de leçons pénibles de notre histoire pour arriver enfin à cette conclusion. Si des musulmans se sentent blessés à cause des caricatures, qu’ils intentent une action en justice. Mais le problème n’est pas là. Il est dans la prétention des fondamentalistes à revendiquer, sous le prétexte de la religion, un traitement privilégié. Les religions chrétienne, juive, hindoue peuvent faire l’objet de rire, mais pas la leur. En France, à côté du voile islamique, les grandes croix et la kippa juive sont aussi prohibées à l’école, mais seul le cas du voile a suscité un débat houleux.

Ceci s’inscrit dans un processus extrêmement dangereux lequel, s’il se poursuit, mènerait à la fragmentation de nos sociétés, à la disparition de nos valeurs et au démembrement de nos souverainetés étatiques. Au lieu d’assimiler nos immigrés sur base de citoyenneté, nous nous complaisons à marteler des slogans « multiculturels » pour les laisser s’enfermer dans des enclaves isolées, ayant leurs propres lois. Ce qui, à terme, minerait la cohésion de nos sociétés, de même que l’indivisibilité de notre ordre constitutionnel. En plus, bien entendu, d’éroder nos valeurs fondamentales (telle que la liberté d’expression).

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Évidemment, on peut trouver que les caricatures sont de mauvais goût ou politiquement inopportunes. Evidemment, on peut et l’on doit s’efforcer de désamorcer l’escalade. Mais surtout pas en relativisant nos valeurs de base et en nous privant ainsi du peu de crédibilité qui nous reste encore.

La façon dont le commissaire chargé des affaires intérieures et la plupart des dirigeants des Etats membres se sont rétractés les uns après les autres fait la honte de l’Europe.

L’Europe dépense un milliard d’euros par an pour aider le monde arabo-musulman voisin. 500 millions par an pour contribuer à l’Etat autonome des Palestiniens qui sont en train de lapider les représentations européennes et de brûler nos drapeaux.

Sans la volonté et l’action politiques à même de convertir notre poids économique en influence réelle, nous finançons nous-mêmes d’être tournés en objet de dérision et en cible de violence. Et l’opinion publique européenne n’en parlons même pas. La Commission sort chaque année une nouvelle stratégie de communication, dans l’espoir de gagner les citoyens à la cause de l’Europe. Quelle Europe ?

La solution, une fois encore, serait de faire enfin ce que l’on appelle la politique. L’excitation des foules peut s’appuyer en partie sur des problèmes socio-économiques réels et graves. Il faut absolument gérer ceux-ci, mais dans un cadre stratégique cohérent. Une politique familiale censée freiner le déclin de la population européenne en ferait partie, de même que la régulation stricte de l’immigration et son maintien à un niveau qui soit « digérable ».

Accompagnée, bien entendu, des politiques sociales, d’éducation appropriées et d’autres mesures correspondantes destinées à faciliter l’assimilation. Surtout, il nous faut préserver et représenter de façon crédible notre identité. Autrement, nous n’aurions rien à quoi intégrer ceux qui viennent chez nous et rien au nom de quoi dialoguer avec nos partenaires sur la scène internationale. Nous finirions par disparaître dans la poubelle de l’histoire.

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Hajnalka VINCZE est analyste en politique de sécurité, spécialisée dans les affaires européennes et transatlantiques. Ses recherches portent sur les rapports de force intra-européens et euro-américains, avec un accent sur les perspectives stratégiques et leur base technologique et industrielle.

Elle se prononce pour une Europe autonome et politique. Son engagement pour la défense du modèle européen fait d’elle une partisane de longue date du concept d’avant-garde.

- Source : Résumé d’une interview accordée à www.ma.hu, 9 février 2006


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