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Renaud Girard : le Ahmadinejad de la presse française
18.01.2006

Renaud Girard, grand reporter au Figaro, a signé un article élogieux sur Ahmadinejad. Selon lui, Ahmadinejad est la réincarnation de JFK. Est-il devenu fou ou l’était-il depuis toujours ? Nous ne connaissions pas ce monsieur et nous nous sommes intéressés à sa petite personne. Nous n’avons pas été déçus.



Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad est tout sauf un petit chef pasdaran parvenu par hasard au faîte du pouvoir et promis à s'en faire rapidement évincer. Comme tous les grands politiques, c'est un homme qui dispose à la fois d'une vision pour son pays et d'une stratégie pour la mettre en oeuvre. Contrairement à ce que l'angélisme a pu faire dire, il y a encore trois mois à membre d'observateurs de la région, Ahmadinejad est, malgré son âge relativement jeune (celui de Kennedy lorsqu'il a été élu), une personnalité réfléchie, qui sait parfaitement où elle veut aller, et comment.

John F Kennedy voulait fomenter un coup d’état en Iran pour faire venir au pouvoir des Colonels et remplacer un jeune roi populaire par une dictature militaire docile et facile à manipuler. Le gentil et sexy homme d’état avait choisi le Chef des Renseignements du Chah pour liquider la monarchie en Iran. Le destin en a décidé autrement et Kennedy n’a pas pu vivre aussi longtemps qu’il le voulait pour faire aboutir ses projets pour l’Iran et en faire une Turquie bis. C’est dire si Iran-Resist n’est pas atteint par la JFK-mania. Le personnage, son cynisme « wasp » (même s’il était catho), son papa facho et mafieux, ses liens avec la mafia et surtout son dédain pour l’Iran et le sort des Iraniens ne nous permet pas de nous enthousiasmer... Il est vrai que les Iraniens qui ignoraient ses plans pour leur patrie ont pleuré son assassinat, se sont émus du chagrin des Américains. Si JFK avait vécu, l’Iran serait devenu un état militariste, au mieux une Turquie, au pire un Pakistan. Mais tout de même, comparer Ahmadinejad à Kennedy est injuste et si l’homme n’avait pas été tué par un mystérieux tireur, il se serait certainement suicidé après cette comparaison.

Selon Renaud Girard, Ahmadinejad est un homme d’état alors que George Bush, le foufou messianiste, n’en est pas un. Girard a choisi Kennedy parce que les Français l’aiment d’un amour sincère du moins autant qu’ils méprisent Bush. Mais Kennedy lui sert seulement de rampe de lancement à Kennedynejad. Notre ami Grand reporter se sert de ce « grand homme » pour mettre en place un portrait flamboyant de Ahmadinejad. Celui qui tirait la dernière balle dans la tête des fusillés agonisants et que les Iraniens qualifient de chimpanzé est pour Girard un brillant rhétoricien, un homme jeune mais cultivé, un visionnaire, un persan.

Évidemment Renaud Girard ne connaît rien à l’Iran, il ne sait pas que les Iraniens délivraient des passeports iraniens aux juifs européens pour les sauver des griffes des Nazis, lui qui ne considère pas la rafle du Vel d’hiv comme une tâche dans l’histoire de la France. Sous le régime du Père du Shah d’Iran, Reza Shah le Grand, l’Iran est sorti grandi de l’épreuve de la Shoah. Si Reza Shah est considéré comme un grand homme par les Iraniens au point que même les mollahs n’osent plus le dénigrer, ce n’est malheureusement pas en raison de son comportement digne au sujet juifs victimes de la barbarie nazie. Les Iraniens le vénèrent pour son œuvre de modernisation de l’Iran et pour sa contribution à la renaissance de l’identité perse.

À cette époque, nous étions des chiites, mais avant d’être des chiites nous étions farouchement Iraniens, conscients de notre origine indo-européenne, nous savions que le mot Iran se rattachait au mot Aryen, mais nous étions les enfants de Cyrus le Grand, un autre guerrier dont le nom évoque la première proclamation des droits de l’homme. Il est particulièrement ignoble de faire croire à des Français que ces mollahs qui voulaient raser Persépolis et inonder le Tombeau de Cyrus sont des persans. Alexandre Adler s’amuse au même jeu qui est indigne de son niveau d’étude. Il est particulièrement ignoble de faire croire à des Français que ces mollahs qui ont enfermé la femme iranienne sous un voile noir et ont modifié les contenus des livres pour les rendre islamiques, arabisants et antisémites sont des persans, des soi-disant successeurs de Cyrus.

Le texte de Renaud Girard ne parle pas de l’Iran mais des mollahs et de leur magnificence. On badigeonne ce macaque d’Ahmadinejad de compliments. On le qualifie de persan, on associe son nom à une culture prestigieuse qu’il a contribué à détruire, on brosse le tableau de la superpuissance des mollahs, de la popularité d’un régime absurde et impopulaire et l’on dit aux Français : ne touchez pas aux mollahs, sinon ils vont pulvériser Paris avec des attentats.

Le texte joue sur la peur et il veut terroriser le lecteur. À qui profite cette lecture, lisons et analysons.

« Les Européens ne font plus peur depuis longtemps. Le pasdar Ahmadinejad se souvient mieux que personne qu'il a fallu d'un simple attentat rue de Rennes à Paris en 1986 pour amener la France à modifier sa politique à l'égard du régime de Téhéran. Les mollahs savent que les Européens, pétris de repentance et de pacifisme, ne sont pas que faibles moralement. Ils le sont aussi militairement, ayant drastiquement réduit leurs forces armées depuis la chute du mur de Berlin ».

« Les Américains ne font plus peur depuis qu'ils se sont embourbés en Irak : les mollahs iraniens ont compris que la priorité de Washington était de retirer ses troupes, mouvement qui serait impensable au cas où le Sud irakien chiite entrerait en insurrection. »

« Quant aux Israéliens, Ahmadinejad a compris qu'ils réfléchiront à deux fois avant de lancer des frappes sur les sites nucléaires de l'Iran, ne serait-ce que pour ne pas rallumer le front de la frontière avec le Liban, militairement tenu par le Hezbollah, milice inféodée à Téhéran. »

On dirait un message codé envoyé par nos mollahs. Renaud Girard est un mercenaire de la plume et de parole. Il écrit ce qu’on lui dicte. Renaud Girard est aussi un spécialiste de la désinformation et d’ailleurs, il l’enseigne à Sciences-Po. Le texte est élogieux envers les mollahs, mais dénonce leur détermination. Il n’est pas commandé par les mollahs, même si ces derniers seront sans doute enchantés de savoir qu’ils sont aussi invulnérables.

En réalité, c’est un texte qui arrange les mollahs, mais il arrange aussi et surtout des individus que l’on confond avec l’état Français. Le texte arrange également la France qui se dirige vers la saisine en traînant des pieds (ce que nous regrettons car nous aimons aussi ce pays). Nous ne pensons pas que le texte soit commandé en très haut lieu. Ce texte est trop insignifiant et son auteur est du niveau de Didier Julia. Nous pensons que Monsieur Girard fait dans ce cas précis du free-lance pour un de ses amis proches.

Il y a celui ou ceux qui ont conseillé les différents ministres des affaires étrangères et qui se trouvent aujourd’hui mis en cause par le Quai d’Orsay qui leur reproche leurs mauvais conseils. Mauvais conseils qui ont conduit la France dans une impasse (que nous regrettons). La France n’a pas su écouter les opposants nationalistes iraniens, elle s’est enfermée dans un jeu d’intrigues utilisant le CNRI contre les mollahs et vice-versa. La France s’est éloignée des Etats-Unis dans l’affaire iranienne en misant tout sur une issue heureuse des négociations avec la signature de l’Accord de Paris. Elle n’avait pas prévu de plan B pour le pétrole en cas d’un embargo sur les produits iraniens et pas de plan B en cas de mésentente entre les pays de la Troïka. L’ami ou les amis de Renaud Girard se justifient à travers lui.

Renaud Girard est d’ailleurs un spécialiste de ce domaine et il propose ses services pour toute sorte de mission casse-cou. Mehdi Ba et Olivier Cyran qui publient L’Almanach critique des médias [1] lui décernent la Palme 2004-2005 pour son intervention remarquée sur le plateau de France 3, suite à la diffusion d’un documentaire sur le génocide Tutsi au Rwanda. On avait alors assisté à une défense sans nuance de ministres qui avaient minimisé l’affaire du génocide.

Mais Renaud Girard est un peu comme Ahmadinejad lui-même. Il est là pour dire ce qu’on attend de lui, mais souvent il s’emporte et ça dégénère. Le problème avec ce texte c’est qu’il est écrit par un tâcheron qui exagère son propre rôle dans la farce.

En octobre 2005, Renaud Girard se confiait à l’hebdomadaire Le Point. On y apprenait son amour du journalisme et son goût de l’aventure, mais l’hebdomadaire nous apprenait qu’une autre passion animait Renaud Girard : « rendre service aux dirigeants de son pays : cela a été ma façon à moi de servir l’État… »

« Chaque fois que je rentrais de reportage, je briefais les diplomates ou l’Élysée sur ce que j’avais vu. » C’est tout lui, il rendait service. C’est d’ailleurs ce qu’on lui reproche.

Chargé, pendant l’année universitaire 2004-2005, de former les élèves de Sciences-Po au « rôle de l’information, du renseignement aux médias dans la gestion des conflits du XXIe siècle », Renaud Girard s’est entouré de deux experts, deux amis, sans doute pour rendre service. En réalité, il « nous » a rendu service. Il y a là, un ancien directeur du renseignement à la DGSE et un ancien directeur du Centre d’analyse et de prévision du Quai d’Orsay, désormais vice-président exécutif d’un géant de l’armement.

Nous pensons que Renaud Girard est le porte-parole du second personnage et de ses ex-collègues du Centre d’Analyse. Centre d’analyse et de prévision qui s’est royalement planté dans ses prévisions sur le gentil Khatami et le pragmatique Rafsandjani, sur les Russes aussi. Il continue de se justifier au lieu d’analyser et prévoir. Renaud Girard n’est qu’un porte-voix en carton-pâte qu’on sort de temps en temps pour crier des banalités. Le bonnet d’âne revient au Centre de l’analyse et de(s) prévision(s).

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